Déserts médicaux : la régulation de l'installation des médecins finalement de retour à l'Assemblée
Par Lucile Bonnin
C’est un match très serré qui se joue à travers cette proposition de loi transpartisane qui propose des solutions pour lutter contre les déserts médicaux. Partant du constat que la régulation de l'installation a été mise en place pour de nombreuses professions de santé et que la suppression du numerus clausus ne portera ses fruits que dans quelques années, le texte propose plusieurs mesures : supprimer la majoration des tarifs à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant, assurer une formation a minima de première année en études de médecine dans chaque département, rétablir l’obligation de permanence des soins, et surtout flécher l’installation des médecins dans les zones sous-dotées.
« À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles » , font valoir les quelques 254 députés signataires de la proposition de loi portée par Guillaume Garot (PS, Mayenne).
Mais comme à chaque fois que la possibilité de mettre en place une régulation plus stricte de l'installation des médecins est mise sur la table, des crispations se font entendre. Pour beaucoup, à l’instar du ministre de la Santé Yannick Neuder, toucher à la liberté d’installation des médecins entraînerait un risque de « perte d’attractivité de l’exercice médical » . Pour d’autres, comme l’auteur de cette proposition de loi, il est aujourd’hui indispensable d’avancer sur ce point : « Depuis une vingtaine d’années, on a empilé des politiques d’incitation à l’installation des médecins. Elles ont coûté très cher : chèques, aides fiscales, création de maisons de santé… À l’évidence, ce n’est pas suffisant. Les inégalités ne cessent de se creuser » , a-t-il confié dans un entretien à Ouest-France.
D’abord rejetée de peu en commission à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 27 mars), cet article 1er qui fait tant débat a finalement été rétabli dans l’hémicycle avec 155 voix pour et contre 85, et ce malgré l’opposition du gouvernement.
Devant le Conseil économique social et environnemental, le 1er avril, le Premier ministre s’est par ailleurs dit favorable à une « régulation » à l’installation des médecins et a annoncé le lancement d’un plan santé pour la fin du mois d’avril.
La régulation de l’installation de nouveau sur la table
« L’article 1er portant sur la régulation de l’installation des médecins a été rejeté à seulement trois voix, au sein d’une commission traditionnellement très défavorable à cette mesure. Les esprits avancent ! » C’est ce qu’observait le député de la Mayenne Yannick Favennec, interrogé au micro d’Ici Mayenne (ex-France bleu).
Finalement, après d’âpres discussions, cet article phare du texte a fait son grand retour. Pour rappel, cet article propose la création d’une « autorisation d’installation des médecins délivrée par l’ARS » (Agence régionale de santé). Le principe : dans les zones sous-dotées, l’autorisation serait délivrée « de droit ». Dans les zones où l’offre est suffisante, l’autorisation ne serait délivrée que « si l’installation fait suite à la cessation d’activité d’un praticien pratiquant la même spécialité sur ce territoire ». La liberté d’installation ne serait donc pas remise en cause mais serait aménagée.
« Chacun reconnaît que la situation est insupportable et que les inégalités sont de plus en plus fortes, a expliqué Gullaume Garot hier dans l’hémicycle. Cela fait trois que le groupe transpartisan travaille sans relâche sur cette idée, et nous avons laissé tout dogmatisme à la porte de nos réunions pour regarder les solutions efficaces. Nous avons fait le constat que ça fonctionnait pour les autres professions. Pourquoi s’empêcher de mettre en œuvre pour nos médecins ? » , a-t-il lancé aux députés avant de tenter de rassurer les plus réticents : « N’ayez pas peur ! »
Selon le rapporteur, un chercheur de l’Université de Lille a réalisé une projection concernant cette proposition de régulation de l’installation en faveur des zones sous-dotées. Ainsi, chaque année, ce dispositif permettrait à 600 000 patients de retrouver un médecin.
Une mesure en sursis
Les autres articles du texte vont être examinés par les députés le 6 et 7 mai prochains. Les discussions autour de l’article 4 visant à rétablir l’obligation de permanence des soins risquent aussi d’être tendues. Plusieurs amendements, portés notamment par des députés LR, proposent de supprimer cet article, considérant que « plutôt qu’une obligation rigide, il apparaît préférable de renforcer l’incitation au volontariat et d’adapter l’organisation des gardes aux réalités du terrain afin de garantir un service de soins efficace et soutenable. »
Une fois adoptée par les députés, la proposition de loi sera envoyée au Sénat. L’article 1er sera de nouveau menacé. Il est difficile de prédire quelle sera la position des sénateurs sur cette mesure pour réguler la liberté d’installation. Cependant, rappelons que l’année dernière, la Commission de l'aménagement et du développement durable du Sénat avait formulé la proposition suivante : « Toute nouvelle installation dans les zones les mieux dotées pourrait être conditionnée à un exercice partiel dans une zone sous-dotée. L’installation dans les zones où la démographie médicale est encore satisfaisante serait ainsi conditionnée à l’engagement d’effectuer des consultations dans un cabinet secondaire dans une zone sous-dotée. » (lire Maire info du 14 novembre 2024). Si l’article 1er adopté hier à l’Assemblée nationale va plus loin, il apparaît que le Sénat n’est pas totalement fermé à l’idée de toucher à l’intouchable liberté d’installation des médecins.
Une nouvelle proposition de loi a également été déposée au Sénat il y a quelques jours. Elle prévoit ainsi dans son article 3 que « l’installation d’un médecin généraliste dans une zone dans laquelle le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé au sens du 2° de l’article L. 1434-4 est préalablement autorisée par le directeur général de l’agence régionale de santé, après avis du conseil départemental de l’ordre des médecins ». « L’autorisation est conditionnée à un engagement du médecin généraliste à exercer à temps partiel dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° du même article L. 1434-4. »
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