Sécurité routière : le gouvernement engage une vaste réforme
Par Franck Lemarc
C’est une Première ministre « confirmée » qui a pris la parole hier, à l’issue du CISR, puisque le président de la République a mis fin aux rumeurs et va conserver Élisabeth Borne à Matignon. La cheffe du gouvernement a présenté un train d’une quarantaine de mesures sur la sécurité routière, qui vont bien au-delà de la création de « l’homicide routier » très commenté dans la presse.
Hausse de la mortalité en vélo et trottinette
Le nombre de morts sur la route est relativement stable depuis une dizaine d’années, hormis les deux années « covid », 2020 et 2021, pendant lesquelles les confinements et restrictions de circulation ont amené une baisse importante du nombre d’accidents de la route. Si le nombre de morts oscille chaque année autour de la barre des 1 500, « la structure de l’accidentalité a évolué », note le CISR, parallèlement au développement des modes alternatifs que sont le vélo et les engins de déplacement personnel motorisés (EDPM). En 2022, un quart des tués sur la route (24 %) ont été soit des piétons, soit des cyclistes, soit des utilisateurs d’EDPM. Ce qui, soit dit en passant, justifie la réticence de certains experts à utiliser l’expression de « modes doux » pour désigner ces moyens de transport.
Par ailleurs, la conduite sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants reste un facteur important d’accidentalité : un tiers des accidents mortels impliquent un conducteur alcoolisé.
Éducation
Les premières mesures annoncées concernent l’éducation à la sécurité routière et en particulier l’apprentissage du vélo : un nouveau module de formation, sur le temps scolaire, va être créé au collège, avec « une validation des compétences acquises » en fin de 5e. Le CISR a également validé l’idée de mettre en place un « pré-code de la route », pour donner aux jeunes « de solides connaissances des règles de circulation ». L’attestation scolaire de sécurité routière de niveau 2 (ASSR2), délivrée en 3e, va devenir plus exigeante, puisqu’elle ne sera validée que si l’élève donne 14 réponses correctes sur 20, au lieu de 10 aujourd’hui.
Une large partie des mesures annoncées hier concerne « les comportements à risque » – qu’ils soient liés à la consommation d’alcool et de stupéfiants ou à l’état de santé des conducteurs. Notamment, le gouvernement veut introduire dans le droit la possibilité de suspendre le permis de conduire pour les personnes dont l’état de santé est « manifestement incompatible » avec la conduite d’un véhicule, sur décision préfectorale. De même, les possibilités de retirer automatiquement le permis de conduire aux personnes conduisant sous l’emprise de drogues vont être renforcées.
Sur un plan plus symbolique, la Première ministre a annoncé que l’infraction d’homicide involontaire va être requalifiée en « homicide routier » dans le cas d’un accident mortel provoqué par une attitude irresponsable (conduite en état d’ivresse ou sous stupéfiants, feu rouge brûlé, grands excès de vitesse, etc.).
Code de la route
Pour tenter de faire baisser l’accidentalité liée aux « nouvelles mobilités », le gouvernement entend mener de larges campagnes de communication en particulier vers les élus, pour pallier une connaissance « parfois insuffisante des règles de circulation » et des aménagements de voirie.
Il est également envisagé de faire évoluer le Code de la route en créant – à l’instar de ce qui existe au Danemark, notamment – le « tourne à gauche indirect » pour les cyclistes ou les usagers d’EDPM. Ce dispositif permet d’éviter aux cyclistes, dans un carrefour à feux, de devoir attendre au milieu du carrefour pour tourner à gauche, « entre les véhicules venant d’en face et ceux venant dans son dos ». Le tourne à gauche indirect consiste à d’abord tourner dans la rue de droite, à contre-sens, puis attendre le feu vert pour traverser le carrefour en restant du côté droit de la chaussée (voir schéma ci-dessous). Le gouvernement souhaite lancer une expérimentation sur cette méthode avec « les collectivités locales volontaires ».
Par ailleurs, il propose d’engager « une concertation » avec les usagers et les collectivités locales sur l’usage des vélos-cargos, notamment ceux destinés au transport des enfants. À ce jour en effet, ni les dimensions ni le nombre de personnes transportées ne sont réglementés.
Autre mesure concernant directement les communes, pour protéger, cette fois, les piétons : il est envisagé de rendre obligatoire la limitation à 30 km/h « dans les rues sans trottoir » ou lorsque les trottoirs ne répondent pas aux exigences réglementaires.
Afin de permettre aux élus de prendre en toute connaissance les meilleures décisions en matière de sécurité routière, le gouvernement va « rendre obligatoire la communication aux collectivités du bilan de l’accidentalité sur le réseau routier relevant de leur compétence ».
Fin des attestations d’assurance papier
Enfin, le CISR propose une série de mesures pour « simplifier la vie des usagers de la route ». En particulier, la généralisation dès l’automne prochain de l’application Simplimmat, qui permet de réaliser le transfert de carte grise d’un vendeur à un acheteur de véhicule d’occasion via un smartphone. Par ailleurs, le permis de conduire va être dématérialisé, afin de permettre aux usagers de présenter leur permis sur smartphone. Le permis numérique ne sera pas obligatoire, chaque usager conservant le droit d’avoir un permis « physique ».
Les attestations d’assurance (carte verte) devraient être, en revanche, totalement supprimées, et remplacées par la possibilité pour les forces de l’ordre de consulter le FVA (fichier des véhicules assurés). Il ne sera plus possible de sanctionner l’absence de justificatifs d’assurance dans le véhicule : « Le contrôle de l’assurance reposera alors uniquement sur la présence ou non dans le FVA du numéro d’immatriculation du véhicule ». Cette mesure, qui devrait mettre un certain temps pour être déployée, permettra, au passage, une économie de quelque 150 millions d’euros par an pour les assureurs, en frais d’impression. Personne ne doute, naturellement, que cette économie sera répercutée sous forme de baisse des tarifs des assureurs.
Il reste à présent à traduire toutes ces annonces dans le règlement ou dans la loi. Le gouvernement n’a, pour l’instant, pas donné de calendrier en la matière, et il est probable que certaines mesures, comme la suppression des documents d’assurance papier, mettront plusieurs années à se déployer.
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