Sébastien Lecornu fait une série de concessions aux départements
Par A.W.
Sébastien Lecornu ne s’est pas déplacé les mains vides, vendredi, devant « les collègues » des Départements de France, en clôture de leurs Assises qui se sont tenues à Albi. A un moment critique où plus de la moitié d’entre eux seraient dans le rouge financièrement, selon l’association qui estime à six milliards d'euros les dépenses nouvelles imposées par l'État depuis deux ans et demi, et à 8,5 milliards la baisse des recettes.
Désirant « parler avec le cœur » sans « lire de discours », le chef du gouvernement a fait le constat d'une situation inchangée pour les départements depuis une dizaine d’années, lorsqu'il venait d'être élu conseiller départemental.
Fonds de sauvegarde doublé
À certains égards, on pouvait d’ailleurs se demander qui du Premier ministre ou du conseiller départemental de l'Eure (et ex-président du département) tenait discours au pupitre, lorsque celui-ci a asséné : « Y’en a marre d’avoir des congrès de l’ADF [ancien sigle de Départements de France] dans lequel, au fond, les collègues ont le sentiment de demander l’aumône, de demander un geste, un coup de main, une rustine… »
Trouvant « triste » de voir que « plus la situation est difficile, plus les discours sont sucrés vis-à-vis des départements, […] plus les mots sont doux, moins les solutions arrivent », Sébastien Lecornu a promis « quelques ruptures », à commencer par « arrêter de bricoler et de prendre des mesures de courts termes ».
Toutefois, il a présenté quelques « mesures pressantes » dans le cadre du projet de budget pour 2026. En premier lieu, le dépôt d'un amendement du gouvernement pour multiplier le fonds de sauvegarde des départements « par deux ». Il passerait ainsi de 300 à 600 millions d'euros comme le réclament ces derniers, avec des critères qui « n'évolueront pas ».
« Pour l’année prochaine, cela évite tout défaut, et donc ce n'est qu'une mesure conservatoire et de transition », a précisé le Premier ministre.
Dilico révisé et part de CSG attribuée
Ensuite, il a demandé à revoir le dispositif de lissage conjoncturel des ressources fiscales des collectivités (Dilico) qui a déjà été supprimé par les députés en commission. Ce dispositif d’épargne forcée très critiqué par les collectivités connaît une « dérive » entre sa version 2025 et celle envisagée pour 2026 qui « n’est pas explicable », a-t-il reconnu.
« Par définition, il ne peut pas être demandé aux conseils départementaux qui sont dans la difficulté, c’est aussi simple que ça, a expliqué le chef de l’exécutif. Les ministres ont donc le mandat pour non seulement le plafonner dans son montant, [mais également] dans le nombre de conseils départementaux qui seront concernés ». Plus clairement et « de manière plus directe », ce sont « les conseils départementaux parmi les plus riches [qui] seront sûrement appelés à une contribution ».
Prévue pour être doublée par rapport à sa version actuelle, la ponction s’établirait en 2026 à 720 millions d’euros pour les communes, 500 millions d’euros pour les EPCI, 280 millions d’euros pour les départements et 500 millions d’euros pour les régions. En outre, les modalités du nouveau Dilico changent puisque les sommes prélevées aux collectivités seraient dorénavant reversées sur cinq ans et non plus sur trois, comme dans le Dilico de 2025. Mais surtout, les contributions ne seront reversées que si globalement, l’évolution des dépenses sont inférieures à celle du PIB.
Autre annonce sur les ressources, Sébastien Lecornu s'est dit également ouvert à ce que les départements bénéficient d'une part de contribution sociale généralisée (CSG). « Si l'on fait du conseil départemental la collectivité des solidarités, du médicosocial et […] du sanitaire, il est donc logique que les conseils départementaux perçoivent une part de CSG, c’est une évidence », a-t-il estimé. « Ce n’est plus seulement une mesure de compensation que l’on va chercher année après année en espérant qu’elle soit votée à l’Assemblée et au Sénat […], c’est enfin la grande clarification », selon lui.
Reste, toutefois, aux parlementaires d’adopter définitivement ces mesures annoncées par un Premier ministre sans majorité. Celui-ci a d’ailleurs prévenu que, « quoi qu'il arrive […] il faut qu'il y ait un budget voté à la fin de l'année ».
Vers une « allocation sociale unique »
Sébastien Lecornu a ainsi prévu que « c'est avec les conseils départementaux que l'on va tenter d'écrire le premier chapitre de la réforme de l'État et notamment de la grande clarification autour des questions sociales, médico-sociales et sanitaires ».
Dans ce cadre, il a annoncé qu’un projet de loi serait déposé en Conseil des ministres « en décembre » afin de créer une « allocation sociale unique ». Celle-ci permettrait de « rapprocher la prime d'activité, le RSA et un certain nombre d'aides au logement », a détaillé le chef du gouvernement, précisant vouloir créer un « vrai social.gouv.fr » sur le modèle du « succès » qu’a été « impôts.gouv.fr ».
Selon lui, cette « vraie réforme structurelle », promise de longue date par Emmanuel Macron, permettrait de rendre les prestations sociales plus lisibles. Mais ces contours encore flous font craindre à ses détracteurs qu'elle ne se fasse pas aux dépens des plus précaires et des plus vulnérables.
« C’est simplement du bon sens », a voulu rassurer le Premier ministre, en assurant qu'elle permettrait de faire uniquement des économies « de gestion » et « non pas sur les bénéficiaires, comme certains le souhaitent ». « Cela aura un mérite : le paiement au juste droit », Sébastien Lecornu faisant référence, d’un côté, aux « Français qui n’arrivent pas à ouvrir leurs droits » tout en pointant du doigt, de l’autre, la « fraude ».
Réforme des ARS et transfert de routes
Sur les compétences, Sébastien Lecornu a très brièvement évoqué la question du logement pour lequel « trop de monde a un rôle à jouer » en la matière, mais aussi celle des « réseaux » de fibre et d’électricité, bien qu’il faille « être très prudent dans la manière d’ouvrir ce [dernier] dossier ». Il a aussi ouvert la réflexion sur le transfert aux départements de la gestion des 10 000 km de routes nationales non concédées (les départements gérant 400 000 km de réseaux routiers).
Il s'est, par ailleurs, dit favorable à une « réforme profonde des agences régionales de santé ». « Comment peut-on expliquer que la planification des soins de proximité soit encore gérée par une agence régionale, là où les conseils départementaux […] peuvent le faire ? », s’est-il interrogé.
« Au moment où il faut faire France Santé sur la même logique que France Services (...), on voit bien que c'est la structure départementale qui pourra la mettre en œuvre et la planifier », a-t-il déclaré en souhaitant intégrer l'accès aux soins dans son avant-projet d'acte de décentralisation.
A quatre mois des municipales, les maires attendront également de Sébastien Lecornu qu’il lâche du lest à leur égard à l’occasion de leur 107e congrès qui démarre demain dans un contexte de contraintes budgétaires imposées aux communes.
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