Édition du vendredi 1er avril 2005
Le pilotage informatique de l'activité des services sociaux est incompatible avec la finalité première du traitement, la prise en charge sociale des usagers, estime la CNIL
Saisie de lapplication « ANAISS » présentée par la Caisse nationale de lassurance maladie, la Commission nationale de linformatique et des libertés (CNIL) na pas autorisé la mise en uvre dun dispositif de pilotage de lactivité des personnels parce quil reposait sur la définition dobjectifs chiffrés daccompagnement social et sur lenregistrement de données non pertinentes sur les difficultés sociales des usagers.
La CNIL a examiné une demande dautorisation de la Caisse nationale de lassurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) portant sur une modification de lapplication «ANAISS». Cette application, expérimentée depuis 1994, permet la gestion informatisée des dossiers des usagers des services sociaux des caisses régionales dassurance maladie (CRAM) et la réalisation de statistiques anonymes et dactions collectives au bénéfice des usagers. La demande dautorisation concernait la modification des finalités et de larchitecture technique du traitement « ANAISS ».
La décision de la CNIL pourrait être applicable aux applications comparables qui seraient créées par les services sociaux des collectivités locales.
La CNIL a accepté que le traitement continue à être utilisé pour réaliser des statistiques anonymes et des actions collectives et quil serve désormais à lenvoi dune offre de service vers des publics signalés en difficulté. Elle a en revanche refusé, en létat du dispositif qui lui était présenté, que l'«ANAISS» soit utilisée pour produire des indicateurs dactivité par assistant social et par service.
La CNIL ne conteste pas la légitimité dun dispositif de pilotage de lactivité des services sociaux qui sinscrit dans un contexte defficacité des services publics et de bon usage des fonds publics. Mais, dit-elle, ce dispositif aurait nécessité que chaque assistant social saisisse dans lapplication le niveau datteinte de ses objectifs daccompagnement social (objectif atteint, non atteint ou partiellement atteint) pour que puisse être ensuite mesurée « lefficience du service social » et que les CRAM soient classées, grâce à un « système de scoring », en fonction de latteinte dobjectifs préalablement chiffrés au niveau national. Dans le domaine social, la définition dobjectifs à atteindre pourrait conduire les travailleurs sociaux à privilégier le travail directement quantifiable afin de permettre la production de résultats conformes aux objectifs qui leur sont assignés, au détriment dautres interventions néanmoins nécessaires. De plus, la CNIL a estimé que lutilisation de données sur les difficultés sociales des usagers nétait pas en létat pertinente et de nature à assurer la fiabilité des indicateurs de pilotage produits.
En conséquence, la CNIL a considéré que la finalité de pilotage de lactivité des services sociaux était incompatible avec la finalité première du traitement, la prise en charge sociale des usagers. Selon elle, cette décision de refus dautorisation qui repose sur ses nouveaux pouvoirs issus de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en août 2004 «illustre sa volonté dintervenir pleinement dans le domaine sensible de laction sociale».<
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