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Édition du mardi 28 mai 2024
Santé publique

Les Ehpad accueillant de « jeunes résidents » se concentrent davantage dans les communes défavorisées socialement

Une étude de la Drees montre que les établissements spécialisés dans l'accueil des résidents de moins de 75 ans restent rares. Ceux-ci ont, pourtant, moins de ressources que leurs aînés avec une « surreprésentation » de difficultés psychiques.

Par A.W.

« Les Ehpad installés dans les communes les plus défavorisées socialement ont davantage de jeunes résidents. »  C’est l’un des enseignements de la Direction, de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans un état des lieux qu’elle vient de publier sur le profil des 67 000 résidents âgés de moins de 75 ans hébergés en Ehpad, juste avant la crise sanitaire, et sur leur prise en charge en 2022.

Alors que 14 000 d’entre eux ont moins de 65 ans, l’autrice de l’étude montre, d’abord, que « plus les résidents sont jeunes, plus leurs profils diffèrent de leurs aînés » : il y a ainsi « davantage d’hommes, avec moins de ressources, une surreprésentation de difficultés psychiques et peu de maladies neurodégénératives », selon les données qu’elle a pu compiler.

Dans le détail, ils sont « plus souvent célibataires, sans revenus, sous protection juridique et avec davantage de limitations cognitives ».

De rares établissements spécialisés

Premier constat, les Ehpad spécialisés dans l’accueil des jeunes résidents restent encore « rares »  (bien que ceux-ci représentent 11 % des résidents), et sont le plus souvent consacrés aux personnes handicapées vieillissantes ayant une déficience intellectuelle. 

Alors que la France comptait 7 450 Ehpad fin 2022, « seulement 40 d’entre eux »  avaient ainsi au moins 60 % des résidents âgés de moins de 75 ans, soit l’équivalent de quelque « 2 100 jeunes résidents »  pris en charge dans ces établissements. Précisément, ce sont 40 % de ces établissements qui relèvent du privé non lucratif et autant du public.

En parallèle, la Drees estime que 280 établissements avaient une unité pour personnes handicapées âgées, c’est-à-dire « 60 de plus depuis 2015 ». Ces unités étant peu nombreuses, « seulement 10 % des jeunes résidents de moins de 65 ans sont pris en charge dans ces services spécialisés, 6 % des 65 à 69 ans et 3 % des 70 à 74 ans sont également dans ce cas », observe notamment l’autrice de l’étude.

Outre-mer et Hauts-de-France

Autre constat, la proportion de jeunes résidents en Ehpad varie grandement selon la localisation des établissements, les départements et régions d’outre-mer (DROM) et les Hauts-de-France en concentrant une part plus importante que la moyenne. 

« Fin 2022, 9 % des résidents ont moins de 75 ans dans les Pays-de-la-Loire, contre 25 % dans les départements et régions d’outre-mer, 16 % dans les départements des Hauts-de-France et 14 % en Corse », observe ainsi la Drees. 

Plus généralement en métropole, hormis la Haute-Vienne et la Haute-Corse, tous les départements comprenant plus de 14 % de résidents de moins de 75 ans se situaient, en 2022, dans le nord-est du pays : quatre dans les Hauts-de-France et le Grand-Est ainsi que deux en Île-de-France et en Bourgogne-Franche Comté.

À l’inverse, les régions Centre et Auvergne-Rhône-Alpes - ainsi que le littoral atlantique - possèdent le plus de départements où la proportion de jeunes résidents en Ehpad semble la plus réduite, souvent inférieure à 10 %. La proportion la plus faible se retrouve, cependant, dans les Yvelines avec 7,3 %.

Résultat, « les Ehpad installés dans les communes les plus défavorisées socialement (dont le revenu médian des habitants est faible) ont davantage de jeunes résidents, ce pour chaque catégorie »  d’établissement, constate la Drees. 

