Maire-info
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Édition du jeudi 26 octobre 2023
Santé publique

La proposition de loi sur l'accès aux soins a été adoptée sans entrain au Sénat

La proposition de loi Valletoux visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a été adoptée hier au Sénat après plusieurs modifications du texte initial.

Par Lucile Bonnin

En deux jours de débat au Sénat, la proposition de loi portant sur l'amélioration de l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a fait l’objet de nombreuses réécritures. Alors que les élus et les citoyens attendent des réponses concrètes face au phénomène de plus en plus problématique que sont les déserts médicaux, des réponses fortes sont attendues dans les territoires.

Même si le texte de la proposition de loi du député Frédéric Valletoux – pour laquelle gouvernement a engagé la procédure accélérée en mai – a sensiblement évolué depuis la première lecture à l’Assemblée nationale, de nombreux sénateurs regrettent son « manque d’ambition » . La proposition de loi a tout de même été adoptée dans la soirée d’hier par 235 voix pour, 80 contre et 27 abstentions. 

De nombreux articles supprimés 

Mardi, une première révision du texte par les sénateurs a éliminé plus d’une dizaine de mesures du texte. Parmi elles, la suppression de l’article 3 qui prévoyait d’automatiser l'adhésion des professionnels de santé et centres de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Pour le Sénat, ce dispositif doit « demeurer entièrement facultatif ». L’article prévoyait pourtant une certaine souplesse puisque le professionnel de santé avait « la possibilité de s’en retirer volontairement à tout moment ». Dans l’amendement de suppression adopté, il est même précisé que « à ce jour, les CPTS n’ont pas fait la preuve de résultats depuis leur création en 2016 ». 

Un autre amendement a supprimé la mission nouvelle d'organisation et de mise en œuvre de la permanence des soins confiée aux Groupements hospitaliers de territoire (GHT). « Il apparaît que le partage de la charge de cette permanence des soins n’est pas équilibré et décourage les praticiens de l’hôpital public » , a déclaré Corinne Imbert, sénatrice de la Charente-Maritime, et rapporteure du texte, rappelant que l’Igas et la Cour des comptes ont appelé à un rééquilibrage en la matière. Ainsi, l’article 4 a été récrit en accord avec le gouvernement : les établissements de santé auront la responsabilité de s’organiser collectivement, les professionnels de santé peuvent contribuer volontairement à la mission de permanence des soins dans un autre établissement que le sien et en cas de carence, l’agence régionale de santé interviendra.

En séance, la sénatrice de la Haute-Garonne Émilienne Poumirol regrette la méthode pour la réécriture de cet article 4 qui résulte d’un « arrangement entre la présidente de la Commission et le ministre de la Santé »  et ce qui a mis les parlementaires devant le fait accompli.  

Amendements 

Plusieurs ajouts et modifications ont aussi été votés par le Sénat. Concernant les zonages relatifs aux territoires de sous-densité et de sur-densité médicales, un amendement rectificatif a été adopté pour une révision de ces derniers tous les deux ans et non tous les quatre ans comme c’est le cas actuellement. Le texte initial prévoyait une révision tous les ans. 

Nadia Sollogoub, sénatrice de la Nièvre et auteure de l’amendement, explique qu’il faut en effet « choisir une périodicité à la fois tenable et efficace. » Elle prend l’exemple du zonage dentaire de la Nièvre qui n'a pas été revu depuis des années : « Plusieurs dentistes sont partis et l'accès aux soins dentaires, par exemple sur le secteur de Cosne-sur-Loire, ou dans le Morvan, est devenu extrêmement problématique. Les élus font des efforts énormes pour les attirer, mais, faute d'être éligibles aux dispositifs d'aide optimum, certains secteurs voient au contraire la situation s'aggraver. Sollicitées sur ce sujet, les instances en charge de la révision ont pris acte des difficultés locales en cette année 2023, et s'engagent à mener à son terme une révision devenue urgente. Le terme de ces travaux est annoncé pour le courant de l'année 2025. On peut donc estimer que 2 ans est un délai raisonnable, et que les révisions devront ensuite se succéder de façon automatique au fil de l'eau » .

Les collectivités jouent évidemment un grand rôle dans la lutte contre la désertification médicale. « Les territoires connaissent nos seulement un manque de médecins généralistes mais aussi de spécialistes, aussi il serait cohérent de ne pas limiter la capacité des collectivités à se mobiliser pour fidéliser à leur territoire, de jeunes praticiens au moment de leurs études » . Deux amendements similaires (l’un du gouvernement, l’autre de la sénatrice Patricia Schillinger) ont donc été adoptés pour étendre les aides pouvant être accordées par les collectivités aux étudiants de médecine générale aux autres spécialités et aux étudiants de chirurgie dentaire.

Des mesures complémentaires ont été votées comme l’extension de l'expérimentation de la signature des certificats de décès par les infirmiers dans l’ensemble des régions ou encore l’interdiction d'intérim en début de carrière dans les établissements médico-sociaux d'enseignement.

L’article 1er a également été récrit afin de simplifier le fonctionnement des conseils territoriaux de santé. « La commission a aussi souhaité conserver au CTS une composition resserrée plutôt que pléthorique, centrée sur les acteurs du soin, en y ajoutant la participation des conseils des ordres professionnels ».

Avis mitigés 

Malgré tout, le texte ne semble satisfaire personne. À la tribune, la sénatrice de la Mayenne Élisabeth Doineau dénonce un texte « contre nos professionnels de santé »  qui est d’ailleurs imposé « à la veille des négociations conventionnelles »  ce qui est selon elle particulièrement « malvenu »  et qui ne serait qu’un « miroir aux alouettes »  pour les citoyens comparant les mesures qui constituent le texte voté hier à « des mirages ». 

Texte trop laxiste pour certains, texte insignifiant pour d’autres : le sénateur de l'Orne Olivier Bitz constate qu’ « il n’y a pas de révolution sur le sujet »  et que le texte « n’apporte pas toutes les réponses que l’on peut attendre »  ; la sénatrice de la Meurthe-et-Moselle Véronique Guillotin se réjouit en revanche de l’assouplissement des mesures coercitives du texte « qui auraient aggravé la situation des professionnels de santé »  déjà difficile. 

Cette nouvelle version du texte sera prochainement étudiée par la commission mixte paritaire afin de tenter de trouver un compromis entre députés et sénateurs. 
 

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