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Édition du mardi 2 juillet 2024
Social

Pourquoi Gabriel Attal a suspendu la réforme de l'indemnisation du chômage 

À rebours de ce qu'il avait annoncé seulement quelques jours plus tôt, le Premier ministre a finalement décidé de suspendre la réforme de l'assurance chômage, et de renvoyer la décision à la future majorité qui sortira des urnes dimanche prochain. 

Par Franck Lemarc

Pendant toute la campagne des élections européennes, puis pendant celle du premier tour des législatives, le Premier ministre s’était montré intraitable : la réforme de l’indemnisation du chômage prévue pour le 1er juillet serait appliquée. Mais la déroute du camp présidentiel lors du scrutin de dimanche dernier l’a visiblement fait changer d’avis. 

Pourquoi un nouveau décret ?

C’est le 26 mai dernier que le Premier ministre, Gabriel Attal, a confirmé que de nouvelles règles sur l’indemnisation du chômage allaient entrer en vigueur à compter du 1er décembre prochain. Avec à la clé un net durcissement : il est prévu que l’ouverture des droits ne puisse se faire que si la personne a travaillé 8 mois au cours des 20 derniers, contre 6 mois au cours des 24 derniers jusqu’à présent. De plus, il est prévu que la durée d’indemnité passe de 18 à 15 mois. Dans l’esprit du gouvernement, ce n’était qu’une première étape, puisque Gabriel Attal prévoyait de réduire encore la durée d’indemnisation pour la passer à 12 mois par la suite. 

Pour que ces mesures entrent en vigueur le 1er décembre, un décret devait être publié au plus tard le 1er juillet. En effet, les règles actuelles d’indemnisation sont fixées dans un décret du 26 juillet 2019, dont les dispositions étaient applicables soit jusqu’à la publication d’un accord entre les partenaires sociaux, soit, en l’absence de celui-ci, jusqu’au 30 juin 2024. 

Autrement dit, faute de parution d’un nouveau décret, à compter du 1er juillet (hier), il n’y avait plus de texte réglementant l’indemnisation des chômeurs – un vide juridique qui aurait pu contraindre les Assedic à suspendre l’indemnisation des chômeurs. 

« Majorité de projet »  ou geste électoral ?

Finalement, le Premier ministre a bien publié un décret, mais pas celui qui était attendu : au lieu de fixer les nouvelles règles, le décret du 30 juin prolonge d’un mois la validité des anciennes, jusqu’au 31 juillet donc. Il s’en est expliqué, hier soir encore, en disant avoir « écouté »  le mécontentement des Français tel qu’il s’est exprimé dans les urnes. 

Officiellement, l’entourage du Premier ministre explique que cette décision rentre dans le cadre des « futures majorités de projets et d’idées »  qu’envisage le Premier ministre, parce que la réforme « pourra faire l’objet d’aménagements et de discussions entre les forces républicaines ». Explication : le pari du chef du gouvernement est que le RN n’obtiendra pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale à l’issue du second tour, que dans ce cas, conformément à ses engagements, Jordan Bardella ne briguera pas Matignon, et qu’il faudra aller tenter de trouver une majorité de coalition associant, par exemple, une partie de la gauche et les macronistes. 

Plus prosaïquement, on peut également penser que le « geste »  du Premier ministre s’adresse aux électeurs de gauche qui, après le désistement des candidats du Nouveau Front populaire en cas de triangulaire, sont appelés à voter pour les candidats macronistes. 

Quoi qu’il en soit, en signant un décret dit « de jointure »  qui se contente de décaler d’un mois la date de fin d’application du décret précédent, le Premier ministre ne fait que reculer pour mieux sauter. Et surtout, dans le cas où le Rassemblement national serait au pouvoir après le 8 juillet, Gabriel Attal le laissera assumer une réforme unanimement jugée antisociale par les syndicats. 

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