Sécurité globale : le Conseil constitutionnel censure plusieurs dispositions concernant la police municipale
Par A.W.
Le Conseil constitutionnel a censuré, hier, plusieurs mesures emblématiques de la loi relative à la Sécurité globale, adoptée le mois dernier après accord en commission mixte paritaire. Une décision qui a été largement commentée et perçue comme un camouflet pour le gouvernement et notamment le ministre de l'Intérieur.
Sept censures, dont l’ex-article 24
Les Sages de la rue Montpensier ont ainsi censuré totalement ou partiellement sept des 22 articles dont ils ont été saisis, par des députés, sénateurs et par le Premier ministre, Jean Castex. En outre, quatre autres articles ont été assortis de « réserves d’interprétation » et cinq font l’objet de « cavaliers législatifs ».
Parmi eux, le très controversé ex-article 24 de la proposition de loi relative à la Sécurité globale (devenu l’article 52), qui prévoyait de sanctionner de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende la diffusion malveillante d’images des forces de l'ordre, a été jugé non conforme à la Constitution et retiré du texte final car trop flou, « le législateur n’a(yant) pas suffisamment défini les éléments constitutifs de l’infraction contestée », méconnaissant ainsi « le principe de la légalité des délits et des peines ». Le Conseil constitutionnel a notamment ciblé « l'incertitude » sur « la portée de l'intention exigée de l'auteur du délit ».
Une décision qui « marque un durcissement net de la position du Conseil constitutionnel et une accentuation des exigences pesant sur les forces de sécurité intérieure et sur la police municipale », ont regretté les membres de la commission des lois du Sénat dans un communiqué publié hier.
S’il s’est « félicité des nombreuses dispositions validées » par le Conseil constitutionnel et « qui aideront notre politique de sécurité », Gérald Darmanin a lui annoncé sur Twitter, qu’il « proposerait au Premier ministre d’améliorer les dispositions qui connaissent des réserves »
Constatation de délits : l’expérimentation rejetée
Car, au-delà de ce revers majeur pour la majorité et le gouvernement, plusieurs autres dispositions ont également été censurées par le Conseil constitutionnel, notamment l’expérimentation pendant cinq ans de la dévolution de pouvoirs de police judiciaire à des agents de police municipale et des gardes champêtres aux communes et EPCI employant au moins 15 agents (article 1er).
Concrètement, le texte prévoyait que ceux-ci voient leurs prérogatives être élargies avec la possibilité, notamment, de constater les délits de conduite sans permis, de conduite dangereuse (rodéo urbain…), de vente à la sauvette, l’usage de stupéfiants, le délit de gêne ou d’entrave à la circulation sur une voie publique ou encore de port d’arme illégitime.
Or, selon le Conseil constitutionnel, « le législateur a méconnu l'article 66 de la Constitution » - qui impose que « la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire » - « en confiant des pouvoirs aussi étendus aux agents de police municipale et gardes champêtres, sans les mettre à disposition d'officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes ».
Aux yeux des Sages de la rue Montpensier, « le législateur n'a pas assuré un contrôle direct et effectif du procureur de la République sur les directeurs de police municipale et chefs de service de police municipale », même « si le procureur de la République se voit adresser sans délai les rapports et procès-verbaux établis par les agents de police municipale et les gardes champêtres, par l'intermédiaire des directeurs de police municipale et chefs de service de police municipale ».
Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que le texte ne prévoit pas « la possibilité pour le procureur de la République d'adresser des instructions aux directeurs de police municipale et chefs de service de police municipale, l'obligation pour ces agents de le tenir informé sans délai des infractions dont ils ont connaissance, l'association de l'autorité judiciaire aux enquêtes administratives relatives à leur comportement, ainsi que leur notation par le procureur général ». En outre, il ne serait « pas prévu » que les directeurs et les chefs de service de police municipale présentent « des garanties équivalentes à celles exigées pour avoir la qualité d'officier de police judiciaire », selon les Sages.
Sur ce point, la commission des lois du Sénat a estimé que « le Conseil constitutionnel accentue les exigences qu’il avait posées antérieurement », à savoir qu’« il n’exigeait auparavant que le contrôle du Procureur de la République ».
Drônes et caméras embarquées : garanties insuffisantes
Autre rejet important, celui d’une grande partie de l'article (47) qui organisait l'utilisation des drones par les forces de l'ordre, le Conseil constitutionnel reprochant le manque de garanties.
Dans sa décision, il explique ainsi que « ces appareils sont susceptibles de capter, en tout lieu et sans que leur présence soit détectée, des images d’un nombre très important de personnes et de suivre leurs déplacements dans un vaste périmètre ». Du fait qu’« aucune limite maximale à la durée de l’autorisation de recourir à un tel moyen de surveillance, exceptée la durée de six mois lorsque cette autorisation est délivrée à la police municipale », ni « aucune limite au périmètre dans lequel la surveillance peut être mise en œuvre » n’aient été fixées, cette disposition méconnaissait le droit au respect de la vie privée.
Une analyse similaire a frappé les dispositions permettant aux forces de l’ordre et à certains services de secours de procéder à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images au moyen de caméras embarquées (article 48), dont les garanties ont été jugées insuffisantes (durée d’utilisation, périmètre et régime d’autorisation). Selon la commission des lois, « il pourra sans doute y être remédié à l’occasion d’un prochain texte ».
Manifestations : des fouilles « excluant toute discrimination »
Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, validé d’autres dispositions en leur assortissant des réserves d’interprétation.
S’il confirme l’autorisation accordée aux policiers municipaux de procéder dorénavant à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages, ainsi qu’à des palpations de sécurité lors des manifestations sportives, récréatives ou culturelles (article 4), il précise que ces vérifications ne doivent « s'opérer qu'en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ».
Vidéoprotection : un accès aux images limité au territoire des agents
De même, les dispositions étendant, sous certaines conditions, le champ des images prises par des systèmes de vidéoprotection sur la voie publique auxquelles peuvent accéder les policiers municipaux (article 40) est circonscrit au seul territoire de ces derniers. « Ces dispositions ne sauraient leur permettre d'accéder à des images prises par des systèmes de vidéoprotection qui ne seraient pas mis en œuvre sur le territoire de la commune ou de l'intercommunalité sur lequel ils exercent leurs missions », soulignent les Sages.
Consulter la décision du Conseil constitutionnel.
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