Maire-info
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Édition du lundi 2 septembre 2019
Environnement

Sécheresse : les associations environnementales remontées contre les arbitrages du gouvernement

Ce matin, 85 départements français sont encore en crise ou alerte sécheresse et subissent des restrictions d’eau, selon le site Propluvia. Au 29 août, « 41 départements ont pris, sur certaines zones, des arrêtés de crise imposant l'arrêt des prélèvements d'eau non prioritaires (irrigation, lavage de voiture, arrosage de jardins, remplissage des piscines…) afin de préserver les usages prioritaires (sécurité et salubrité publique, alimentation en eau potable) », précisait Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État à la Transition écologique.
Il faut dire que l’été 2019 s’est révélé particulièrement aride avec une succession d’épisodes de forte chaleur. Les images satellites, capturées par le Centre national d’études spatiales (Cnes) et dévoilées la semaine dernière, témoignent de l’intensité de la sécheresse mais aussi des multiples incendies qui ont ponctué l’été. En un an (juillet 2018 - juillet 2019), la France a viré du vert au jaune vu du ciel. Le manque de précipitations est essentiellement en cause.
Interrogé par France 2 le 27 août, le climatologue Jean Jouzel tirait la sonnette d’alarme, affirmant que « les vagues de chaleur qui accroissent l’évaporation vont devenir de plus en plus intenses et avoir des conséquences sur l’hydrologie des sols et les nappes souterraines ».

Une soixantaine de retenues d’eau
Sur CNews le 29 août, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, n’a rien trouvé à redire sur ce constat. Les réponses qu'il a apportées pour lutter contre les conséquences liées à la sécheresse, elles, ont suscité des réactions plus tranchées. Avec d’un côté, la « satisfaction »  de la FNSEA, Jeunes agriculteurs, Agricultures et territoires et Irrigants de France, et de l’autre, la méfiance des écologistes.
Pour mieux gérer l’irrigation des terres agricoles, le ministre va autoriser la mise en place d'une « soixantaine »  de retenues d'eau sur le territoire entre 2019 et 2022, conformément à un document signé en juin lors des Assises de l’eau. « Il s'agit de capter l'eau de pluie, de la retenir dans des retenues collinaires (...) pour pouvoir la restituer après dans les sols lorsqu'il y a sécheresse. »  Les retenues vont « se faire sur des projets de territoire discutés »  avec les écologistes, a affirmé Didier Guillaume, appelant au « pragmatisme »  pour que l'agriculture « soit résiliente et puisse avancer ».
« La mise en place de retenues permet de mobiliser l'eau des pluies abondantes pour l'utiliser en période de sécheresse, et contribue à lutter contre les incendies, abaisser les températures, préserver la biodiversité et maintenir une agriculture résiliente », approuvent les fédérations d’agriculteurs. Une réponse qui a, en revanche, passablement irrité les associations de défense de l’environnement. Michel Dubromel, président de France Nature Environnement, a ainsi fustigé, auprès de l’AFP, un projet « totalement irresponsable ».

Une baisse du débit minimal des rivières
Une autre décision a fait bondir, cette fois, le Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU Biodiversité). Un décret, signé le 3 août, a modifié, en effet, « diverses dispositions du Code de l’environnement relatives à la notion d’obstacle à la continuité écologique et au débit à laisser à l’aval des ouvrages en rivière ».
Dans certains cours d’eau, il sera dorénavant possible, par dérogation et sous certaines conditions, de baisser le débit minimum des rivières. Autrement dit de prélever davantage les rivières afin de satisfaire « l’alimentation en eau potable »  ou de permettre « l’irrigation gravitaire en période d'étiage estival ».
« C’est une victoire des agriculteurs de montagne qui pratiquent l’irrigation gravitaire, une technique très dispendieuse en eau, au détriment de la vie des rivières » , regrette Jacques Pulou, spécialiste des milieux aquatiques et membre de France Nature Environnement dans les colonnes de Reporterre.
Sur Twitter, le SNE-FSU Biodiversité y voit un « recul inadmissible pour la biodiversité aquatique ». En retour, le gouvernement garantit que « ce débit minimal inférieur est limité à une durée de trois mois à l'intérieur de la période d'étiage estival et ne peut pas être inférieur au quarantième du module ». Sont concernés les cours d’eau « situés en Corse et, pour ceux relevant du bassin Rhône-Méditerranée, leurs parties situées dans les départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, du Gard, de l’Hérault, de l’Aude, des Pyrénées-Orientales, de la Drôme, de l’Ardèche ou de la Lozère ».
Rappelons enfin que pour faire face aux conséquences des dernières sécheresses, la Commission européenne a validé le mois dernier le déblocage d'un milliard d'euros d'aides qui seront versées « de manière anticipée »  aux agriculteurs en octobre au titre de la politique agricole commune (Pac).

Ludovic Galtier

Télécharger le décret.

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