Sécheresse et pénuries d'eau : Christophe Béchu veut « contraindre » les élus locaux à rénover leurs réseaux d'eau
Par A.W.
Près de deux tiers des nappes phréatiques ont un niveau inférieur aux moyennes de saison et 189 communes restent privées d'eau potable en ce début septembre… La météo a beau se rafraîchir depuis quelques jours, la sécheresse continue d’affecter la France, selon les chiffres que vient de dévoiler le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, dans un entretien à Libération.
Pénuries : quatre fois moins de communes qu’en 2022
Au 8 septembre, le nombre de communes victimes de pénuries d'eau a ainsi plus que doublé par rapport au dernier bilan du 10 août qui n’en recensait que 85 (elles étaient encore 119 au 1er août), mais elles restent, toutefois, près de quatre fois moins nombreuses que l’an passé lorsque 700 d’entre elles avaient été impactées par le manque d’eau.
« Beaucoup se trouvent sur le bassin méditerranéen, dans le couloir rhodanien, mais on a aussi quelques cas en Bretagne », a détaillé l’ancien maire d’Angers. Au total, ce sont « 40 000 personnes » qui se retrouvent alimentées par des camions-citernes ou via la distribution de bouteilles d’eau minérale.
S’agissant des nappes phréatiques, si la situation est jugée « plus favorable » que l’an passé, le ministre estime « qu’il n’y a pas lieu de se réjouir » puisqu’en août « 62 % des nappes phréatiques avaient un niveau inférieur aux moyennes de saison, et 18 % étaient à un niveau très bas ». « L’an dernier, à la même date, 77 % d’entre elles se trouvaient sous les moyennes et 20 % très bas », soulignait Christophe Béchu, juste avant la publication, hier, du désormais très attendu point de situation mensuel des nappes phréatiques du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
Alors que « les prévisions saisonnières de Météo-France sur les mois de septembre, octobre et novembre privilégient des températures plus élevées que la normale sur l’ensemble du territoire et des conditions plus humides sur l’extrême sud », le BRGM prévient que, « sur les deux tiers sud du territoire, les épisodes pluviométriques ne devraient pas engendrer une recharge significative des nappes ».
« La crise n’est pas encore derrière nous », alerte donc le ministre pour les semaines à venir : « Les nappes ne se rechargeront qu’à partir du mois d’octobre. Ces prochaines semaines seront décisives, chaque geste compte, dans tous les secteurs ».
Canalisations : « Demander des comptes aux communes »
Pointant l’inaction de « certains élus locaux » qui « n’ont pas investi dans leurs réseaux d’eau et ont une responsabilité dans ces pénuries », il a affirmé vouloir à la fois « les aider et les contraindre ». « Engager des travaux sur les canalisations, ce n’est pas populaire, ça coûte cher, vous défoncez la chaussée, ça gêne la circulation… Les maires y renoncent trop souvent », à ses yeux.
« Dès l’an prochain, on va procéder de manière plus coercitive, en demandant des comptes aux communes dont les canalisations sont défaillantes. L’État va maintenir des subventions mais ne va pas payer à 100 % des travaux que ces élus ont renoncé à faire », a donc fait savoir Christophe Béchu.
Sur ce point, l'AMF souligne, ce matin, que « la question de la sécheresse et celle des réseaux ne sont pas aussi directement liées ». En effet, « la gestion patrimoniale de l’eau comprend les réseaux, mais surtout la ressource elle-même qui subit des pressions de plus en plus forte tant en qualité qu’en quantité ».
Le ministre a, toutefois, indiqué que, « dès cette année, nous avons débloqué 53 des 180 millions d’euros du Plan eau pour aider les communes où le taux de fuite atteint plus de 50 % » et que « dans 170 communes, des chantiers ont commencé ». Il prône, par ailleurs une mutualisation de la gestion de l’eau car « 11 000 gestionnaires d’eau potable dans le pays, à la fois publics et privés, c’est trop ! ».
« On veut de l’eau ! » : Manifestations à Mayotte
Aux 40 000 personnes souffrant des pénuries d’eau en métropole, il faut également ajouter les 300 000 habitants de Mayotte que n’a pas semblé intégrer le ministre dans le décompte présenté à Libération.
L’île de l’Océan indien est actuellement soumise à sa plus importante sécheresse depuis 1997 et l’eau y est sévèrement rationnée depuis deux semaines. Celle-ci ne coule désormais plus qu’un jour sur trois. Et « quand il y a de l’eau, elle n’est pas potable », s’indignait, mercredi sur RFI, Estelle Youssouffa, députée de Mayotte (LIOT).
Une situation « pourtant prévisible » qui a déclenché la colère des habitants qui ont lancé, ce week-end, des manifestations contre les coupures d’eau aux cris de « On veut de l’eau ! ».
« À ce jour, aucune distribution n’a été organisée, contrairement aux engagements du ministre des Outre-mer », lors de son déplacement sur l’île au tout début du mois, a dénoncé la députée mahoraise. Et les distributions ne seraient pas prévues avant « le 25 septembre », selon elle, alors qu’« un pack d’eau, c’est 12 euros (pour) six bouteilles de 1,5 litre… quand il y en a dans les supermarchés ». « C’est grave », a fustigé Estelle Youssouffa qui déplore, en outre, le fait que les Mahorais « continuent pourtant à payer des factures (...) d’eau maronnasse, visiblement dégueulasse et impropre à la consommation ».
Et si le ministère des Armées a annoncé, hier, que l’armée allait être mobilisée pour « débuter prochainement » la distribution d’eau à Mayotte, la situation ne semble pas près de se rétablir puisque le département le plus pauvre de France dépend « à 80 % » des eaux pluviales pour son approvisionnement et que la prochaine saison des pluies n’est pas attendue avant novembre.
Un problème d’ailleurs plus profond, selon la députée de Mayotte : « Aujourd’hui, la production d’eau potable, en temps normal, elle est de 36 000 m3 par jour alors que les besoins sont à 44 000. Ca veut dire que, quand il pleut, quelle que soit la saison, on a quand même des coupures d’eau ».
Condamnant également l’« imprévoyance » de l’État, le député européen Younous Omarjee (La Gauche/LFI) a rappelé pourtant, dans un entretien à L’Humanité, que « les moyens budgétaires ne manquent pas », citant notamment des fonds européens prévus pour investir dans des équipements de désalinisation de l’eau de mer qui n’ont « jamais été installés » par l’État français.
Car, contrairement au reste du pays, Mayotte est « la seule région française où ce n’est pas la région qui est l’autorité de gestion des fonds européens, mais l’État », a-t-il critiqué, alors que la Commission européenne vient tout juste d’annoncer qu’elle débloquerait des « fonds d’urgence » pour faire face à la situation actuelle.
Et Estelle Youssouffa de conclure : « Non seulement, ces fonds d’urgence – dont la mobilisation dépend donc de l’État – doivent permettre de distribuer de l’eau aux plus fragiles tout de suite, mais ils doivent aussi permettre de faire les réparations et les investissements nécessaires » que réclame tant Christophe Béchu.
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