Grenelle des violences conjugales : ce qu'il faut retenir des 40 mesures d'Édouard Philippe
En clôture du Grenelle contre les violences conjugales - lancé le 3 septembre - le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé, hier, une série de mesures pour « prévenir les violences, protéger les victimes et mettre en place un suivi et une prise en charge des auteurs de violences », alors que, depuis le début de l’année 2019, 138 femmes ont été tuées par leur compagnon ou leur ex-compagnon et que 213 000 femmes majeures sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint, selon les chiffres du ministère de la Justice.
Plus d’un milliard d’euros (1,116 milliard exactement) sera consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes en 2020, parmi lesquels « 360 millions d’euros seront dédiés exclusivement à la lutte contre les violences faites aux femmes ». « Contre les violences conjugales, notre société a besoin d’un électrochoc », a insisté Édouard Philippe. Les associations féministes ne sont pas convaincues. Les élus locaux, eux, à la manière d’Alexandre Touzet, président du groupe de travail sur la prévention de la délinquance et de la radicalisation à l’ADF et qui suit ces questions à l'AMF, appelle le gouvernement à « construire un volet territorial du Grenelle des violences conjugales ».
Le 3919 joignable en permanence
Parmi les 30 mesures égrenées hier par le Premier ministre (à retrouver en téléchargement ici), on retiendra l’extension des horaires d’ouverture du 3919. La ligne d’écoute dédiée aux victimes de violences conjugales sera désormais joignable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et « rendue accessible aux personnes en situation de handicap ». Il faut dire que le nombre d’appels quotidien a quasiment doublé - de 350 à 600 appels par jour - depuis le début du Grenelle en septembre.
Pour améliorer l’accueil et l’écoute des victimes, le Premier ministre a annoncé, en outre, que 80 postes supplémentaires d’intervenants sociaux dans les gendarmeries et les commissariats s’ajouteront, d’ici 2021, aux 271 intervenants actuellement existants.
Le phénomène du « suicide forcé » sera aussi reconnu « avec la mise en place d’une nouvelle circonstance aggravante pour les auteurs de violences en cas de harcèlement ayant conduit au suicide ou à une tentative de suicide de la victime (10 ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende) ». Le Premier ministre a poursuivi en annonçant la suppression de plusieurs « absurdités juridiques », consacrant la suspension de l'autorité parentale pour les pères violents, avec une proposition de loi qui sera débattue au Parlement dès janvier 2020. Ou l'obligation alimentaire « qui contraint les enfants à subvenir aux besoins de leurs parents, donc de leur père, y compris quand celui-ci a assassiné leur mère ».
« Construire un volet territorial du Grenelle »
La création de « 1 000 nouvelles solutions hébergements » dès janvier 2020, l'une des dix mesures d'urgence annoncée par Édouard Philippe en septembre, a été confirmée hier afin de « mettre à l’abri les victimes de violences conjugales ». Une mesure qui ne répond pas à la revendication portée par l’AMF et l’ADF visant à « flécher exclusivement les logements d’urgence dédiés aux victimes de violences conjugales (et non à l’ensemble des urgences sociales) ».
Dans une interview accordée à La Gazette des communes, Alexandre Touzet, maire de Saint-Yon (Essonne), « déplore surtout qu’aucun comité de pilotage du Grenelle ne soit mis en place, qu’aucune évaluation ne soit prévue, à 6 mois ou à un an ». L'AMF, qui a proclamé la lutte contre les violences sexistes et sexuelles grande cause du prochain mandat municipal (2020-2026) et l'ADF souhaiteraient, en outre, « doter le Haut conseil à l'égalite entre les femmes et les hommes d'une commission territoires dédiée aux acteurs de terrain et de normaliser dans chaque département par le biais d'une fiche réflexe un parcours bienveillant et résilient pour la victime associant services de l'État et des collectivités ».
Des annonces qui ne convainquent pas les associations
De leur côté, les associations féministes, à l'initiative de la marche contre les violences sexistes et sexuelles qui a rassemblé samedi dernier 150 000 personnes dans toute la France, sont en colère. Dans un communiqué, publié sur Twitter, le collectif féministe #NousToutes attribue un « zéro pointé » au gouvernement. Ces annonces représentent « une déception aussi immense que les attentes », déplore le collectif, relevant plusieurs mesures qui existent déjà. Telle que la « formation obligatoire » des enseignants sur l’égalité entre les filles et les garçons, « prévue dans la loi depuis 2010 ». En effet, d’après un rapport du Haut Conseil à l'égalité femmes-hommes (HCE) de février 2017, relayé par Le Monde, « seulement la moitié des personnes qui travaillent dans les établissements scolaires bénéficient d'une formation à l'égalité. Pour les futurs enseignants, celle-ci reste le plus souvent optionnelle et surtout très variable d'une ESPE (Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation) à l'autre ». Concernant la médiation familiale [que le Premier ministre veut interdire], « la France a ratifié un texte qui interdit la médiation en cas de violences au sein du couple en 2014 », rejette la féministe Caroline De Haas, qui se dit « dégoutée » par ces annonces.
Quant à « la levée du secret médical en cas de danger immédiat pour la victime », « elle existe déjà en cas de danger de mort », note le collectif #NousToutes. « On attendait des mesures de prévention à l'école, des mesures de formations, des places d'hébergement dédiées et financées. On attendait des moyens financiers qui marquent un changement d'échelle », regrette l'association. Rejointe dans sa demande de plus de moyens par l’association FIT – Une femme un toit, qui reconnaît toutefois, auprès de France info, « une mobilisation de l'ensemble du gouvernement pour marteler que les violences ne sont pas acceptables ».
Ludovic Galtier
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