Proposition de loi visant à démocratiser le sport : des avancées et des regrets
Par Lucile Bonnin
C’est le seul texte du quinquennat consacré à la pratique du sport pour tous. Ce texte, qui se substitue au projet de loi « Sport et société » attendu en 2019 ou 2020 (lire Maire info du 23 mars 2021), est une proposition de loi qui a fait l’objet de nombreuses modifications.
Ce 18 janvier, le Sénat entame l'examen de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accéléré et examiné en commission le 5 janvier dernier.
Certains amendements adoptés par la commission visent « à trouver un compromis entre le texte proposé par la majorité de l’Assemblée nationale et le mouvement sportif » et à mettre l’accent sur des « dispositions visant à développer le sport à l’école, à mieux concilier études et pratiques du sport de haut niveau ou encore à mieux valoriser l’engagement sportif à l’université, à renforcer le ''sport-santé'' et à accompagner la Ligue de football dans le rétablissement de son modèle économique. »
Le sport-santé : clé de voûte du texte
De nombreuses dispositions encouragent le développement du sport-santé, c’est-à-dire de la pratique d'activités physiques pour contribuer au bien-être et à la santé. L’article 1er de la proposition de loi inscrit, par exemple, l’offre d’activités physiques et sportives au titre des missions d’intérêt général et d’utilité sociale des établissements sociaux et médico-sociaux. « Cette reconnaissance formelle vise à conforter la dynamique à l’œuvre depuis quelques années et à conférer un caractère obligatoire à la mise en place d’une telle offre », peut-on lire dans le dossier législatif.
Les maisons sport-santé vont aussi être impactées. En tant que « guichet unique » d’accueil, d’information, d’orientation sur l’activité physique et sportive et sur l’APA dans les territoires, cette structure va être dotée d’un socle juridique commun. La commission a aussi adopté deux articles « instaurant, d’une part, une pratique sportive quotidienne au primaire afin de lutter contre la sédentarité et d’autre part, l’inscription de l’aisance aquatique dans les programmes d’EPS afin de lutter contre les noyades accidentelles. »
Parmi les changements importants, on retrouve aussi à l’article 1er bis une extension du droit de prescription de l’activité physique adaptée (APA). En effet, cette prescription ne peut se faire aujourd’hui que par un médecin traitant. La loi permettrait à tout médecin de réaliser cette prescription et – autre nouveauté notable – pour toutes les personnes souffrant d’une maladie chronique et présentant des facteurs de risques (hypertension artérielle, obésité…).
Un bémol sur le financement de certaines mesures
Si les intentions sont louables, les moyens alloués pour atteindre cet objectif de démocratie sportive sont incertains. L’élargissement des conditions pour accéder au sport sur ordonnance suppose, comme le soulignait déjà l’AMF l’année dernière, que les collectivités puissent disposer d’outils leur permettant de développer une offre d’équipements de sport santé. Or aucun accompagnement n’est prévu pour la mise en œuvre du dispositif dans les territoires.
Michel Savin, sénateur LR de l’Isère et rapporteur de cette proposition de loi dit regretter néanmoins « l’absence d’engagement financier du gouvernement et de prise en charge par l’Assurance maladie ».
Cette absence de volet financier pousse la commission à dire que ces dispositifs sécurisés et facilités pour développer ce « sport-santé » « ont une portée plus déclarative qu’opérationnelle ». C’est pourquoi, dans l’attente de garanties financières de la part du Gouvernement, la commission a supprimé le dispositif du « référent sport » que l’Assemblée nationale avait fait inscrire au sein de chaque établissement social et médico-social.
La commission a adopté également un amendement concernant la faisabilité financière pour les collectivités territoriales de l’obligation d’un accès indépendant aux équipements sportifs des établissements scolaires en cas de rénovation. « Alors que le texte ne prévoyait à l’origine la création d’un accès séparé qu’en cas de construction de nouveaux collèges et lycées, nous avons élargi le dispositif aux cas de réhabilitation lourde et de construction de nouvelles écoles primaires », expliquait en mars dernier le député Buon Tan.
Mais la configuration de certains lieux rend « impossible, ou alors pour un coût très élevé, la création d’un tel accès qui n’a pas été prévu lors de la construction initiale. L’article 40 de la Constitution empêche la commission d’aligner les contraintes en termes d’accès indépendants aux équipements des collèges. Il revient au gouvernement de déposer un amendement, afin de garantir une égalité de traitement entre toutes les collectivités. »
De grandes responsabilités pour les collectivités
La démocratisation du sport en France, selon ce texte, doit passer par « de nouvelles contraintes » qui vont peser principalement sur les collectivités territoriales.
L’article 2 inquiète particulièrement les rapporteurs. C’est ce dernier qui impose la création d’accès indépendants aux équipements sportifs des établissements scolaires en cas de création d’un nouvel établissement ou de rénovation importante de ces équipements. L’article ne prend pas en compte la faisabilité technique et financière de cette mesure pour les collectivités territoriales qui ont la compétence sur le bâti scolaire.
Une complexité se cache aussi dans le texte. En effet, des amendements successifs citent ces obligations qui peuvent varier en fonction du type de collectivité. Selon les rapporteurs, « rien ne justifie ces divergences. » Concernant l’accès indépendant aux équipements sportifs, par exemple, la rédaction issue de l'Assemblée nationale impose des obligations différentes pour les communes, départements et régions, respectivement en charge des écoles, des collèges ou des lycées. Un amendement, porté par l'AMF, va être débattu aujourd'hui. Il vise à préciser que la création d'un accès extérieur aux équipements ne doit être imposé que « dès lors que c'est possible ». En effet, est-il précisé dans l'exposé des motifs, « des contraintes foncières ou des règles urbanistiques » peuvent rendre la création d'un tel accès impossible.
Des changements pour les fédérations sportives
La proposition de loi fait la part belle aux fédérations. Cette nouvelle gouvernance du sport va aussi, et peut-être même avant tout, passer par un changement dans le fonctionnement des fédérations sportives nationales et régionales.
L’article 5 instaure « une obligation de représentation au minimum paritaire des femmes et des hommes dans les instances dirigeantes des fédérations sportives agréées et étend cette obligation aux instances dirigeantes des organes déconcentrés régionaux. »
Certaines dispositions particulières ont été prévues pour les plus petites fédérations. Lors du débat en séance publique, le gouvernement a déposé un amendement visant à permettre aux organes régionaux des fédérations qui comptent moins de 25 % de licenciés de l'un des deux sexes de ne pas être soumis à l'obligation d'assurer une parité parfaite, et de respecter un taux minimum de 25 %.
Cette nécessité de parité va de pair avec le besoin de renouvellement des responsables. L’article 7, qui prévoit de limiter à trois le nombre des mandats des présidents de fédérations et de ligues professionnelles, a été supprimé par la commission. Cette décision a été prise conformément aux recommandations du rapport de septembre 2020 de la mission sénatoriale d’information sur les fédérations sportives présidée par Jean-Jacques Lozach qui avait estimé « qu’il était nécessaire de laisser le mouvement sportif favoriser lui-même cette évolution qui s’est accélérée ces derniers mois. »
Arrivée au bout de son parcours législatif, la proposition de loi est examinée ce mardi au Palais du Luxembourg. Un accord devra être trouvé entre députés et sénateurs avant la suspension des travaux fin février.
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