Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 9 septembre 2020
Social

Précarité alimentaire : l'AMF demande une remise à plat des dispositifs publics et un engagement plus fort de l'Etat

Le ministre de la Santé et des Solidarités, Olivier Véran, a installé hier le Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire, une nouvelle instance destinée à coordonner les actions du gouvernement, des administrations centrales et déconcentrées, des collectivités locales et des associations. Cette séance d’installation a été l’occasion de faire entendre la voix des communes et des intercommunalités, très engagées dans ce dossier. 
Dans un contexte économique tendu, et alors que l’épidémie de covid-19 a eu pour conséquence une explosion des situations de grande pauvreté, le gouvernement souhaite, avec cette nouvelle instance « informelle », faciliter le dialogue entre les acteurs et « structurer durablement leur coordination vers un horizon commun, celui d’une aide alimentaire soucieuse de l’autonomie des personnes, de l’environnement et de la qualité de l’alimentation ». Ce, alors que les sommes consacrées par le gouvernement à la lutte contre la pauvreté apparaissent dérisoires à beaucoup d’associations au regard de celles débloquées pour aider les entreprises. 

Le rôle « majeur »  des maires
Olivier Véran a souligné, dans son propos introductif, « le dynamisme et l’inventivité des acteurs sur les territoires »  et appeler à « capitaliser les bonnes pratiques ». 
Représentant l’AMF à cette réunion, le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, président de la commission des affaires sociales de l’association, a dénoncé « une situation de catastrophe sociale et humaine »  qui risque de « s’aggraver au fil des mois » : selon la Banque alimentaire, entre 3 et 8 millions de personnes en France n’ont plus les moyens de se nourrir correctement. S’il a salué l’action et le « dévouement »  des associations et de leurs 200 000 bénévoles, le maire de Saint-Étienne a jugé en revanche nécessaire de « s’interroger sur l’efficacité réelle des politiques publiques conduites ». Certes, la loi Egalim du 30 octobre 2018 a affiché des objectifs très ambitieux – mais force est de constater que malgré cela, la précarité alimentaire ne recule pas, bien au contraire. 
Gaël Perdriau a demandé que soit « reconnu le rôle majeur, dans la lutte contre la précarité, des maires et des présidents des intercommunalités qui sont, par le biais des CCAS et CIAS, les premiers responsables de l’accueil des personnes en situation de grande fragilité sociale, entraînant l’accroissement de l’effort financier des collectivités dans un contexte de contrainte budgétaire imposé par l’État ». 

Refondre les dispositifs
L’AMF, qui dénonce depuis longtemps le manque de moyens alloués aux communes face à l’augmentation de la pauvreté, demande aujourd’hui « une évaluation quantitative et qualitative des dispositifs de la stratégie pauvreté ». En particulier, la tarification sociale des cantines et les petits déjeuners gratuits, mesures mises en place l’an dernier dans le cadre du Plan pauvreté.
Sur la tarification sociale des cantines, mise en place depuis avril 2019, l’AMF dénonce depuis le début l’insuffisance de la compensation versée par l’État – qui se base sur une estimation du coût du repas à 4,50 euros alors que le coût réel, pour les communes, est au moins le double. Sans compter que certaines communes et certains EPCI, qui ne sont pas éligibles à une aide financière, se retrouvent confrontés « à des pressions fortes de la part des familles »  pour appliquer la tarification sociale et peuvent être contraints d’appliquer la tarification sociale, décidée par l’État, sans compensation. On est loin, ici, du « qui paye décide, qui décide paye »  cher à l’AMF. 
Concernant les petits déjeuners gratuits : l’AMF a rappelé la nécessité de préciser les modalités opérationnelles jusqu’ici très floues, notamment concernant le portage et le moment approprié pour les organiser. Elle estime qu’ils devraient « relever de l’entière responsabilité financière de l’Éducation nationale »  dès lors qu’ils sont proposés sur le temps scolaire. L’État propose bien une aide qui couvre une partie du coût alimentaire de ces petits déjeuners, mais pas les frais liés à la mobilisation du personnel, qui restent à la charge des collectivités. 
C’est pourquoi Gaël Perdriau a insisté lors de la réunion d’hier sur la nécessité de conduire une « analyse »  de ces dispositifs, qui pourrait conduire, « si nécessaire, à la refonte de ces dispositifs afin de les adapter aux réalités du terrain pour les rendre pleinement opérationnels dans la lutte contre la précarité ». Il a rappelé l’existence « d’obstacles », liés par exemple « au caractère confidentiel des données », qui rendent leur partage « complexe ». 
Le maire de Saint-Étienne a, enfin, réitéré devant les représentants du gouvernement « l’appel de l’AMF en faveur d’une concertation renforcée des actions menées en faveur des publics précaires, qu’elles soient portées par l’État, les collectivités locales ou encore les associations. L’objectif pour les communes est de pouvoir évaluer au plus près les besoins de leurs administrés, en particulier les besoins non couverts par des dispositifs déjà existants ».
La prochaine réunion du Comité aura lieu « début décembre », indiquait hier le gouvernement. 

F.L.

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