Alerte dans les métiers sociaux, l'aide à domicile particulièrement menacée
Par Emmanuelle Stroesser
« Les associations vont se trouver dans une difficulté majeure dans les années à venir ». L'alerte émane du président de l'Uniopss, Patrick Doutreligne. Elle fait écho à celle de délégations régionales, comme en Île-de-France. « L’insuffisance des rémunérations et la fatigue croissante des équipes dans un contexte de transformation des besoins et des pratiques », entraîne des difficultés de recrutement depuis des années, et aujourd'hui « une pénurie des métiers de l'humain ».
Le cas de l'aide à domicile
C'était déjà le cas dans les Ehpad, cela devient marquant la protection de l'enfance et l'aide à domicile. Pour certains, ce sont « les solidarités » même qui sont en danger en raison du risque de fermeture de structures. En mai dernier, la présidente de l'UNA, Marie-Reine Tillon, témoignait de l'incidence de ces problématiques d’attractivité de ces métier. « La crise sanitaire accélère la dégradation de la situation pour les structures d’aide, d’accompagnement et de soins à domicile, avec toujours plus de ruptures de prise en charge pour les personnes en perte d’autonomie et une pénurie de personnel plus alarmante que jamais ».
Beaucoup d'aides à domicile sont rémunérées en deçà du smic. « Légalement, c’est impossible, mais c'est une réalité, les associations doivent alors puiser sur leurs fonds propres le complément », illustre le président de l'Uniopss.
Une revalorisation des salaires en vue…
L'application à partir du 1er octobre de l'avenant 43 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile (qui n'avait pas été revue depuis 2010), devrait donc être une bonne nouvelle.
Cet avenant a en effet pour objectif « d’accroître fortement l’attractivité des métiers de la branche par la revalorisation des salaires et des parcours des professionnels concernés », explique la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Soit une hausse en moyenne de 13 % à 15 % pour les 209 000 personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). (1)
Mais beaucoup de structures estiment ne pas être en mesure de l'appliquer. Elles pointent la faute, entre autres, sur des départements qui pour certains disent déjà qu'ils ne compenseront pas par une hausse de leurs financements. « L'avenant 43 ne sera pas appliqué partout au 1er octobre et ne fera qu’amplifier les difficultés partout, c’est aussi pour cela que le 6 octobre nous nous mobiliserons, car là, la coupe déborde ! » a répondu Patrick Doutreligne à Maire info, lors d'un point presse jeudi dernier. (2)
… mais dont l'application risque d'être à géométrie variable
Cette revalorisation (3) représente un surcoût pour les départements évalué à 75 millions d’euros en 2021. L’État a prévu de le compenser mais en partie seulement, à hauteur de 70 %. Soit un coût résiduel pour les départements de 22 millions d’euros. À partir de 2022, l’État s’engage à couvrir 50 % de la dépense supplémentaire, souligne la ministre déléguée à l'Autonomie qui avait obtenu ces crédits lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale 2021.
C'est la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) qui se charge de l'attribution de ces financements. Elle a publié en septembre un vade-mecum « pour aider les conseils départementaux dans la mise en œuvre des revalorisations salariales dans le secteur associatif de l'aide à domicile ».
Le projet de loi grand âge une nouvelle fois enterré
Face à la situation actuelle (pénurie de personnel, manque d'attractivité des métiers à domicile, absentéisme, premier secteur pour le nombre d'accidents du travail), rien d'étonnant à ce que le secteur de l’aide à domicile ressorte comme le seul où l'emploi a diminué – de 3,2 % – entre 2019 et 2020, selon la récente édition 2021 du bilan de l’emploi associatif sanitaire et social, co-produit par l’Uniopss et Recherches & Solidarités.
Les professionnels du secteur sont d'autant plus amers face à l'enterrement de l'énième projet de loi sur l'autonomie. Réunie la semaine dernière, la commissionn des affaires sociales de l'AMF s'est également émue de cet abandon, et a « interpellé » le gouvernement sur « la très importante pénurie d’aides à domicile et d’auxiliaires de vie pour travailler dans les services des CCAS », deux professions qui ne sont pas concernées par les revalorisations salariales. Les élus de la commission estiment qu'une réflexion devrait être engagée « sur la revalorisation du statut de ces agents de catégorie C » , pour ne pas risquer, à terme, de voir des services contraints de fermer faute de personnel.
Rappelons qu'au congrès des maires, le 16 novembre à 10 h, se tiendra un forum intitulé : « Préparer nos communes aux défis du grand âge ».
(1) Il s’agit des personnels des associations membres des fédérations ADMR, UNA, ADEDOM et FNAFP/CSF.
(2) Le 6 octobre sera une journée nationale sur l’attractivité des métiers du social.
(3) Décret n° 2021-1155 du 6 septembre 2021 précisant les modalités de répartition de l’aide financière de la Caisse Nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements qui s’engagent à revaloriser les salaires des professionnels de la branche de l’aide à domicile (BAD), à partir du 1er octobre. (JO du 8 septembre).
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