Maire-info
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Édition du mardi 8 septembre 2020
Petite enfance

Selon l'Insee, l'accroissement du nombre de places en crèche n'influe pas (encore) sur l'emploi des mères

Dans un numéro d’Insee Analyses publié hier, l’institut de statistiques se penche sur les effets de l’accroissement des places en crèche sur l’emploi des femmes et sur les autres modes de garde. Constat général : l’accroissement important du nombre de places entre 2000 et 2016 n’a eu qu’un effet très limité sur l’emploi des mères. 

Impact quasi nul
Pour éviter aux mères d’interrompre leur carrière à l’arrivée d’un enfant ou d’être contraintes de passer à temps partiel, une politique volontariste de création de places en EAJE (établissements d’accueil du jeune enfant) a été mise en place depuis le début de ce siècle : entre 2000 et 2016, 150 000 places supplémentaires ont été créées. Le nombre de places en en EAJE financées par les CAF via la prestation de service unique (PSU), est passé de 13,7 pour 100 enfants en 2007 à 16,9 en 2015, souligne l’Insee, qui parle d’une « hausse rapide de la capacité d’accueil au niveau des communes ». 
Quel a été l’impact de cette évolution sur l’emploi des femmes ? Très faible, voir « nul », révèle l’Insee. « Obtenir une place en EAJE pour son enfant, grâce à l’augmentation soudaine de la capacité d’accueil des établissements de leur commune de résidence, n’a pas d’effet significatif quant à la situation sur le marché du travail des parents d’enfants de moins de 3 ans »  – ni pour les mères ni pour les pères. L’obtention d’une place en crèche ne permet ni « d’augmenter significativement »  les revenus, ni de « travailler à temps moins partiel », ni, le plus souvent, d’interrompre moins souvent la carrière. Selon l’institut, l’obtention d’une place en crèche n’a permis d’éviter une interruption de carrière qu’à « 5,3 % »  des mères. 
Cette situation n’est pas simple à expliquer, et l’Insee ne peut que se livrer à des hypothèses : le phénomène « pourrait »  par exemple « résulter d’un mécanisme d’allocation [des places] qui tendrait à privilégier les demandes des familles pour lesquelles l’effet s’avère le plus faible, en accordant, par exemple, la priorité aux familles dans lesquelles les deux parents travaillent à temps plein ». Dans cette hypothèse, souligne l’institut, « un changement des mécanismes d’allocation ou une nouvelle augmentation du nombre de places offertes en EAJE pourraient tout à fait conduire à des effets positifs sur les revenus et l’offre de travail des mères ». Une façon de dire que les efforts doivent être poursuivis, même si les effets ne s’en font pas encore sentir. 

Effets sur les assistantes maternelles et la garde à domicile
Conséquence directe, en revanche, de l’augmentation des places en crèche : la demande en assistantes maternelles et en gardes à domicile diminue. Phénomène notable : la hausse du nombre de places en crèche dans une commune n’a pas d’influence sur le nombre de demandes de congés parentaux – ce qui laisse à penser que certaines familles choisissent le congé parental de toute façon, quelle que soit l’offre, quand d’autres privilégient la non-interruption de leur carrière, quel que soit le mode de garde choisi. En revanche, dans les communes où le nombre de places en EAJE a soudainement augmenté, la quantité d’heures rémunérées d’assistantes maternelles et de gardes à domicile diminue nettement – la substitution des modes de garde étant, à terme, « totale », c’est-à-dire que le nombre d’enfants confiés aux AM et aux gardes à domicile diminue exactement autant qu’augmente le nombre de places en crèche.

Estimations sur les finances
L’Insee se penche enfin sur « l’effet des plans crèches sur les finances publiques », sans parvenir à tirer de conclusions certaines. L’idée est de rapporter le coût de fonctionnement d’une place en crèche (15 000 euros par an, pris en charge à 82 % par les finances publiques) à l’effet sur le taux d’emploi salarié des mères. Dans ce domaine, le bilan paraît maigre : « Une dépense publique d’un million d’euros permettrait au plus à 4 mères de jeunes enfants d’éviter une année d’interruption de carrière. »  Mais il convient, souligne l’institut, d’intégrer dans ces calculs les économies – ou les coûts supplémentaires – générés par les substitutions de modes de garde : « En effet, les services proposés par les assistantes maternelles et la garde à domicile font, eux aussi, l’objet d’une prise en charge par les pouvoirs publics, qui doit donc être déduite du coût induit par le fonctionnement d’une place en établissement collectif. » 
Mais le coût pour la collectivité des services d’assistantes maternelles et de gardes à domicile n’étant pas du tout le même, l’institut ne peut que donner des fourchettes très larges : si le placement en crèches se substituait intégralement à la garde à domicile, il en résulterait une économie globale pour la collectivité (2 500 euros par place de crèche et par an). Si, à l’inverse, la substitution se faisait uniquement au détriment des assistantes maternelles (beaucoup moins coûteuses), cela correspondrait à l’inverse à un coût supplémentaire de 5 000 euros par place en EAJE et par an. 

Cette étude, intéressante, est certainement toutefois à nuancer, car elle ne prend en compte que des données globales, sans s'attacher à des éléments aussi décisifs, en la matière, que les réformes du congé parental, l'évolution du taux de natalité, les disparités territoriales, les réformes successives des rythmes scolaires. L'intégration de ces facteurs, ainsi que des zooms sur des situations locales, pourraient faire apparaître des réponses certainement assez différentes que celles que donne un regard purement statistique et peut-être trop général...

F.L.

Télécharger l’étude de l’Insee.

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