Rapport Vignal : la nécessaire reconsidération des médiateurs sociaux dans les territoires
Par Lucile Bonnin
Rendu public la semaine dernière, le rapport Remettre de l’humain dans les territoires, élaboré par le député Patrick Vignal, présente une photographie de ce qu’est la médiation sociale en France actuellement.
Cette mission demandée par le Premier ministre en octobre dernier a pour but de mener une réflexion sur les médiateurs sociaux. Patrick Vignal a notamment réalisé pendant plusieurs mois un état des lieux des dispositifs de la médiation sociale sur le territoire, avec un intérêt particulier porté aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les quartiers de reconquête républicaine (QRR).
Après avoir effectué environ 500 auditions et une vingtaine de déplacements, le député a pu dépeindre l’état de la médiation sociale et proposer un plan d’actions avec des préconisations destinées à renforcer les dispositifs de médiation et à faire évoluer et progresser « les acteurs de terrain » par le recrutement et la « reconnaissance statutaire et professionnelle » .
Les élus et la médiation sociale
Un constat est fait : « Les différentes crises, qu’elles soient financières, économiques ou sociales, ont aggravé depuis plusieurs décennies les difficultés que rencontrent notre société et nos relations sociales. »
Le besoin en médiation sociale est donc particulièrement fort dans les territoires, et les élus reconnaissent l’importance de développer des services de cet ordre. Incivilités, conflits de voisinage, dégradations, pertes d’emploi, non-recours aux droits : « Ces différentes difficultés, qui impactent la tranquillité publique, ont motivé le déploiement de dispositifs de médiation sociale dans les villes » , observe Patrick Vignal.
222 maires de villes de plus de 20 000 habitants ont répondu à un questionnaire autour des services de médiation. Pour 76,7 % des élus locaux interrogés, prévenir et gérer les conflits d’usage dans les espaces publics et ouverts aux publics, comme les équipements municipaux, constitue la raison majeure ayant justifié le recours à la médiation sociale. Ces derniers ont en majorité créé leur propre service de médiation en régie (60 %) ou l’ont confié à une ou plusieurs associations de médiation sociale ou groupements (53,3 %).
Selon les maires, les médiateurs sociaux interviennent dans les domaines de l’espace public (90,9 %), de l’habitat (72,7 %), du milieu scolaire ou de la jeunesse (69,7 %) et de l’accès aux droits (59,1 %). Mais malheureusement, et c’est bien là l’objet de ce rapport, les médiateurs manquent de moyens et de réponses dans la plupart des cas.
Repenser le cadre du métier
Médiateur social dans les espaces publics, en milieu social et culture, à l’école, dans le champ de la santé, dans les transports, dans les France services, dans les Pimms Médiation, dans les squats et bidonvilles : la médiation sociale s’est imposée comme une réalité professionnelle dès les années 2000.
Mais des progrès restent à faire. Il est indiqué dans le rapport que « il est impératif aujourd’hui de recentrer le contenu de la médiation sociale et de reconnaitre son cadre et son utilisation officiellement. » Concrètement, le rapporteur préconise que la médiation sociale soit inscrite dans le Code de l’action sociale et des familles.
Il s’agit d’ailleurs d’une reprise de la proposition de loi déposée l’année dernière par la députée Anne Brugnera notamment. Cette reconnaissance est réclamée depuis longtemps par les professionnels mais aussi par les élus. Selon l’enquête, les maires souhaitent cette structuration à 92,6 % et privilégient la reconnaissance législative comme outil de la reconnaissance de la médiation sociale.
Déployer davantage de moyens
L’une des grandes préconisations à retenir est celle de « déployer 7 000 postes de médiateurs sociaux sur le quinquennat » . Ce recrutement doit pouvoir, selon le rapporteur, permettre la création d’un « dispositif de consolidation de l’emploi des médiateurs sociaux expérimentés, afin de faciliter la pérennisation de leur présence dans les effectifs des opérateurs de médiation sociale (3 000 postes) » . 3 000 postes seront aussi à déployer pour « réduire les zones carencées en la matière » et 1 100 postes devraient viser à améliorer spécifiquement « la médiation sociale en milieu scolaire pour couvrir la totalité des collèges et écoles situés en REP et REP +. »
Le rapport suggère également la création de conventions entre l’État, les collectivités territoriales et les autres partenaires pour cofinancer ces dispositifs. Il serait pris en charge paritairement par l’État et les collectivités selon le principe « 1 euro de l’État pour 1 euro de la collectivité » . Le coût total serait de 284 millions d’euros étalés sur le quinquennat.
« En outre, la contribution de l’État serait conditionnée par la certification des opérateurs et l’obligation de formation des médiateurs sociaux, est-il précisé dans le rapport. Elle serait modulée à la hausse ou à la baisse autour de ce taux pivot de "1€ pour 1 €", en fonction du potentiel financier des collectivités territoriales concernées. »
Un appel à la cohésion
Autre idée innovante soulevée dans le rapport : le besoin de « développer la coopération et la coproduction opérationnelle des actions de médiation sociale avec les parties prenantes dans les territoires » . En matière de financement par exemple, Patrick Vignal propose de « sortir, pour les missions de médiation sociale d’intérêt général, des logiques d’appels à projets qui attisent depuis des années une concurrence inutile entre les opérateurs ».
« Pour qu'il y ait une bonne compréhension réciproque des différents acteurs de terrain, il est essentiel de définir précisément le contenu des missions des médiateurs et de son articulation avec celui des différents professionnels impliqués, afin d'éviter que le travail quotidien des médiateurs ne se substitue à celui des autres professionnels » , précise-t-il.
Ainsi, pour développer une coopération, le député préconise l’organisation de temps d’échanges entre les éducateurs spécialisés et les médiateurs sociaux à l’échelle de leurs territoires d’intervention respectifs en y incluant des formations communes par exemple.
Mais surtout, Patrick Vignal avance l’idée dans son rapport d’une construction d’une gouvernance à la fois nationale et locale en matière de médiation sociale. Ainsi, un Conseil national de la médiation qui intègrerait les associations pourrait voir le jour.
L'association France urbaine, qui a été auditionnée dans le cadre de cette mission, a réagi ce matin dans un communiqué de presse, indiquant qu'elle partage les pistes de réflexion issues de ce rapport.
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