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Édition du jeudi 26 octobre 2023
Société

Inégalités, pouvoir d'achat, éco-anxiété : le Cese avertit le gouvernement sur les préoccupations des Français

Dans son rapport annuel sur l'état du pays, le Conseil économique, social et environnemental réalise un diagnostic sur l'état de la société et ses préoccupations majeures et appelle les pouvoirs publics à « agir de façon coordonnée et ambitieuse ».

Par A.W.

« Dans une actualité sociale toujours tendue », le Conseil économique, social et environnemental (Cese) vient de publier, hier, son rapport annuel sur l’état du pays, dans lequel il alerte sur les trois sujets au cœur des préoccupations des Français : « Inégalités, pouvoir d’achat et éco-anxiété ».

Afin de « comprendre l’état d’esprit des Françaises et des Français », les auteurs du rapport ont croisé des expertises de terrain, des données issues d’indicateurs de richesse, ainsi que le ressenti de la population.

Inégalités : des mesures pour les quartiers

S’appuyant notamment sur un sondage réalisé par l’institut Ipsos, ils révèlent d’abord « une perception aigüe »  des inégalités et de leurs conséquences de la part des Français, leur accroissement restant particulièrement « alarmant ». Selon les Français, le premier facteur d’inégalités serait ainsi le lieu de résidence, qu’il soit « urbain ou rural, centre-ville ou banlieue »  (67 %), suivi par l’origine géographique ou culturelle (63 %), la couleur de peau (62 %) et le genre (60 %). 

Des inégalités qui se traduisent par de plus grandes difficultés d’accès à l’emploi, à l’enseignement supérieur, à la santé, aux services publics et à la mobilité, selon les personnes interrogées.

Alors que la Première ministre, Élisabeth Borne, présente aujourd’hui aux maires les réponses du gouvernement aux émeutes urbaines qui ont secoué le pays au début de l’été, le Cese rappelle que l’emploi dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) reste « un levier majeur de réduction des inégalités »  qui y sont « particulièrement criantes », le taux d’emploi ne s’y élevant qu’à 45,5 %, soit près de 20 points de moins que dans la population générale.

Pour réduire les difficultés d’accès à l’emploi dans ces quartiers, il préconise d’abord de « développer et de financer, dans le cadre des contrats de ville, des actions de médiation entre offre et demande de travail pour améliorer le recrutement des habitants ». « Il s’agirait de porter une attention particulière à la connaissance des métiers et à démarcher conjointement les recruteurs et les candidats à l’emploi résidant dans ces quartiers, en priorisant les métiers inscrits dans la transition écologique », explique-t-il, en demandant à ce que les aides à l’alternance bénéficient « davantage »  aux jeunes des QPV.

Il recommande, par ailleurs, d’y intégrer la lutte contre les discriminations en réalisant « davantage d’efforts »  pour « réduire les discriminations directes et les biais de sélection ». Et le Cese de rappeler que la discrimination à l’emploi « s’aggrave d’une génération à l’autre »  dans ces quartiers, notamment dans les familles d’immigrés.

« Aujourd’hui, dix ans après les sorties de formation, le taux de chômage des descendants d’immigrés titulaires d’un diplôme du supérieur (12 %) est plus de deux fois plus élevé que celui des personnes de même niveau de diplôme ni immigrées ni descendantes d’immigrées (5 %). Par ailleurs, les descendants d’immigrés hommes connaissent en moyenne un taux de chômage supérieur à celui de leurs parents en dépit d’une progression très sensible de leur niveau d’éducation », selon le rapport annuel sur l’état du pays.

Celui-ci pointe également les inégalités liées l’éducation et les inégalités d’accès à la santé. Il s’interroge ainsi sur le rôle que peut jouer le numérique pour améliorer la prise en charge des patients sur l’ensemble du territoire. 

Besoins essentiels : un Français sur deux se dit en difficulté 

Dans un contexte inflationniste persistant depuis plus d’un an, la préoccupation autour du pouvoir d'achat n’est pas une surprise puisqu’une partie de la population à toutes les difficultés pour s’assurer « un niveau de vie décent ».

Un Français sur deux déclare ainsi que son pouvoir d’achat répond « tout juste »  à ses besoins essentiels, voire « n’y répond pas », quand un Français sur cinq déclare vivre à découvert. Le manque d’argent constitue le premier frein au bien-être (51%), largement devant les questions de santé (38%) ou le manque de temps (30%).

Les auteurs du rapport constatent d’ailleurs, à travers l’analyse les indicateurs socio-économiques, que le budget nécessaire pour un niveau de vie décent diffère « très fortement »  selon le territoire (villes moyennes, ruralité et Métropole du Grand Paris) et selon le type de ménages (actifs ou retraités, femme ou homme seul, couple sans enfant, famille monoparentale ou couple avec enfants, âge des enfants). « Le budget qui permet d’assurer les moyens d’une vie familiale, professionnelle et sociale minimale et en bonne santé est très hétérogène, et partout supérieur aux seuils de pauvreté pris en compte par les organismes sociaux, posant la question de la réévaluation des prestations sociales », note le Cese.

Celui-ci alerte donc sur « l’accumulation des crispations liées à l’accroissement de la pauvreté et de l’exclusion sociale, à la saturation des structures d’accompagnement et aux difficultés qu’engendre la pauvreté sur l’accès aux droits et la satisfaction des besoins les plus élémentaires, comme l’augmentation des demandes auprès d’organismes d’aide alimentaire le démontre ». 

« La montée de l’agressivité liée aux difficultés d’accès au droit, l’augmentation du sentiment d’injustice et d’abandon de la part des pouvoirs publics, l’expression d’une angoisse envers l’avenir ou encore la difficulté des acteurs de terrain à répondre aux demandes doivent être surveillées de près », prévient le Conseil qui pointe également « la situation de pauvreté extrêmement élevée dans la plupart des territoires ultramarins ».

Éco-anxiété : « accélérer »  le verdissement de l’économie

À cela se superpose un niveau d’éco-anxiété encore jamais atteint. Face aux dérèglements climatiques, ce sont désormais huit Français sur dix qui exprimeraient un « sentiment fort d’anxiété »  et sont bien loin de tout climato-scepticisme. 

« Il s’agit du niveau le plus élevé jamais mesuré en France », souligne le Cese, pour qui cette préoccupation doit désormais être considérée comme « un phénomène de société ». D’autant que celui-ci est accentué par un « fort sentiment de frustration » : « Alors que près de 90 % des Français et des Françaises se disent prêts à agir, leur capacité d’engagement réel dans la transition est freinée par le manque de moyens financiers pour 37 % d’entre eux », observe le Conseil. 

Résultat, la contrainte financière, accentuée par l’inflation, est « le frein numéro un cité par nos concitoyens pour envisager des actions les plus impactantes (rénovation thermique des logements, mobilité décarbonée) ».

S’il constate des « améliorations »  dans le pilotage de la politique publique de planification écologique, le Cese estime qu’il faudra « accélérer »  les investissements dans le verdissement de l’économie et se félicite des nouvelles règlementations européennes imposées aux entreprises.

Alors que l’effort à mener vers la neutralité carbone en 2050 reste « colossal », le Conseil appelle le législateur à « présenter rapidement »  sa feuille de route sur la loi de Programmation, Energie, Climat - qui devait être promulguée avant le 1er juillet 2023 et qui devra notamment « aborder la question du financement de la transition écologique, public comme privé, et la décliner en une trajectoire financière pluriannuelle ayant valeur d’engagements financiers des parties ».

Télécharger le rapport.
 

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