Indemnités de fonction des maires et adjoints : comprendre le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
C’est aujourd’hui, à 15 heures, que va être adopté solennellement le projet de loi Engagement et proximité à l’Assemblée nationale. Maire info propose pendant toute cette semaine une série d’articles pour comprendre les modifications apportées par les députés au texte du Sénat. Aujourd’hui : la hausse des indemnités de fonction des maires et des adjoints.
Ce qui existait avant
Aujourd’hui, le dispositif permettant de fixer les indemnités des élus est réglementé par deux lois de 2015 et de 2016 – ce dernier texte obtenu à la demande de l’AMF. Ces lois fixaient un principe simple : de droit, les maires touchent la somme maximale prévue par le barème, pour chaque strate de communes, sans que le conseil municipal soit consulté. Les maires peuvent néanmoins demander à ne pas toucher les indemnités maximales, et faire délibérer le conseil municipal sur ce sujet : « Le conseil municipal peut, par délibération, fixer une indemnité de fonction inférieure au barème (…), à la demande du maire », dit la loi du 8 novembre 2016. Le bénéfice des indemnités maximales de droit ne concerne pas, en revanche, les adjoints.
Pour les petites communes notamment, le barème est de l’avis général beaucoup trop bas : rappelons par exemple que les maires des communes de moins de 500 habitants touchent une indemnité de 661 euros brut par mois et leurs adjoints de 256 euros brut.
De la version initiale à la version Sénat
Dans un ajout au projet de loi Engagement et proximité initial, dévoilé en septembre (lire Maire info du 4 septembre), le gouvernement s’est attaqué à la question des indemnités en proposant le dispositif suivant : une fusion des trois premières strates du barème, aboutissant à la création d’une strate unique pour les communes de moins de 3 500 habitants. Il était proposé que tous les maires de cette nouvelle strate unique touchent une indemnité de 1672,44 euros et les adjoints de 641,75 euros. Mais avec une grande différence, pour les maires, avec le dispositif actuel : la fixation ne se faisait pas au plafond, de droit, mais après délibération du conseil municipal.
En outre, dès le début, la question s’est posée des moyens dont disposeraient les communes pour financer cette augmentation, estimée globalement dans l’étude d’impact à 600 millions d’euros.
Le Sénat a donc imaginé un autre dispositif pour les maires comme pour les adjoints : premièrement, il a rétabli les strates actuelles (moins de 500 habitants, de 500 à 999, de 1000 à 3499) ; mais en augmentant le plafond pour chaque strate, de 50 % pour les plus petites communes, de 30 % et de 20 % pour les suivantes. Une telle augmentation, moins importante que celle prévue par le gouvernement, étant jugée plus « soutenable » pour les finances des communes.
Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale
C’est Sébastien Lecornu lui-même qui a présenté, vendredi, devant les députés, le dispositif proposé par le gouvernement pour les maires. Reconnaissant que sa version initiale était « peut-être un peu jusqu’au-boutiste », puisqu’elle laissait au conseil municipal « une totale liberté de modulation des indemnités », le ministre a choisi de ne « pas s’arc-bouter ». Il a choisi un système qu’il juge « équilibré » : le barème actuel reste en vigueur, de droit, pour toutes les communes. Il devient, en quelque sorte, l’équivalent de ce qu’est le smic dans le domaine des salaires – une indemnité minimum garantie : « Le maire d’une commune de moins de 3 500 habitants se verra garantir une indemnité au moins équivalente à celle d’aujourd’hui, sans avoir à prendre de délibération », a détaillé le ministre vendredi. Ensuite, le maire pourra demander que cette indemnité soit « modulée », et fera voter le conseil municipal sur ce point. La hausse maximale se limitera au barème fixé par le Sénat : 50 %, 30 % et 20 % pour les trois premières strates, ce qui correspond à des indemnités de 991 euros, 1 566 et 2 006 euros.
Attention, la possibilité de demander au conseil municipal une augmentation des indemnités, selon ce deuxième barème, est réservée aux communes de moins de 3 500 habitants. En revanche, tous les maires, qu'ils dirigent des communes de plus ou de moins de 3 500 habitants, conservent le droit de faire voter par le conseil municipal une indemnité inférieure aux barèmes.
Pour les adjoints, le dispositif proposé par le Sénat a été retenu.
Élément à retenir : on revient bien à un système où c’est au maire de demander une « augmentation » – avec les problèmes politiques que cela peut impliquer, puisque l’on sait d’avance que bien des maires ne se sentiront pas, vu l’état des finances des communes, de demander une telle hausse de leurs indemnités. Dans ce domaine, la présentation du ministre devant les députés paraît aussi discutable : s’il a rappelé qu’en 2015, le Sénat avait fixé les indemnités du maire « au maximum », il a parlé de « retour en arrière » avec la loi de 2016 « qui a rétabli la liberté de fixation des indemnités ». Ce n’est pas inexact… à partir du moment où l’on précise que cette « liberté » a été donnée aux maires, et non aux conseils municipaux.
Augmentation de la dotation élu local
Dernier élément : les communes auront-elles les moyens de financer cette possible hausse des indemnités ? Le Premier ministre, on s’en souvient, a évoqué en clôture du congrès des maires, jeudi, une augmentation « ciblée mais substantielle » de la dotation particulière pour les élus locaux (DPEL). Mais il était alors impossible de savoir si Édouard Philippe avait en tête une augmentation future, ou s’il évoquait l’augmentation de 10 millions d’euros de la DPEL déjà prévue dans le projet de loi de finances (PLF).
Sébastien Lecornu a donné la réponse vendredi, et c’est une bonne nouvelle pour les communes : il s’agira bien d’un effort supplémentaire. La DPEL va « doubler pour les communes de moins de 200 habitants » et augmenter de 50 % pour les communes de 200 à 500 habitants. Le ministre a annoncé que cette mesure allait être « introduite » dans le PLF « dès cette année ». Il semble en revanche qu'aucune revalorisation ne soit prévue pour les communes de 500 à 1000 habitants.
Mais il reste néanmoins indéniable, comme l’a fait remarquer la députée Christine Pires Beaune, que ce n’est pas l’État qui va payer cette augmentation mais … « les collectivités elles-mêmes », puisque l’augmentation de la DPEL est financée « par les variables d’ajustement » : il s’agit d’un simple effet de vases communicants, l’augmentation de certaines dotations étant financée par la diminution d’autres.
Tout ce dispositif a été largement adopté par les députés, qui, globalement, ont salué une réforme « plutôt vertueuse », « de bon sens ». Certains députés, comme Laurent Furst (LR, Bas-Rhin) auraient toutefois préféré une augmentation « d’office » des indemnités : « Pour beaucoup d’élus, il est difficile de demander au conseil municipal » une augmentation. « Fixer le principe d’une indemnité d’autorité aurait évité à beaucoup d’élus de vivre ce moment de gêne. »
Franck Lemarc
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