Plan anti-tabac : de nouveaux lieux concernés par l'interdiction à partir de 2024
Par Lucile Bonnin
« Franchir un nouveau cap contre le tabagisme » et « relever le défi d'une génération débarrassée du tabac dès 2032 » . C’est l’objectif fixé par le gouvernement à travers le déploiement d’un nouveau programme national de lutte contre le tabagisme (PNLT) pour 2023-2027.
Présenté mardi par le ministre de la santé Aurélien Rousseau, le plan s’appuie sur deux axes principaux : « Le renforcement de la fiscalité et les interdictions entourant le tabac. »
« Protéger les jeunes du tabagisme »
Afin de « poursuivre et amplifier les travaux menés ces 10 dernières années pour rendre le tabac moins attractif et moins abordable » , Aurélien Rousseau a d’abord annoncé deux nouvelles hausses du prix du paquet de cigarettes en 2025 (12 euros) puis 2027 (13 euros). Une hausse de 40 à 50 centimes du prix des paquets de cigarettes est attendue dès le 1er janvier prochain.
Pour le Comité national contre le tabagisme, cette mesure est décevante : « Si des hausses de taxes seront bien appliquées sur le tabac, elles resteront marginales et correspondent uniquement à l’indexation de la fiscalité sur les niveaux d’inflation et ne répondent aucunement à un objectif de santé publique ».
Autre annonce : le contrôle de l’interdiction de vente des produits du tabac et du vapotage sera également renforcé pour « protéger les mineurs ». Le paquet neutre pour tous les produits du vapotage sera également obligatoire comme pour ceux du tabac.
L'objectif d'interdiction de la vente des produits du vapotage jetables (puffs) a aussi été confirmée par le gouvernement. Les députés ont d’ailleurs examiné mardi soir en commission une proposition de loi transpartisane visant à interdire la puff. Le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée sur ce texte le 16 novembre dernier, cette interdiction pourrait être effective rapidement.
Élargissement des lieux non-fumeurs
Pour « lutter contre le tabagisme passif et contre les effets néfastes du tabac sur l’environnement » , le gouvernement prévoit de rendre davantage de lieux « non fumeurs » et ainsi de « généraliser les espaces sans tabac » . Il sera ainsi interdit de fumer sur les plages, dans tous les parcs publics, en forêt et aux abords « de certains lieux publics et principalement les établissements scolaires » .
Pour rappel, depuis 2007, l’interdiction de fumer s’étend à tous les lieux fermés et couverts accueillant du public, aux établissements de santé, aux transports en commun et à l’intérieur des écoles, collèges et lycées publics et privés.
Le ministre n’a pas donné davantage de détails sur la liste précise des zones concernées mais a précisé que le gouvernement laissait « la possibilité aux préfets, en lien avec les maires, d’adapter [l’interdiction] à certaines spécificités locales, mais en partant bien du principe que la règle est le sans tabac ».
Les communes précurseures
« Les espaces sans tabac – qui sont déjà plus de 7 200 à travers plus de 73 départements – sont avant tout le résultat d'un mouvement impulsé localement par les communes. Nous renversons aujourd'hui la responsabilité et fixons ce principe qui devient la règle, a indiqué le ministre. Je tiens à saluer l’engagement des maires qui ont déjà ouvert ce champ et c’est en m’appuyant sur cette dynamique que je souhaite en renforcer la logique. »
En effet de nombreuses communes n’ont pas attendu les annonces du gouvernement pour agir. À Strasbourg, plus de 120 espaces publics (aires de jeu, parcs, jardins) arborent des panneaux « espace sans tabac » . De nombreuses plages étaient aussi « sans tabac » pendant l’été, ou toute l’année, selon l’arrêté municipal pris par le maire. En Charente-Maritime par exemple, la ville de Royan a interdit en 2017 la consommation de tabac sur l’une de ses plages après avoir mené une expérimentation pendant plusieurs années. Même les petites communes se sont lancées dans cette initiative. Dans la Manche, la municipalité d'Agon-Coutainville (moins de 3 000 habitants) a par exemple décidé d'interdire de fumer sur 500 mètres de ses trois kilomètres de plage. Un espace sans tabac a également été arrêté dans la commune de La Douze (moins de 2 000 habitants), en Dorgogne, devant une école.
Les élus travaillent d’ailleurs main dans la main avec la Ligue contre le cancer présente dans tous les départements. La Ligue a lancé en effet en 2012 le label « Espace sans tabac » qui a pour vocation de proposer, en partenariat avec les collectivités territoriales, la mise en place d'espaces publics extérieurs sans tabac non soumis à l'interdiction de fumer dans les lieux publics. En 2022, 5 162 espaces sans tabac étaient labellisés dans 66 départements.
On peut imaginer que désormais ce label pourra s’appliquer à des espaces qui sont restés dans l’angle mort du gouvernement puisque désormais les espaces déjà labellisés comme les plages ou parcs seront, de fait, interdits à la cigarette.
Flou organisationnel
En vue de la généralisation des lieux sans tabac, le Comité national contre le tabagisme préconisait en mai dernier d’associer au maximum les élus locaux, « afin de faciliter la mise en œuvre et la bonne application de politiques territoriales de lutte contre le tabagisme, ou encore la mise en place de programmes expérimentaux » (lire Maire info du 3 mai).
Or pour le moment les détails d’application de ce nouveau zonage soulèvent des interrogations chez les élus, car si la lutte contre le tabagisme est une priorité pour les maires, il faut y allouer des moyens importants aussi bien humains que financiers (panneaux de signalisation, cendriers urbains extérieurs).
En tant que maire de Cannes – ville qui compte deux plages non fumeurs –, David Lisnard s'est montré sur X (Twitter) particulièrement sceptique face à cette annonce. « Qui va devoir faire appliquer ? L'État n'arrive déjà pas à sécuriser l'essentiel. Donc les maires ? »
C’est en effet une question essentielle qui se pose car s’il y a une interdiction, il y a la menace d’une sanction. Actuellement, le fait de fumer dans un lieu à usage collectif en dehors de l'emplacement réservé à cet effet est puni de l'amende pouvant aller jusqu'à 450 euros. Quels moyens seront mis à disposition des municipalités pour contrôler ces nouvelles interdictions ? La question de l’interdiction dans les forêts sera aussi à poser. Le contrôle devra-t-il être réalisé par les gardes champêtres, les gardes forestiers ? Certains éléments restent à éclaircir, alors que ces mesures seront appliquées par décret, au premier trimestre 2024.
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