Elle relève, par exemple, que « 17 % des résidents des Ehpad publics hospitaliers situés dans le quart des communes avec le revenu médian le plus faible ont moins de 75 ans [alors qu’ils] ne sont que 13 % dans les communes avec le revenu médian le plus élevé ». Un écart similaire que l’on retrouve aussi pour les Ehpad publics non hospitaliers et les Ehpad privés à but lucratif ou non lucratif.

L'étude indique également qu’il y a « davantage de jeunes résidents dans les Ehpad lorsque la commune d’implantation de l’établissement comprend une proportion plus importante de jeunes seniors (moins de 75 ans) parmi les 60 ans ou plus ».

Prise en charge dans les Ehpad publics hospitaliers

Par ailleurs, leur prise en charge de ce public se fait « surtout dans les Ehpad publics hospitaliers et ceux habilités à l’aide sociale à l’hébergement (ASH) ».

« Comme les jeunes résidents ont généralement peu de ressources, ils sont plus fréquemment accueillis dans les établissements qui ont des places réservées à l’aide sociale à l’hébergement », explique l’autrice de l’étude, rappelant que « ces places sont moins chères que les autres places en Ehpad et le conseil départemental prend à sa charge une partie des frais d’hébergement quand les résidents ne peuvent pas payer leur hébergement ». 

Concrètement, « les établissements privés à but non lucratif sans habilitation à l’ASH comptent 6 % de résidents de moins de 75 ans et ceux qui sont totalement habilités en comptent 11 % ». Des différences qui, toutefois, sont « moins marquées »  au sein des établissements publics. Au total, 8 % des résidents des Ehpad privés à but lucratif ont moins de 75 ans, contre 15 % pour les publics hospitaliers.

L’étude retient également que les établissements spécialisés dans l’accueil de jeunes résidents disposent de « plus de personnels socio-éducatifs et moins d’agents de services hospitaliers ». En revanche, ceux « qui bénéficient d’une unité spécialisée pour personnes handicapées âgées disposent de plus d’équivalents temps plein (ETP) : plus d’ETP de personnel socio-éducatif là encore, mais aussi de services généraux (cuisiniers, agents de buanderie, jardiniers, etc.) et de personnel paramédical ».

Des Ehpad dans le rouge 

Alors que les Ehpad, dans leur ensemble, se retrouvent en grande difficulté financière (près de 85 % des Ehpad publics ont fini l’année 2023 dans le rouge, a alerté récemment la Fédération hospitalière de France), on peut rappeler que le gouvernement a décidé, fin avril, de débloquer 650 millions d'euros sur un montant prévu cette année de plus de 13 milliards d’euros, dont 190 millions consacrés spécifiquement aux établissements publics.

La ministre déléguée aux Personnes âgées, Fadila Khattabi, a ainsi annoncé une hausse de 5 % du « financement de l’État aux Ehpad publics »  et la « reprise en main »  de la partie dépendance pilotée par les départements visant à la « fusionner »  avec la section soins pour qu’elles soient « pilotées par les agences régionales de santé ».

Par ailleurs, la loi « Bien vieillir », qui a été promulguée le mois dernier, vient d’intégrer une série de mesures concernant directement les Ehpad.

Parmi les différentes dispositions, le texte prévoit ainsi que les personnes qui y sont prises en charge se voient reconnaître le droit de « recevoir, chaque jour, tout visiteur de leur choix », sans information préalable de l'établissement (sauf en cas de menaces particulières). « En fin de vie ou en soins palliatifs », c’est même un « droit absolu »  de recevoir une visite quotidienne qui a été instauré, même en cas de crise sanitaire.

Par ailleurs, « les Ehpad habilités à l’aide sociale pourront bénéficier d’une souplesse encadrée dans la fixation de leurs tarifs d'hébergement ».

Mais tout cela reste encore bien insuffisant pour certains maires qui attendent une véritable loi « Grand âge »  avec des financements à la hauteur des besoins liés au cinquième risque dépendance. 

Consulter l’étude de la Drees.
 

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