Cinq ans après le covid-19, la situation des hôpitaux reste « préoccupante »
Par Franck Lemarc
La date n’a pas été choisie au hasard : c’est le 17 mars, cinq ans jour pour jour après le début du premier confinement dû à la pandémie de covid-19, que la Fédération hospitalière de France (FHF) publie son dernier baromètre. On y apprend que la « dette de santé publique » , conséquence de la pandémie, est toujours loin d’être résorbée.
3 millions de séjours non honorés
Cette notion de « dette de santé publique » a été popularisée par la FHF dans la foulée de l’épidémie : celle-ci, en saturant les hôpitaux, a conduit au report d’innombrables consultations, examens et opérations qui, dans le contexte de tension du système de santé y compris en temps « normal » , peinent à être rattrapés. Sur la période allant de 2019 à 2024, la FHF estime ce « sous-recours cumulé » à 3 millions de séjours, actes peu invasifs et actes de chirurgie.
C’est évidemment en 2020 que ce déficit s’est lourdement creusé : cette année-là, alors que 16 millions de séjours hospitaliers étaient prévus ou attendus, l’hôpital n’a pu en absorber que 13,8 millions. Ce n’est qu’à partir de 2023 que la tendance s’est inversée, avec un nombre de séjours plus important que « l’attendu » (surplus de 500 000 en 2024). Mais vu le déficit accumulé, il faudra encore plusieurs années pour le résorber.
Mais cette reprise cache des « disparités » importantes, note la FHF. Quatre activités sont toujours en déficit (au sens où les prises en charge effectuées sont inférieures aux prises en charge attendues) : la médecine digestive, la cardiologie, la médecine du système nerveux et la rhumatologie. Par ailleurs, la prise en charge des plus de 70 ans est toujours fortement déficitaire (de 11 % par exemple pour les 85-90 ans).
Si quelques activités (orthopédie, ophtalmologie ou urologie) ont entièrement rattrapé leur retard, plusieurs autres, notamment dans le domaine de la chirurgie, accusent un retard qui n’a toujours pas été rattrapé. Par exemple, même si le niveau des greffes est revenu à la normale, « les greffes n’ayant pas été faites entre 2020 et 2023 n’ont pas été rattrapées ».
2,8 milliards d’euros de déficit
La FHF, qui demande depuis la fin de la pandémie un soutien plus important de l’État à toutes les activités en sous-recours, ne se montre pas rassurée aujourd’hui. Elle rappelle que le déficit des hôpitaux publics va « encore s’alourdir en 2024 pour atteindre 2,8 milliards d’euros » . La hausse massive des cotisations retraites pour les employeurs (CNRACL) ne touche pas que les collectivités mais également la fonction publique hospitalière ; et la progression des dépenses de santé actée dans la loi de financement de la Sécurité sociale (+ 2,9 %) « ne suffira pas à soutenir l’évolution des charges » , c’est-à-dire l’inflation et le coût des mesures salariales du Ségur.
Et ce, alors que des dépenses indispensables doivent être menées par les établissements, pour recruter du personnel et pour investir – la FHF rappelle que près de 60 % des établissements publics de santé sont vétustes.
Cette situation, alors que le vieillissement de la population « suppose de renforcer l’offre de manière urgente », est jugée particulièrement « préoccupante » par la fédération. D’autant plus que les Ehpad connaissent également d’importantes difficultés.
Fermetures de lits
La situation des hôpitaux s’est, pourtant, un peu améliorée en 2024 : alors que l’année précédente, 7 % des capacités d’hospitalisation en médecine, chirurgie et obstrétrique (MCO) étaient fermées – en général pour cause d’effectifs insuffisants –, ce taux est passé à 5,7 % en 2024. Mais la situation reste excessivement tendue : les trois quarts des établissements interrogés par la FHF ont fermé au moins un lit en 2024. Et 37 % des hôpitaux se sont déclarés « en tension » l’an dernier. Certes, la fédération anticipe une amélioration de la situation en 2025, avec de probables réouvertures de lits, mais cela restera insuffisant, et « l’hôpital public n’a pas vocation à fonctionner perpétuellement sur des modes d’organisation exceptionnels », souligne la FHF.
Renoncement aux soins
Autre enseignement de cette enquête : les craintes exprimées par les patients eux-mêmes. Selon un sondage réalisé par la FHF, « 92 % des Français considèrent l’hôpital en danger » et 89 % d’entre eux se disent « en colère » face au manque de moyens et aux conditions de travail du personnel. Les trois quarts des personnes sondées « craignent de ne pas pouvoir accéder à des soins de qualité en cas de besoin urgent ».
Selon la même enquête, plus de deux tiers des personnes interrogées « déclarent avoir renoncé à au moins un acte de soin ces cinq dernières années », que ce soit du fait du temps d’attente pour obtenir un rendez-vous, de l’éloignement ou de difficultés financières.
La FHF, une fois encore, demande donc à l’État d’amplifier son soutien à l’hôpital public, sous peine d’aboutir à une situation qui pourrait être « plus dégradée qu’à la veille du covid-19, vu l’aggravation des finances hospitalières ». « Alors que les voyants sont au rouge sur le plan budgétaire » , conclut Arnaud Robinet, maire de Reims et président de la FHF, « il est urgent de mettre en place une logique de programmation pour se donner les moyens de construire une politique de santé soutenable sur le long terme ».
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2