Services publics en milieu rural : encore un effort !
Par Xavier Brivet
« En progrès mais doit poursuivre ses efforts » . Telle est, globalement, l’appréciation portée par les députés sur les actions de l’État mais aussi celles des collectivités et des entrepreneurs publics et privés pour favoriser l’accès aux services publics dans les territoires ruraux. Maisons France services, couverture numérique, accès à la santé, revitalisation économique, mobilité…, dans leur rapport, présenté le 6 avril au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, Mathilde Desjonquères, députée de Loir-et-Cher, et Pierre Morel-À-L’Huissier, député de la Lozère, évaluent les avancées en la matière, plus de trois ans après un premier rapport sur le sujet (octobre 2019).
Renforcer les maisons France services
Il ressort de leurs nombreuses auditions (fonctionnaires de l’État, élus locaux, opérateurs, médecins…) menées entre octobre 2022 et mars 2023, que « la prise en compte des territoires ruraux s’est améliorée mais qu’elle doit être confortée et pérennisée » , a résumé Mathilde Desjonquères. Si les rapporteurs se félicitent du programme France services, conçu comme une réponse de premier niveau à l’éloignement des services publics, ils soulignent la nécessité de procéder à de nouvelles labellisations « prioritairement destinées à améliorer le maillage des territoires ruraux où les problèmes de mobilité sont les plus importants » . Ils souhaitent que les « bus France services » circulent davantage dans les petites communes rurales. Ils recommandent un élargissement du bouquet de services proposés par les maisons France services, un renforcement de la formation des agents y travaillant (avec « la création d’un métier d’agents polyvalent d’accompagnement du public » ). Et une véritable réflexion sur le financement de ces structures portées aux deux-tiers par les collectivités : « le coût moyen d’une maison France services a été évalué à 110 000 euros et les financements partagés entre l’État et les opérateurs représentent 30 000 euros. Un financement complémentaire de 12,5 millions d’euros est prévu pour 2023 mais les questions d’une évaluation précise des coûts et d’un soutien renforcé de l’État au dispositif restent posés » , notent-ils.
Améliorer la couverture numérique
Face à la dématérialisation des services publics, l’accompagnement des publics est largement perfectible selon les députés. S’il « s’est amélioré avec le recrutement de 4 000 conseillers numériques » il « faut pérenniser car ils sont devenus indispensables » , estiment-ils, les rapporteurs rappellent que « des dysfonctionnements demeurent » en pointant les très nombreuses réclamations sur les services publics adressées chaque année au Défenseur des droits. Parallèlement, ils demandent à l’État de renforcer le soutien financier à la création et au développement des tiers lieux (3500 structures recensées en 2022) qui proposent « des solutions multiservices innovantes » pour la formation, l’accompagnement des entrepreneurs » et constituent aussi des lieux de sociabilité.
S’ils se félicitent d’une « nette amélioration de la couverture numérique des territoires ruraux » (« mi-2022, 98 % du territoire était couvert par au moins un opérateur en 4G tandis que 77 % des locaux (…) étaient raccordables à la fibre » , Mathilde Desjonquères et Pierre Morel-À-L’Huissier déplorent que « le déploiement de la fibre reste nettement supérieur dans les zones denses (90 %) que dans les zones peu denses (62 % en zone RIP) où la commercialisation atteint seulement 50 % et plusieurs départements à dominante rurale dépendent à plus de 25 % du réseau cuivre » , dont l’extinction est prévue en 2030. « Les raccordements les plus complexes –donc les plus coûteux –, l’entretien des infrastructures, l’adaptation aux nouveaux usages et aux évolutions démographiques restent à réaliser et à anticiper » , jugent-ils.
La santé reste un point noir
La santé reste un point noir en milieu rural : « 63 % des bassins de vie ruraux manquent de médecins généralistes (…), le délai de prise en charge par les spécialistes est de plusieurs mois, 6 millions de Français vivent à plus de 30 minutes d’un service d’urgence » , illustre le rapport en pointant « le risque du renoncement aux soins plus important en zone très sous-dotée » . Les auteurs mentionnent les nouvelles mesures engagées par le gouvernement, notamment dans le cadre de "Ma santé 2022", qui « porteront leurs effets à moyen terme » . Mais ils estiment que « la démographie médicale impose une évolution de l’organisation du parcours de soins en milieu rural », en promouvant « un meilleur dialogue entre les agences régionales de santé, la Cnam et les élus locaux pour organiser l’offre de soin territoriale ».
Au chapitre des mobilités, les députés saluent les nombreuses initiatives locales mais constatent qu’« elles peinent à couvrir les besoins des habitants et peuvent s’avérer coûteuses ». Ils recommandent aux collectivités de « faire connaitre les solutions de déplacements existantes, d’adapter les transports locaux jusqu’au dernier kilomètre » , de développer « le titre unique de transport » et de poursuivre « les différentes aides au permis de conduire pour les jeunes » .
À l’instar des élus locaux, les deux députés attendent avec impatience la présentation par le gouvernement du plan « France ruralité » conçu comme une suite de « l’agenda rural », et de la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR). Préventivement, ils formulent deux propositions en rapport direct avec ces deux sujets : « la pérennisation des dispositifs fiscaux et sociaux en faveur des zones rurales » et la nécessité de « clarifier la nébuleuse de dotations et financements existants » en faveur de la ruralité avec une « attention particulière pour financer l’ingénierie qui fait cruellement défaut chez les porteurs de projets », souligne Pierre Morel-À-L’Huissier.
La vidéo de présentation du rapport
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