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Édition du mercredi 9 octobre 2024
Santé publique

Une inquiétante hausse des agressions contre les médecins

L'Observatoire de la sécurité des médecins du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a publié un rapport annuel de la sécurité des médecins pour l'année 2023. Si ce phénomène n'est pas nouveau, il prend de l'ampleur dans un contexte d'aggravation de la désertification médicale.

Par Lucile Bonnin

Une enquête menée par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) et basée sur les déclarations d'incidents et d'agressions signalées aux conseils départementaux de l'Ordre, fait état de 1 581 cas en 2023, contre 1 244 en 2022.

Agressions verbales, menaces, violences physiques, bousculades, intrusions dans le cabinet : cette hausse significative des violences exercées à l’encontre des médecins est « particulièrement préoccupant[e] » , selon le Cnom, et révèle une augmentation de 27 % des actes de violence envers les médecins. 

Recrudescence de la violence 

Ce sont les médecins généralistes qui sont dans une plus large proportion victimes d’actes malveillants. En 2023, ils sont 64 % à avoir déclaré un incident. En 2022, ils étaient 71 %. 

Concernant le profil des victimes, en 2023 se sont 56 % de médecins femmes qui déclarent avoir connu des violences contre 44 % d’hommes. En mai dernier, le gouvernement avait d’ailleurs annoncé une série de mesures pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde hospitalier et dans tout le secteur de la santé. Un baromètre annuel des violences sexistes et sexuelles pour « mesurer l’ampleur du phénomène et suivre son évolution dans le temps ainsi que l’impact des mesures »  de prévention devait être créé. Reste à voir si ces annonces seront suivies par le nouveau gouvernement dont le Premier ministre a fait le choix de la santé mentale comme « grande cause nationale»  en 2025. 

Il faut souligner que dans 62 % des cas l’agresseurs est un patient. Dans 73 % des cas, les médecins sont victimes d’agressions verbales et de menaces, dans 8 % des cas le médecin est victime d’une agression physique. Le vandalisme est aussi une pratique courante depuis 2015 (7 % des cas) ainsi que les vols (8 % des déclarations). Les médecins se font dérober des ordonnances, le plus souvent, ou des tampons professionnels, des portefeuilles ou encore leur carte professionnelle. 

Rappelons que les déclarations ne sont pas obligatoires et que par conséquent, ces chiffres sont probablement sous-estimés. 

Milieu urbain et médecine de ville 

L’enquête fait apparaître des différences entre les lieux d’exercice des médecins déclarant avoir été victimes de ce type d’incident. 54 % de ces derniers se passent en milieu urbain et notamment en centre-ville. Le milieu urbain a toujours été celui où les incidents sont les plus nombreux et ce depuis 2003. Cependant, il faut souligner qu’en milieu urbain, il y a aussi davantage de médecins qu’en milieu rural. Selon l’Insee, on compte plus de 18 000 médecins dans la ville de Paris par exemple.

Dans le département de la Creuse, on en compte seulement un peu plus de 260. Ces résultats sont donc à analyser au regard de cette répartition inégale pour éviter de stigmatiser une population urbaine qui serait « plus violente »  que les ruraux. 

Les médecins exerçant en ruralité ne sont d’ailleurs pas épargnés par cette montée de la violence. Les incidents déclarés par les médecins ont eu lieu à 24 % dans un milieu rural. Il faut souligner que c’est 6 % de plus qu’en banlieue et que, il y a 20 ans, 15 % des incidents avaient lieu en milieu rural. 

L’enquête s’intéresse enfin au cadre dans lequel s’exerce le plus souvent ces violences. Dans la très grande majorité des cas (72 %), les incidents ont lieu dans le cadre d’un exercice de médecine de ville et un peu pus rarement dans le cadre d’une activité en établissement de soins (22 %). 

Désertification médicale 

Il est intéressant de mettre en perspective cette montée de la violence avec la désertification médicale pour plusieurs raisons.

D’abord, la désertification médicale peut alimenter cette violence à l’encontre des personnels soignants. Interrogé par l’INA, Jean-Jacques Avrane, délégué du CNOM à l’Observatoire national de la sécurité des médecins explique que « ces violences sont certainement dues à la difficulté, aujourd’hui, qu’il y a de trouver un médecin et d'avoir un retour par rapport aux demandes des patients. On ne peut pas le négliger, je pense que ça entre en ligne de compte. Là où ça augmente le plus, c’est en milieu rural. Des fois, il n’y a pas du tout de médecin, ça peut expliquer que quand un patient trouve un médecin y a peut-être une plus grande agressivité ».

Si l’on regarde le nombre de déclarations réalisées par département dénonçant ces violences, on peut percevoir en effet une forte augmentation en corrélation avec le manque de médecin dans le département. L’Aisne par exemple, qui est un département particulièrement sous-doté en médecins généralistes selon la Drees, enregistre une forte augmentation des déclarations de violences. En 2022 il y en avait eu 8, l'an dernier 24, soit le triple. 

Par ailleurs ces violences peuvent renforcer d’autant plus la crise liée au manque de médecins. En effet, l’enquête indique que dans 6 % des cas l’incident a entraîné une interruption du travail du médecin. Même si ce pourcentage peut paraître peu élevé, dans un contexte aussi tendu, cela compte. De plus, ces violences nuisent à l’attractivité du métier alors que 13,5 millions de Français résident toujours dans un désert médical.

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