Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 27 juin 2023
Intercommunalité

Sièges vacants dans les conseils communautaires : un assouplissement de la parité

La loi « tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires » a été publiée ce matin au Journal officiel. Elle vise à corriger un effet de bord fâcheux de la loi sur la parité. Explications. 

Par Franck Lemarc

« Il ne s’agit évidemment pas de remettre en question la parité, mais de corriger un effet de bord que personne n’avait vu venir ». Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine et auteure de ce texte, est formelle : si le dispositif adopté est bien une dérogation, très limitée, au principe de parité, il s’agit avant tout de « garantir que les communes soient représentées dans les conseils communautaires comme elles y ont droit ». Mais de quoi s’agit-il ?

Situations ubuesques

Pour les communes de plus de 1000 habitants, la loi impose la parité pour la représentation des communes dans les conseils communautaires : la liste des candidats au conseil communautaire doit être composée, alternativement, de femmes et d’hommes. Par ailleurs, il est prévu qu’en cas de vacance au cours du mandat, la parité s’applique également : le siège du conseiller devenu vacant doit être pourvu par un conseiller du même sexe – autrement dit, un homme remplace un homme, une femme remplace une femme. 

Et c’est là qu’est le problème : que faire si, par exemple, une conseillère communautaire démissionne en cours de mandat, mais qu’il n’y a pas d’autre femme pour la remplacer ? La réponse est simple : dans ce cas, le remplacement ne se fait pas, et le siège reste vacant, « ce qui pose un problème de représentation démocratique des communes », souligne Françoise Gatel. 

L’application rigoureuse de cette loi amène même à des situations quelque peu ubuesques, puisqu’elle peut conduire à … refuser des femmes dans les conseils communautaires. C’est ce qui s’est passé dans un EPCI de la Nièvre, en 2021, où un conseiller homme, démissionnaire, a été remplacé par une conseillère femme… ce que le préfet, dans le cadre du contrôle de légalité, a refusé. 

Ces situations – même si elles sont peu nombreuses – conduisent à un affaiblissement de la représentation des communes dans les EPCI. « Il apparaît anormal, expliquait Françoise Gatel en présentant son texte, que des décisions structurantes pour le territoire et les citoyens d'une commune soient prises sans une représentation adéquate de celle-ci, alors même que certains conseillers municipaux volontaires pour y siéger en sont empêchés du fait de leur sexe. » 

« Irritants » 

D’où l’idée de présenter une proposition de loi pour remédier à cet « irritant ». Le texte en était court (un article) et très simple : il dispose que lorsqu’il n’existe pas de conseiller municipal pouvant être désigné conformément aux règles de la parité, le siège vacant est pourvu par le prochain candidat sur la liste des conseillers communautaires, « sans tenir compte de son sexe ». À défaut de pouvoir désigner un candidat fléché, le siège sera pourvu par le premier candidat non fléché élu sur la même liste. 

Ces dispositions ne peuvent s’appliquer qu’à partir d’un an après l’installation du conseil municipal concerné, « de façon à ce que le mécanisme ne soit pas employé aux fins de détourner les exigences sur la parité au terme de l’élection ». 

Ce texte, adopté à la suite d’une très rapide navette parlementaire (il a été examiné le 15 mars dernier au Sénat et le 15 juin à l’Assemblée nationale, et adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées), a fait l’objet d’un très large consensus. Seuls les députés de la France insoumise et les écologistes ont refusé de le voter, refusant de choisir entre « garantir la continuité de la représentation des communes et mettre à mal l’application du principe de parité ». Même position pour les écologistes, qui ont estimé que ce texte apportait « une mauvaise réponse à un vrai problème ». 

Les autres groupes ont apporté leur soutien à ce texte. 

Parité dans toutes communes

Le gouvernement s'est également montré fravorable à ce dispositif. Lors du débat à l’Assemblé nationale, le ministre chargé des Outre-mer, Jean-François Carenco, a estimé que « le respect de la parité doit s’articuler avec un autre principe, inscrit à l’article 4 de la Constitution, la nécessité de ne pas porter atteinte aux expressions pluralistes des opinions. Mais aussi (…) avec l’exigence de représentation effective des communes au sein des organes délibérants des EPCI auxquels elles appartiennent. »  La proposition de loi permettra, a poursuivi le ministre, de résoudre « des cas résiduels »  mais bien réels. 

Le texte a été adopté conforme par les deux chambres, ce qui a permis une promulgation rapide. Publié aujourd’hui, il entrera donc en vigueur dès demain, et permettra de résoudre immédiatement les cas problématiques. 

Plusieurs députés, néanmoins, ont rappelé que le problème de fond reste la représentation insuffisante des femmes dans les conseils communautaires, et que cette question ne se résoudra qu’en imposant les scrutins de liste paritaires dans toutes les communes, y compris celles comptant moins de 1 000 habitants. 

Rappelons qu’une proposition de loi en ce sens, portée par Élodie Jacquier-Laforge, a été adoptée par l’Assemblée nationale en février 2022 (lire Maire info du 4 février 2022). Et depuis… rien. Le renouvellement de l’Assemblée nationale, au printemps dernier, a visiblement permis au gouvernement – qui était plutôt tiède sur ce dispositif, bien qu’il fût porté par une députée de la majorité – d’enterrer cette proposition de loi. 

Si l’on voulait espérer qu’un tel dispositif – auquel tant l’AMF que l’Association des maires ruraux de France sont pleinement favorables – entre en vigueur pour les prochaines élections municipales, il serait plus que temps de sortir ce texte des cartons et de le renvoyer au Sénat. 

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