Seuls 4 % des professeurs français estiment être valorisés par la société, selon une étude de l'OCDE
Par A.W.
Déconsidération, salaire insuffisant, formation inadaptée, taux de satisfaction très relatif… S’il fallait rappeler le malaise qui règne en France chez les enseignants, les derniers résultats de la plus grande enquête au monde sur le sujet vient le remémorer à ceux qui l’auraient oublié.
Publiée hier par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’édition 2024 de l’enquête Talis (pour « Teaching and Learning International Survey » ) montre l’ampleur des difficultés et de la dégradation des conditions de travail vécues par les enseignants français, dont 3 766 professeurs de collège et 2 246 d’école élémentaire ont été interrogés l’an passé parmi un échantillon de 280 000 enseignants dans 55 pays.
Des résultats « préoccupants »
Alors que le métier manque cruellement d’attractivité, la situation des enseignants français est jugée « préoccupante » par l'OCDE. « Globalement, les résultats sont préoccupants, notamment sur tous les aspects de formation professionnelle des enseignants, de satisfaction dans le métier, de culture de coopération qui a du mal à se mettre en œuvre », a commenté Éric Charbonnier, spécialiste éducation de l'Organisation lors de la présentation de cette enquête internationale publiée tous les cinq ans en moyenne.
Et celui-ci d’estimer qu’il « faut aujourd'hui peut-être rouvrir ce grand chantier du métier d'enseignant » en France.
Tout n’est toutefois pas noir puisque 79 % des enseignants français se déclarent toujours « globalement satisfaits » de leur travail. Mais ce bon résultat apparent cache une baisse de cinq points par rapport à la dernière enquête menée en 2018, juste après l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir donc. Surtout, c’est le plus faible taux de satisfaction de l’OCDE avec celui du Japon. À l’échelle mondiale, près de 90 % des enseignants sont satisfaits en moyenne de leur métier, un niveau culminant à 98 % en Albanie.
Sans compter que seuls 54 % des professeurs français estiment que les avantages d'être enseignant l'emportent nettement sur les inconvénients, le taux aussi le plus bas de l'OCDE. S’agissant des conditions d’emploi, leur niveau de satisfaction a chuté de 21 points depuis 2018 et ils ne sont toujours qu’un peu plus d’un quart à se contenter de leur salaire.
Manque de considération
Les résultats pour la France (résumés ici en anglais) montrent également des professeurs se sentant particulièrement déconsidérés. Seuls 4 % d’entre eux estiment ainsi être valorisés par la société. Un autre record mondial dont le taux a aussi baissé de trois points en cinq ans et bien loin de la moyenne déjà basse de l’OCDE (22 %).
Tout aussi famélique, leur proportion à considérer que leur opinion est valorisée par les décideurs politiques ne dépasse pas non plus les 4 %. Leur sentiment d’être valorisés par les élèves (55 %) et les parents (45 %) est là aussi relatif par rapport à la moyenne mondiale.
En outre, les enseignants français doivent faire face aux difficultés de discipline croissantes. Ils sont 80 % à être confrontés fréquemment ou toujours à des élèves perturbateurs. Si la part du temps de classe consacré à la discipline a ainsi augmenté dans presque tous les pays de l'OCDE (de 13 % en 2018 à 16 % en 2024 en moyenne), elle est de 18 % en France.
Les classes accueillent aussi aujourd'hui des profils d'élèves plus variés. En France, la proportion d'enseignants travaillant dans des écoles où au moins 10 % des élèves ont des besoins éducatifs particuliers a bondi de 42 % à 74 %. Dans l’OCDE, elle est passée de 30 % en 2018 à 45 % en 2024.
Stress et formation pas assez adaptée
Par ailleurs, le pourcentage des enseignants français qui déclarent ressentir beaucoup de stress est passé de 11 à 18 %. Parmi les sources de stress les plus fréquemment citées, on peut noter que le suivi de « l’évolution des exigences des autorités locales, municipales/régionales, étatiques ou nationales/fédérales » arrive en premier (62 %). Devant le nombre de « tâches administratives à effectuer » (58 %) et l'adaption des « cours aux élèves à besoins éducatifs particuliers » (49 %).
En parallèle, tout juste la moitié des jeunes enseignants (53 %) du pays juge que leur formation initiale était de qualité élevée, une proportion faible à l’échelle de l’OCDE qui recense une moyenne de 75 %.
De graves insuffisances sont ainsi signalées sur « l’enseignement dans un environnement multiculturel ou multilingue » et « le soutien au développement social et émotionnel des élèves ».
La formation continue est encore moins bien estimée puisque à peine un tiers d’entre eux en voit l’impact positif sur leur enseignement. Bien loin là aussi des 55 % de moyenne pour l’OCDE.
Ils disent pourtant en avoir besoin pour « l'enseignement aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers » (28 %), « les compétences en matière d'utilisation de l'intelligence artificielle » (24 %) et « les méthodes de soutien à l'apprentissage social et émotionnel des élèves » (20 %).
Quitter le métier, une idée en vogue
Au regard des enjeux du moment, on peut ainsi noter que seuls 14 % des enseignants ont déjà utilisé l'intelligence artificielle dans leur travail (pourcentage le plus faible de l'OCDE), près de 80 % estimant ne pas avoir les connaissances ou compétences nécessaires.
Dans ce contexte, 14 % des enseignants de moins de 30 ans du pays expriment déjà leur intention de quitter l'enseignement dans les cinq prochaines années. Une proportion en hausse de 10 points depuis 2018.
Dans le primaire, « la part des enseignants âgés de 30 à 49 ans qui prévoient de quitter l'enseignement dans les cinq prochaines années a augmenté de 7 points de pourcentage depuis 2018 » en France, comme en Australie et au Japon.
Si les enseignants des écoles rurales françaises tendent à être aussi satisfaits de leur travail que leurs pairs des écoles urbaines, la proportion d'enseignants satisfaits de leur emploi est plus élevée dans les établissements privés que dans les établissements publics, constate l’enquête Talis.
Consulter l’étude complète (en anglais).
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