Les ménages les plus pauvres ont moins de chances de bénéficier d'un logement social
Un rapport de plusieurs associations de solidarité pour le logement* démontre qu’un « nombre grandissant de ménages », particulièrement les plus modestes, éprouvent les plus grandes difficultés à accéder à un logement social. Elles formulent des propositions pour enrayer ce constat qui pourrait être amplifié par la crise sanitaire, responsable du basculement d’un million de Français supplémentaire dans la pauvreté. Ces derniers s’ajoutent aux 9,3 millions de personnes vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté monétaire (1 063 euros par mois et par unité de consommation).
Dans une étude, datée du mois de juin, plusieurs associations se sont interrogées et ont tenté de « caractériser les dysfonctionnements globaux du système d’attribution sous l’angle particulier des ressources des demandeurs ». Le premier constat relève d’un paradoxe : « Dans un parc social qui loge de plus en plus de ménages à faible ressources [39 % de l’ensemble des locataires du parc social se situaient sous le seuil de pauvreté en 2013, ndlr], une partie d’entre eux a de plus en plus de difficultés à y accéder ».
Pour y voir plus clair, les associations ont analysé les données du Système national d’enregistrement de la demande de logement social (SNE) et elles ont découvert que « les ménages dont le revenu mensuel est compris entre 342 et 513 euros par unité de consommation ont environ 30 % de chance de moins d’obtenir un logement social dans l’année que ceux dont le revenu mensuel par unité de consommation est compris entre 1 026 et 1 368 euros ». Conclusion : les ménages les plus pauvres ont donc moins de chances que les autres de bénéficier d’un logement social. « Ces ménages (environ un million de personnes en 2017) sont contraints d’’assumer des taux d’effort considérables dans le parc privé ou de rester bloqués dans le circuit de l’hébergement ».
Certes, ajoutent les associations, les demandeurs « très pauvres » dont les ressources sont plus basses que les minimas sociaux, ont « une probabilité d’attribution plus importante que celle de la masse des autres demandeurs à faibles ressources » mais ils ne représentent « que » 47 000 demandeurs (2 % de l’ensemble des demandeurs et 5 % des demandeurs à faibles ressources).
Des mécanismes d’exclusion
La mécanique d’attribution des logements sociaux en France peut en partie expliquer cet état de fait. Les associations l'ont analysé : il en ressort que les demandeurs les plus pauvres sont « moins souvent présentés » en commission d’attribution de logement (CAL) du bailleur. L’avancement de leur dossier se retrouve plus fréquemment stoppé net « en amont de la CAL » par un « réservataire », chargé de sélectionner les candidats qui seront présentés en CAL. « On ne va pas proposer certains candidats car on sait que le bailleur ne les acceptera pas », explique ainsi un salarié du service logement de la ville de Paris.
Ce processus, « peu réglementé » selon les associations, met en lumière des « mécanismes d’exclusion » qui écartent une partie des ménages à faibles ressources de l’accès à la CAL, dont les membres examineront donc en plus grand nombre le dossier d’un couple en activité avec deux enfants et aux ressources mensuelles par unité de consommation supérieures à 1 300 euros plutôt que celui d’une personne sans emploi, seule ou seule avec un enfant et aux ressources mensuelles par unité de consommation inférieures à 1000 euros. Pour « combler l’écart croissant entre des loyers en hausse et des revenus des demandeurs en baisse », l'une des solutions, pour les associations, consisterait à revaloriser les APL et à « renforcer les conditions d’applications du supplément de loyer de solidarité ».
Des taux d’attribution aux plus pauvres « légèrement supérieurs » en zone rurale
La situation diffère, enfin, suivant la taille des communes et entre les communes elles-mêmes. En 2017, la Cour des comptes regrettait que « sur le plan national, le parc social n’héberge que la moitié des ménages de locataires situés sous le seuil de pauvreté, en mobilisant pour eux à peine 40 % de sa capacité ». Ainsi, en zone A (agglomération parisienne, Côte-d’Azur, Genevois et centres-villes de Lille, Lyon et Montpellier), si les taux d’attribution de logements sociaux sont très « faibles » pour les demandeurs pauvres (8,8 % contre 19 % en moyenne nationale), les différences d'accès au logement social dans ces grandes villes sont importantes. D'un côté, Paris et les villes de la côte méditérranéenne attribuent 5 à 13 logements par an aux ménages du premier quartile de revenu des demandeurs pour 100 000 habitants quand Lyon et Lille en attribuent entre 17 et 22. Globalement, « il n’y a qu’en zone C (petites agglomérations et zones rurales) que les demandeurs à faible ressources bénéficient de taux d’attribution légèrement supérieurs à la moyenne », constatent les associations.
Face à ce constat, il conviendrait donc, selon les associations, de « développer et mieux répartir le logement social dans les grandes agglomérations », « mobiliser la vacance et l’offre privée à vocation sociale » et « faire appliquer les obligations liées au respect des 25 % d’attributions de logements hors QPV au premier quartile de revenu des demandeurs ».
Ludovic Galtier
*ATD Quart Monde, le Secours catholique, la Fondation Abbé Pierre, l'association Dalo, Solidarités nouvelles pour le logement, Habitat et humanisme.
Télécharger le rapport.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
18 027 communes sous couvre-feu
Polices municipales : la Cour des comptes souhaite une intervention accrue de l'État Â
Le Cevipof lance sa troisième enquête sur l'état d'esprit des maires
Grenelle de l'éducation, trois mois pour (tenter de) changer l'école ?