Gouvernance du sport : les pistes de deux sénateurs pour la déclinaison territoriale
Voilà deux ans maintenant que le monde du sport se cherche une gouvernance. Depuis, l’Agence nationale du sport (ANS) a succédé au Centre national pour le développement du sport (CNDS) avec des ambitions nationales désormais bien identifiées : 3 millions de pratiquants supplémentaires en 2024 (lire Maire info du 22 mars) et un objectif de 80 médailles aux Jeux olympiques de Paris. Sa déclinaison territoriale, elle, tarde toujours à apparaître. C’est dans ce contexte que la mission d’information sur les nouveaux territoires du sport du Sénat, menée par Claude Kern (Bas-Rhin, UDI) et Christian Manable (Somme, Parti socialiste), a souhaité « préciser », dans un rapport contenant douze préconisations, « les missions territoriales de la nouvelle Agence nationale du sport », dont la mise en place reste encore « suspendue à l’adoption des décrets de la loi du 1er août 2019 ». Ils sont attendus pour le premier trimestre 2020.
Une compétence partagée
Avec les conférences des financeurs, les conférences régionales du sport, qui devraient être opérationnelles en 2020, détermineront, dans la nouvelle organisation, les projets sportifs territoriaux « tenant compte des spécificités territoriales » et ayant, notamment, pour objet le développement du sport pour tous. Leur pilotage devant être organisé, selon les sénateurs, « à l’initiative des collectivités territoriales dans le cadre de leur compétence partagée ».
Se pose alors la question : qui fait quoi ? « N’était-il pas temps de préserver la compétence de chaque niveau de collectivité dans le sport mais de mieux spécialiser son champ d’intervention pour plus de lisibilité et d’efficacité ? », se sont légitimement interrogés les rapporteurs, alors que le sport est une compétence partagée par les collectivités territoriales depuis l’entrée en vigueur de la loi Notre du 7 août 2015.
Mais les associations d’élus (AMF, ADF, Régions de France, France Urbaine) tenant au caractère « transversal » de leur action qui s’oppose à toute forme de « spécialisation », comme elles l'ont indiqué dans leur contribution commune, les rapporteurs préconisent de « maintenir la clause de compétence partagée pour le sport ». Auditionné, Frédéric Sanaur, directeur général de l'ANS, confirme : « La mise en place de l’agence avec sa gouvernance territoriale revient à instaurer une « compétence partagée coordonnée ».
Différenciation
Comment doit alors s’organiser cette coordination ? « Des craintes subsistent concernant le caractère partenarial de la nouvelle gouvernance », signalent les sénateurs. À chaque région son schéma, martèle-t-on depuis des mois aussi bien au ministère des Sports, piloté par Roxana Maracineanu, qu’à la présidence de l’ANS. « Il n’y aura pas de schéma uniforme dans les territoires », promettait encore, au début de l’été (lire Maire info du 28 juin), Jean Castex, président de la nouvelle structure et maire de Prades (Pyrénées-Orientales).
Les deux sénateurs reprennent cette promesse à leur compte et demandent que « cette absence de modèle unique » soit « réaffirmée à l’heure où, en l’absence de décrets d’application, une expérimentation très spécifique se dessine (…) sous l’impulsion de la région Grand-Est » et de son président de la commission sports, Jean-Paul Omeyer. Une éventuelle « prééminence » de la région « ne fait pas consensus », écrivent les parlementaires. L’AMF, par exemple, remarque que « l’échelon de référence de la politique du sport a été régionalisé » mais que « l’implication des conseils régionaux varie beaucoup comme les moyens humains consacrés aux politiques sportives ». Il y a donc, selon David Lazarus, le vice-président du groupe de travail sport de l’AMF, « des risques d’inégalités territoriales ».
Bien que les régions n’aient pas revendiqué de leadership, les sénateurs souhaitent « reconnaître que l’absence de chef de filât d’une collectivité dans le sport constitue une des conditions du succès de la nouvelle politique territoriale du sport fondée sur une démarche pleinement partenariale ».
Un guichet « commun » plutôt qu’un guichet « unique »
Au chapitre du financement enfin, les sénateurs ont fait un point de sémantique. Ils préconisent ainsi d’instaurer « un guichet commun au sein de chaque conférence des financeurs de préférence à un guichet unique qui pourrait créer de fait une obligation de participation au financement. » L’objectif étant de ne pas contraindre une collectivité à participer au financement d’un projet qui ne fait pas partie de ses priorités.
Reste encore à déterminer dans quel périmètre seront organisées ces conférences des financeurs. Les rapporteurs ont manifesté leur préférence pour « l’existence d’une conférence des financeurs permanente au niveau départemental et au niveau de chaque métropole ainsi que la possibilité de créer des conférences supra départementales pour les grands équipements et infra départementales pour les projets très localisés ». L’organisation « à la carte », elle, a été écartée parce qu’elle « pourrait présenter le risque de créer une réelle incertitude, notamment pour les plus petites collectivités, du fait de l’absence de cadre de référence pour envisager les investissements au niveau local en cohérence avec un projet de développement territorial ».
Ludovic Galtier
Télécharger le rapport de la mission d’information.
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