Une enquête dénonce l'inefficacité des services publics en matière de communication téléphonique
Par Lucile Bonnin
Assurance maladie, Caisse des allocations familiales (Caf), Pôle emploi, Assurance retraite : pour pouvoir joindre l’un de ces quatre services publics par téléphone il faut s’armer de patience. C’est ce que dénonce une étude menée par le Défenseur des droits et l’Institut national de la consommation.
A l’heure où les services publics deviennent de plus en plus dématérialisés, les plateformes téléphoniques se doivent d’être accessibles notamment pour les publics éloignés du numérique. L’objectif de cette étude publiée hier sur le site du Défenseur des droits : « Vérifier, dans un contexte de dématérialisation massive des démarches administratives, s’il était facile de joindre ces organismes par téléphone et de recueillir les renseignements utiles pour bénéficier d’une prestation. »
Illectronisme
Les démarches administratives essentielles se dématérialisent. Impôts, demandes d’allocations à la Caf, déclarations de revenus à Pole emploi… De nombreux services sont désormais disponibles sur les plateformes des services publics.
Mais il faut rappeler que 13 millions de personnes en France connaissent des difficultés dans leur utilisation des outils numériques. Près d’un quart des Français ne dispose pas d’ordinateur ni de tablette à domicile et une personne sur 10 n’a pas d’accès à internet. Cette fracture numérique existe et le Défenseur des droits est attentif à ce qu’elle ne se transforme pas en fracture sociale. Des dispositifs ont d'ailleurs été mis en place dans les territoires pour accompagner les publics les plus éloignés du numérique. Il est possible de trouver de l’aide dans les permanences des conseillers numériques France services (lire Maire info du 22 novembre 2021).
La Défenseure des droits l’a rappelé dans un rapport publié l’année dernière : la dématérialisation à marche forcée entamée depuis quelques années par le gouvernement met en danger « les fondements du service public » . Elle rappelait ainsi que « la dématérialisation des procédures administratives » doit s’inscrire « comme une offre supplémentaire et non substitutive au guichet, au courrier papier ou au téléphone » (lire Maire info du 16 février).
Absence de réponse
Le premier élément insatisfaisant que pointe l’étude est que, « sur les 1 500 appels passés dans le cadre de l’enquête, 40 % n’ont pas abouti, avec des disparités importantes entre les quatre organismes. »
Sur 408 appels passés à la Caf, « 54 % des appelants n’ont eu personne au téléphone » et l’information recherchée « a été donnée dans un peu plus de la moitié des appels aboutis.» Pôle emploi semble être un peu moins mauvais élève puisque « sur 410 appels, 84 % ont abouti » et 70 % ont permis d’obtenir des réponses.
Pour l’Assurance retraite, qui est supposément le service public qui s’adresse le plus à des personnes éloignées du numérique, 72 % des appels ont abouti mais « seuls 23 % des appelants ont reçu l’information attendue. »
Enfin joindre l’Assurance maladie semble – en l’état actuel des choses – presque impossible. L’étude démontre que « 217 coups de fil sur 302 n’ont pas abouti, soit 72 % du total. » Ces résultats considèrent qu’un appel est « inabouti après trois tentatives et cinq minutes d’attente à chaque fois. » Pire encore : « seuls 22 % des appels ont reçu une réponse acceptable, et moins de 5 %, une réponse conforme» à la demande.
L’étude pointe également le fait que pour pouvoir joindre un agent par téléphone, il faut s’armer de patience puisque la « durée moyenne d’attente pour obtenir un interlocuteur est supérieure à 9 minutes. »
Renvoi vers Internet
Le plus inquiétant résultat de cette étude réside dans le fait que de nombreux agents renvoient les personnes qui appellent vers le site Internet et ce, « sans même s’assurer que la personne dispose d’un ordinateur ou d’un accès à Internet. Cette pratique crée une rupture d’égalité entre usagers et montre que le téléphone ne constitue toujours pas une véritable alternative au numérique. »
Si l’on prend à nouveau l’exemple de la Caf, lorsque la personne réussit à avoir un agent au bout du fil, dans la moitié des cas « l’agent renvoie le plus souvent au site Internet, y compris les usagers qui précisent ne pas être équipés. En de rares occurrences, l’appelant se voit proposer un rendez-vous à la CAF, l’envoi d’un dossier papier à domicile, ou suggérer de se rendre en mairie ou de faire appel à une assistante sociale. »
Le Défenseur des droits rapporte que l’enquête « souligne l’amabilité des interlocuteurs » mais que la qualité des renseignements obtenus est insuffisante. « Les taux de réponses satisfaisantes faisant suite à une demande d’informations ne dépassent jamais 60 %, quelle que soit la plateforme étudiée. »
L’autorité rappelle dans un communiqué de presse que c’est « en proposant un service public proche des usagers, prompt à répondre à leurs demandes, quel que soit le canal de communication employé, que le non-recours aux droits pourra reculer. »
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