Pandémie : la commission d'enquête du Sénat critique « l'état d'impréparation du pays »
Les « atermoiements » et « le manque d'ancitipation » dans la gestion des équipements individuels, la focalisation sur une pathologie (le covid) « au détriment des autres », le secteur médico-social « délaissé », « l'échec » de Stop Covid, une stratégie d'isolement « non assumée »... Les mots sont ciselés, le bilan cinglant. Ils résument le volumineux rapport (près de 450 pages) de la commission d'enquête du Sénat, « pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion ».
« Nous avons ressenti de la stupeur, beaucoup d’incompréhension et même de la colère devant l’état d’impréparation du pays » a résumé le président Alain Milon, sénateur du Vaucluse. Les sénateurs ont multiplié les auditions, avec en fil rouge ce « sentiment de blessure collective ». Sur la dizaine de grands chapitres du bilan, les trois rapporteurs insistent sur quelques-uns.
Retard, impréparation et aveuglement
C'est d'abord une « réaction tardive des responsables politiques », pointe la sénatrice du Jura, Sylvie Vermeillet. Le système de soins est manifestement mal préparé à l’endiguement de l’épidémie. Jusqu'en mars, ce qui domine c'est la « lenteur dans la transmission des informations ». S'enchaîne une série « d'à coups » jusqu'à « la décision d’un ministre qui choisit délibérement de concentrer les moyens - notamment les équipements de protection individuelle EPI – sur la seule filière hospitalière ». Tout cela provoque « l'embolisation des hôpitaux » et donc le premier confinement du 15 mars.
C'est alors l'épisode des masques. Un « fiasco », résume la sénatrice du Maine-et-Loire, Catherine Deroche. Elle épingle « les stocks non reconstitués », les « impératifs budgétaires » et la « peur d'en faire trop », la doctrine de la direction générale de la santé pariant sur « des stocks tournants » qui ont abouti à ce que la France aborde cette crise avec « des stocks quasi vides ». Le gouvernement « a sciemment dissimulé la pénurie de masques » . L'action des collectivités territoriales est, elle, en revanche largement saluée puisqu'elles « ont tenté de pallier les carences ».
Cette crise donne enfin à revoir notre système de santé publique. « Notre système de soins a été construit avec une certaine efficacité ces dernières années, mais notre système de santé publique est encore très balbutiant », synthétise Bernard Jomier, sénateur de Paris. La crise a particulièrement mis en exergue « l'hospitalocentrisme excessif », avec notamment « la mise à l’écart de la médecine de ville dans la première partie de crise », et « l'inattention au secteur médico social ». La conclusion est sans appel : « sept ans après la canicule 2003, de nouveau les EHPAD, les personnes âgées vivant seules ou les populations vulnérables n’ont pas obtenu la réponse qu’elles auraient dû avoir ». Les sénateurs s'étonnent aussi que « les instances de démocratie sanitaire » aient été « écartées », à l'instar des conférences nationales ou régionales de santé. Ils mettent en cause la « double tutelle » qui pèse sur ces établissements.
Quelques recommandations
Un « nouveau départ », c'est le sens des quelques recommandations faites par les sénateurs. L'enjeu est de pouvoir « mieux anticiper », et « améliorer le lien entre l'analyse scientifique et la décision politique ». Les sénateurs préconisent la création d'un poste de délégué interministériel aux urgences sanitaires pour introduire « plus d'horizontalité dans le pilotage ».
Au niveau régional, ils demandent le « renforcement » de l'échelon départemental des Agences régionales de santé, rejoignant en cela une demande des Maires de France. Répondant à Maire info, Cahterine Deroche précise : « Il n'est pas question d’augmenter le budget global mais que les ARS déploient des moyens humains et financiers sur ces délégations car ce qui a bien marché c’est quand le préfet de département prenait la main sur l’ARS et réagissait en relation avec les collectivités, la délégation départementale était alors le bon interlocuteur ».
Les maires adhèreront sans doute à la supplique des sénateurs d'avoir « une gestion plus proche du terrain, faire plus confiance aux élus locaux, aux soignants locaux, aux associations locales ». C'est également aux niveaux locaux (hôpitaux, praticiens…), que les sénateurs préconisent que les stocks d'EPI soient constitués, et leur qualité suivie et contrôlée.
Les maires se préparent à la vaccination
Les maires n'entendent d'ailleurs pas attendre que l’État leur fasse signe sur la campagne de vaccination. Échaudés, ils préfèrent prendre les devants. Comme l'explique Frédéric Chéreau, maire de Douai, co-président de la commission Santé de l'AMF, qui se réunissait hier. « L’expérience acquise va nous servir dans la phase de vaccination, nous avons appris à travailler avec les acteurs de santé, les hôpitaux, la médecine de ville et nous allons travailler ensemble à ce nouvel enjeu », notamment pour anticiper la logistique à mobiliser. « Notre message à l’État est simple » reprend l'élu, « ne nous donnez pas de cadre trop rigide pour nous organiser localement. Et donnez nous des infos le plus en amont possible. Cela ne sert à rien de recevoir un document écrit à la virgule près et relu par 40 personnes comme nous l'avons reçu deux jours avant la rentrée scolaire ».
Emmanuelle Stroesser
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