Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 28 mai 2025
Société

Ce que contient le texte sur la fin de vie adopté en première lecture à l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté hier deux textes sociétaux de grande importance sur la fin de vie, l'un sur les soins palliatifs, l'autre sur l'aide à mourir. Ce dernier a provoqué de profonds débats entre partisans et adversaires de cette « aide active à mourir », qui serait, au vu du texte adopté, extrêmement encadrée. 

Par Franck Lemarc

Si l’adoption de la proposition de loi sur les soins palliatifs a été adoptée à l’unanimité, hier, celle sur l’aide à mourir a fait l’objet d’un vote beaucoup plus nuancé – même s’il n’a pas été serré, le texte ayant été adopté par 305 voix contre 199 (et 57 abstentions). Tous les groupes avaient laissé la liberté de vote à leurs membres sur ce sujet presque plus philosophique que politique. Et au final, quasiment tous les groupes ont eu leurs députés « pour »  et leurs députés « contre », à l’exception du groupe ciottiste qui a intégralement voté contre. Même dans le groupe RN, il s’est trouvé 19 députés pour voter pour, tandis qu’à l’inverse, dans le groupe LFI et celui du PCF, un député de chaque groupe a voté contre. Certains partis sont particulièrement divisés sur ce sujet, comme Horizons, dont 14 députés ont voté pour le texte et 13 contre.

Il faut cependant relever que malgré les clivages profonds, le débat sur ce texte s’est déroulé dans une ambiance plutôt apaisée, à la hauteur de la gravité du sujet. 

« Droit à l’aide à mourir » 

Voyons à présent quel est le dispositif adopté par les députés sur ce que l’on n’appelle plus « euthanasie »  mais « aide active à mourir »  – le principe restant qu’un soignant administre à un patient atteint d’une maladie incurable, à sa demande, une substance létale.

Le texte adopté compte 19 articles divisés en sept chapitres. Le premier chapitre donne une définition de ce qui serait un nouveau droit reconnu par la loi, le « droit à l’aide à mourir », qui consiste à « autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, (…)  afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas physiquement en mesure d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier ». 

Le chapitre II définit les conditions d’accès à ce droit, dont la rédaction très précise vise à éviter toute dérive. Pour bénéficier du droit à l’aide à mourir, il faudrait remplir cinq conditions cumulatives : être majeure et Français ; être atteint d’une « affection grave et incurable », en « phase avancée (…) ou terminale »  ; présenter « une souffrance physique ou psychologique constante », « réfractaire aux traitements »  et « insupportable »  ; et enfin être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».

On notera qu’un amendement ajouté en commission a apporté une certaine confusion dans la rédaction : le texte initial posait comme condition « une souffrance physique OU psychologique constante », mais il a été rajouté en fin de paragraphe : « Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir » … ce qui est contradictoire avec le « ou ». 

Conditions cumulatives et procédure

Le chapitre III définit la procédure, là encore extrêmement encadrée. Le patient devrait d’abord faire une demande à un médecin, face à face – il serait interdit de faire cette demande en téléconsultation. Le médecin devrait alors déployer un certain nombre d’arguments pour expliquer au patient les autres alternatives : soins palliatifs, aide psychologique, etc. Si le patient persiste dans sa demande, le médecin devrait ensuite procéder à la vérification que les cinq conditions cumulatives sont bien réunies – y compris en saisissant le préfet pour s’assurer de la nationalité française du patient. Pour vérifier si le patient est bien incurable et en phase terminale, il devra « réunir un collège pluriprofessionnel »  composé a minima d’un autre médecin, non lié au patient et spécialiste de la pathologie de celui-ci et d’un auxiliaire médical intervenant dans le traitement du patient. 

À l’issue de cette réunion, le médecin devrait notifier le demandeur de la décision, « oralement et par écrit », dans un délai de quinze jours. Si la décision est positive, le patient devrait encore respecter un délai de deux jours de réflexion avant de confirmer au médecin sa volonté de mourir. 

À partir de là, le médecin ferait une prescription de la substance létale, adressée à une pharmacie habilitée par le ministère de la Santé. La date de l’administration de cette substance devrait être discutée avec le patient, et pourrait avoir lieu à son domicile ou dans un autre lieu, « à l’exception des voies et espaces publics »  naturellement.

Au jour choisi, le médecin ou l’infirmier chargé d’administrer la substance létale devrait demander au patient de confirmer sa volonté en veillant à « ce qu’elle ne subisse aucune pression ». Puis il « surveille »  l’administration de la substance par le patient ou, si celui-ci n’est pas en mesure de le faire, l’administre lui-même. 

Une fois le décès constaté par le médecin, le certificat de décès est établi selon les procédures habituelles. En commission, des députés avaient souhaité qu’il soit porté sur le certificat que la personne soit décédée « de mort naturelle ». Cet ajout a finalement été supprimé du texte final. 

Le reste du texte porte notamment sur les questions de contentieux, le contrôle et l’évaluation du dispositif. 

Comme c’est le cas pour l’IVG, la proposition de loi prévoit une « clause de conscience », ce qui signifie que des soignants peuvent refuser de participer à ces procédures. Ils seraient légalement tenus, néanmoins, d’orienter les patients vers des professionnels disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir. 

Ce texte va maintenant être transmis au Sénat.

Soins palliatifs

Quant au texte sur « l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs » , il a suscité bien moins de débats et a été adopté à l’unanimité.  Il vise notamment à ce que soient créées des unités de soins palliatifs dans chaque département du pays, avec un premier objectif de deux unités minimum par région en 2030. Le texte crée un « droit à bénéficier d’un accompagnement et de soins palliatifs », droit dont l’effectivité sera garantie par les ARS. 

Le texte précise que l’accès aux soins palliatifs devra être assuré « dans le cadre d’organisations territoriales spécifiques », pilotées par les ARS. Ces « organisations territoriales »  devront réunir, outre les acteurs de la santé, des représentants des collectivités territoriales. 

Notons que les représentants des collectivités devraient également être membres d’une future « instance de gouvernance de la stratégie décennale d’accompagnement et des soins palliatifs », qui serait créée lorsque la loi sera promulguée. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2