Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 15 avril 2025
Santé publique

Réorganisation territoriale des soins : la Cour des comptes veut améliorer l'efficacité des dépenses d'assurance maladie

La Cour des comptes a publié hier une note concernant l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Afin de garantir un accès aux soins de qualité dans tous les territoires, les magistrats plaident notamment pour une réorganisation territoriale des parcours de soins pour certains petits hôpitaux publics.

Par Lucile Bonnin

« Dépenser à bon escient ; dépenser efficacement ; dépenser équitablement. »  C’est ce que défendent les magistrats de la rue Cambon, dans une note de synthèse publiée hier, analysant les économies qui devraient être réalisées sur l'Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). 

La Cour des comptes rappelle en effet que « les trois branches de la sécurité sociale (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, autonomie) qui financent les dépenses de l’Ondam connaissent des déficits annuels en forte augmentation », qui pourraient même atteindre 20,1 milliards d’euros en 2028. Ainsi, tout en gardant en ligne de mire l’objectif de qualité et de sécurité des soins, les magistrats plaident pour « une meilleure maîtrise des dépenses de l’Ondam »  identifiant plusieurs pistes pour y arriver. 

S’assurer que « les soins sont dispensés à bon escient » 

« Un ensemble de mesures d’économies est à préparer dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 », alertent les magistrats. Pour cela, comme elle le fait depuis plusieurs années, la Cour appelle à intensifier la lutte contre les fraudes et à « s’assurer, au vu des écarts entre départements, que les soins sont dispensés à bon escient et au meilleur coût ».

En effet, en France, « les pratiques médicales et les dépenses qui s’y attachent varient entre les départements et les régions »  et « certains types de dépenses comme les transports sanitaires sont en forte progression ». À partir de ce constat, les magistrats indiquent que certaines « dépenses atypiques »  pourraient être réduites. Par exemple, une « prise en charge anticipée et conforme aux bonnes pratiques en ville »  est à privilégier car elle aurait évité une hospitalisation (notamment pour les patients affectés d’une maladie chronique). Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 265 000 hospitalisations, soit 2,5 % des séjours de médecine en 2017, auraient pu être potentiellement évitées.

La Cour demande à ce que —comme la Cnam a commencé à le faire pour le diabète — une analyse détaillée soit menée sur « les causes de l’hétérogénéité des dépenses entre territoires »  avec les agences régionales de santé et les caisses primaires d’assurance maladie : « Ces efforts devraient permettre de ramener vers la moyenne nationale les dépenses standardisées de santé des départements où elles sont les plus élevées. » 

Les magistrats proposent aussi de « focaliser l’effort sur les dépenses en plus forte progression »  notamment les coûts du transport sanitaire qui représentaient 6 milliards d’euros en 2023, soit une augmentation de 6,5 % par an depuis 2019.

« Réformes d’efficience du système de soins » 

La Cour des comptes explique aussi qu’il est nécessaire de « restructurer les services hospitaliers qui ne présentent pas de garanties suffisantes de qualité et de sécurité des soins »  dans un contexte où les déclarations d’évènements indésirables graves sont en hausse de 13 % par rapport à 2023. Ces derniers génèrent « des surcoûts comme les désordres physiologiques ou les septicémies »  et pour les éviter, il faut durablement améliorer la qualité des soins dans le cadre des autorisations de soins et des projets régionaux de santé.

Il apparaît aussi d’un point de vue financier que certains petits hôpitaux publics sont en grande difficulté avec une activité des services de médecine et de chirurgie faible et un manque de personnels soignants qui pousse à recourir à des emplois temporaires coûteux. « Dans cette perspective, une réorganisation territoriale des parcours de soins passe par des solutions fondées sur des regroupements au sein des groupements hospitaliers de territoire » , indiquent les magistrats qui plaident au passage pour « une meilleure complémentarité entre les établissements de santé, les établissements et services médico-sociaux et l’hospitalisation à domicile ». 

Cette restructuration des services hospitaliers qui ne présentent pas de garanties suffisantes de qualité et de sécurité des soins pourrait permettre de faire des économies de 0,8 à 1,2 milliard d’euros. En pratique, cette révision de l’organisation de l’offre de soins a été proposée plusieurs fois par les magistrats mais fait grincer des dents dans les territoires. Les auteurs de la synthèse prennent l’exemple des critères de volume d'activité décidant de l'ouverture ou de la fermeture d'un service de maternité qui ne sont pas respectés dans une vingtaine de maternités aujourd'hui. Le Sénat a justement réalisé un rapport sur le sujet en septembre dernier (lire Maire info du 16 septembre) mettant en lumière ce besoin de restructurer l’offre de soins mais pas au détriment de l’accessibilité des structures au regard des contraintes territoriales : « Les contraintes propres à certains territoires de montagne ou insulaires par exemple, pour lesquels la distance peut révéler des temps de trajets particulièrement longs, doivent être analysées et prises en compte ».

Enfin, pour répondre aux enjeux du vieillissement de la population, la Cour des comptes veut miser sur la prévention : alors qu’aujourd’hui « l'organisation de la prévention de la perte d’autonomie reste dispersée et inégalitaire »  les magistrats préconisent de « construire une offre graduée de prévention de la perte d’autonomie en lien avec les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et les départements » . Les magistrats considèrent enfin que la relance du Plan antichute des personnes âgées de 2022 par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) est une piste d’économie intéressante dans la mesure où les chutes de personnes âgées « ont un coût de prise en charge estimé à 0,9 milliard d'euros dans l’année qui suit l’accident et causent plus de 10 000 décès par an ».

Au total, les magistrats ont formulé 15 propositions qui pourraient permettre de dégager entre 19,4 milliards et 21,4 milliards d’euros d’économies d’ici à 2029.

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