Sénat : un rapport passe au crible les mesures prises après la catastrophe Lubrizol
Par Lucile Bonnin
« Bien mais peut encore mieux faire. » C’est ce que conclut tièdement la commission de l’aménagement du territoire et du développement du Sénat à la suite de l’examen du rapport d’information présenté par le sénateur Pascal Martin, sous le titre Prévention des risques industriels : ne pas baisser la garde. La commission avait d’ailleurs déjà formulé 42 recommandations dans un rapport publié en juin 2020 après l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen.
Vers une amélioration continue de la sécurité industrielle
Le bilan est plutôt positif pour les sénateurs notamment au niveau réglementaire et législatif. Le rapport souligne qu’environ 80 % des recommandations de la commission d’enquête de 2020 ont donné lieu à la mise en œuvre de nouvelles mesures gouvernementales. « Cet accident marque ainsi une étape importante dans l’amélioration nécessairement continue de la sécurité industrielle en France », peut-on lire dans la synthèse du rapport.
Ce rapport dresse un bilan des mesures concrétisées afin de tirer des leçons de l’accident. Ces dernières étant dispersées dans « une pluralité de textes », pouvoir retrouver clairement dans un document les décrets, arrêtés et textes de loi, permet de faire un bilan de situation. Que ce soit sur le volet de la prévention des risques industriels, l’alerte des populations ou encore la répression des atteintes à l’environnement : toutes ces évolutions ont été répertoriées et commentées.
Le suivi environnemental et sanitaire perfectible
En dépit de nombreuses constations encourageantes, les sénateurs sont plus mitigés en ce qui concerne la question des inspections et du suivi sanitaire. Sur le premier point, force est de constater une hausse du nombre d’inspections et des effectifs de l’inspection des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement). En revanche, les sénateurs rappellent que cette mesure « n’est en fait qu’un rattrapage par rapport à la situation de 2006, qui constituait un ''pic de vigilance'' après la catastrophe d’AZF de Toulouse. » Le rapport préconise notamment de dépasser les « 30 000 inspections annuelles dès 2023 pour renouer avec les seuils de contrôles effectués après l’accident d’AZF ».
Toujours suivant le principe « il vaut mieux prévenir que guérir », les sénateurs indiquent que « une réflexion globale est nécessaire sur les protocoles de suivi sanitaire des personnels intervenant dans le traitement des accidents industriels, de même que pour le suivi de la population exposée aux effets de ces accidents. » De nombreuses mesures ont été prises à la suite de demandes formulées par les citoyens et leurs élus comme notamment la création d’un programme de biosurveillance pour les personnes intervenues au cours de l’incendie. Mais des progrès sont encore à faire pour « définir un système et des procédures permettant d’assurer un suivi sanitaire efficace des populations touchées par un accident industriel. »
Huit recommandations complémentaires
Pour ne pas « baisser la garde », des « mesures et initiatives sont encore nécessaires », ce qui conduit la commission à formuler 8 recommandations complémentaires, structurées en 4 axes : améliorer la prévention des accidents industriels et augmenter les contrôles réalisés par l’inspection des ICPE ; renforcer l’information et assurer une meilleure participation du public à la prévention et à la gestion des risques industriels ; améliorer l’évaluation environnementale, le traitement et la réparation des dommages résultant d’un accident industriel et définir un système et des procédures permettant d’assurer un suivi sanitaire efficace des populations touchées par un accident industriel.
Approuvées à l’unanimité, ces recommandations « pourront être traduites dans le cadre d’une proposition de loi » ou pour d’autres, dans le cadre d’une « action du pouvoir exécutif ».
Le rôle réaffirmé des maires dans la gestion des risques
Pascal Martin insiste : « C’est le maire qu’on interpelle le plus sur le terrain. Ce fut le cas au Petit-Quevilly, à Rouen et dans l’agglomération rouennaise. Ne peut-on pas trouver juridiquement une solution qui permettrait non pas un transfert de police mais qui améliore sensiblement l’information entre les maires des communes et le représentant de l’État à l’échelle du département ? »
Et c’est animé par cet intérêt que l’on retrouve parmi ces huit propositions, des dispositions pour permettre un meilleur accompagnement des maires « dans l’exercice de leurs compétences en matière de gestion de crise et dans le renforcement de la résilience des territoires face aux effets des accidents industriels ».
D’abord, les sénateurs soulignent la nécessité de « compléter le (...) Code de la sécurité intérieure pour prévoir la transmission annuelle, du préfet au maire concerné, des retours d'expérience issus de la mise en œuvre des plans particuliers d'intervention (PPI) ainsi que d'un bilan synthétique des conclusions des contrôles des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) réalisés sur le territoire ». Il serait également opportun de prévoir dans ce même Code la présence obligatoire de l'exploitant ainsi que du maire concerné ou de son représentant lors de l'organisation des exercices prévus dans le cadre des Plan particuliers d’intervention.
Autre apport : « l’association nationale qui sera chargée de diffuser la culture du risque » devrait aider les maires dans la mise en œuvre de leurs stratégies de prévention des risques et d’information du public, comprenant l’aide à la rédaction de leurs documents de gestion de crise. Mettre en place un nouveau dispositif de soutien financier pour l’accompagnement des collectivités et prévoir l’évaluation (d'ici la fin de l'année 2023) de l'action des services de l'État visant à accompagner les collectivités territoriales en matière de prévention des risques sont aussi des perspectives recommandées par les sénateurs.
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