Donner un nouveau souffle au sport-santé : la mission Delandre présente ses pistes d'évolution
Par Lucile Bonnin
Cheval de bataille du gouvernement depuis maintenant plusieurs années, la Stratégie nationale Sport-santé (SNSS) 2019-2024, inscrite dans le plan national de santé publique « Priorité prévention », est portée par le ministère en charge des sports. Son objectif : « améliorer l’état de santé de l’ensemble de la population en favorisant la pratique d’activités physiques et sportives (APS) de chacun, au quotidien, avec ou sans pathologie, à tous les moments de la vie ».
En réalité, la France a du retard en la matière (lire Maire info du 21 octobre 2022) et bon nombre de collectivités locales éprouvent des difficultés à se lancer dans ce domaine. Une étude menée en juillet dernier par la Mutualité Française relève notamment « une répartition territoriale hétérogène, insuffisante et peu lisible » des offres en sport-santé (lire Maire info du 5 juillet 2024). Manque de financement pérenne des filières sport-santé, défaut de prescription du sport-santé sur ordonnance, manque de formation des intervenants : plusieurs freins au développement du sport-santé ont été identifiés au cours de ces dernières années.
C’est dans ce contexte qu’une mission avait été confiée à Dominique Delandre, médecin généraliste et adjoint aux sports à Montargis (Loiret), « pour accélérer le déploiement du sport-santé et encourager les professionnels de santé à promouvoir davantage une activité physique adaptée aux patients qui présentent des maladies chroniques ».
Les conclusions de cette mission ont été présentées hier et les recommandations qui y sont formulées vont enrichir la deuxième stratégie nationale sport-santé 2025-2030 qui sera présentée à la rentrée scolaire 2025.
Financement des Maisons sport-santé et des équipements sportifs
Se donner les moyens de faire vivre le sport-santé dans les territoires et structurer la gouvernance de cette politique publique : telle est l’idée principale soutenue dans ce rapport.
Il y a d’abord un vrai sujet concernant la prescription de l’activité physique adaptée (APA) à visée thérapeutique rendue possible depuis 2016 et facilitée par la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, qui élargit cette prescription à tous les médecins pour les personnes atteintes d’une affection de longue durée, d’une maladie chronique (diabète, cardiopathie, cancer…), présentant des facteurs de risques (hypertension, obésité…) ou en perte d’autonomie.
L’auteur du rapport observe qu’au niveau des collectivités locales, « on constate un très fort intérêt et un engagement croissant pour le développement de l’APA à visée thérapeutique » mais que « la grande majorité des médecins restent en difficulté pour [la] prescrire » . Dominique Delandre dénonce aussi « des inégalités territoriales majeures, du fait d’une grande hétérogénéité de financement du sport-santé en général et de l’APA à visée thérapeutique en particulier, d’une région à une autre, dépendant notamment des politiques des ARS et DRAJES en la matière ». Le groupe d’experts préconise ainsi de faire reconnaitre et financer par l’Assurance Maladie les programmes d’APA à visée thérapeutique prescrits et d’intégrer la prescription d’APA dans la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) qui sera prochainement remplacée par un forfait sur la prévention primaire et secondaire (FPPS).
La situation des Maisons sport-santé, qui repose toujours sur des subventions très variables dépendantes des situations propres aux territoires, ce qui empêche le financement pérenne de ces structures, a aussi été étudiée dans ce rapport. Sur les 573 Maisons sport-santé qui existent aujourd’hui, « 94 % se considèrent avoir un modèle économique précaire et 20,8 % déclarent avoir un modèle déficitaire ».
Le groupe d’experts recommande plusieurs mesures afin de « permettre à ces structures de se pérenniser et de se développer » : « instaurer un financement de fonctionnement pérenne par l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) » ; « compléter le financement national du sport-santé par des financements locaux : Fonds d’intervention régional (FIR), ARS, DRAJES avec de fortes incitations ministérielles, les conférences régionales du sport et les collectivités territoriales » et enfin réaffecter 30 % de l’enveloppe des taxes affectées sur les paris sportifs (Française des Jeux) pour le soutien financier aux Maisons Sport-Santé.
Enfin, l’auteur du rapport considère qu’un effort important doit être fait sur « la création d’espaces sportifs de plein air en accès libre comme les parcours santé, parcours de marche, espaces street workout, parcours connectés, Parcours d’activités santé senior (PASS) en particulier à proximité des EHPAD » . Selon les chiffres de l’ANS, environ 14% des installations financées dans le cadre du premier plan 5000 équipements sont des aires des fitness. Cela correspond au deuxième type d’équipements le plus soutenu après les plateaux multisports.
Rappelons cependant que les collectivités sont les premiers financeurs des équipements, et qu’elles supportent l’essentiel des coûts de ces équipements. La réduction des crédits que l'État consacre au sport en 2025 fait peser un reste à charge pour les collectivités, notamment les communes, plus lourd dans un contexte de crise budgétaire déjà important. L’AMF, qui n’a pas été auditionnée par le rapporteur, pointe de son côté la question du financement des recommandations qui concernent le bloc communal.
Gouvernance partagée et communication
Il est enfin apparu nécessaire aux experts qu’ « une gouvernance et une structuration nationale et territoriale claires » soient établies. « La complémentarité entre les instances institutionnelles, les professionnels de santé, les enseignants en activité physique adaptée (EAPA), les éducateurs sportifs spécialisés en sport-santé, les collectivités territoriales, les associations, les clubs et autres structures sportives, associatives et privées impliquées dans le sport-santé et les entreprises motivées devrait en effet permettre l’instauration d’un maillage et d’une déclinaison territoriale pour une efficacité optimale », peut-on lire dans le rapport.
Concrètement, il apparaît opportun de « nommer de façon pérenne un délégué interministériel en charge de l’activité physique et sportive pour la santé dans toutes ses dimensions » mais aussi de « nommer des référents sport-santé territoriaux, régionaux et/ou départementaux, dans les structures déconcentrées de l’État bien identifiées par les collectivités et tous les acteurs du sport-santé. »
La sensibilisation et la formation des élus à cette thématique sport-santé doit aussi monter en gamme. Le groupe d’experts proposent de désigner référent- communicant dans chaque territoire pour le faire et de diffuser largement auprès des collectivités les fiches d’actions de l’Association nationale des élus en charge du sport (Anses) et de Paris 2024 dans le cadre de son Héritage.
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