Maire-info
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Édition du jeudi 11 septembre 2025
Santé publique

Aliments ultra transformés : la gangrène alimentaire qui menace la santé des enfants

Pour la première fois, la prévalence mondiale de l'obésité chez les enfants et les adolescents de 5 à 19 ans a dépassé celle de la sous-nutrition, alerte l'Unicef dans un nouveau rapport. En cause : la nocivité des aliments ultra transformés mais aussi la surexposition des jeunes au marketing de ces produits.

Par Lucile Bonnin

Une génération mise en danger par la consommation de boissons sucrées, d’aliments trop gras, sucrés, salés et ultra transformés. C’est le portrait que dresse le dernier rapport de l’Unicef qui montre que l’obésité est devenue la première forme de malnutrition chez les 5-19 ans dans le monde, devant la sous-nutrition (à l’exception de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie du Sud).

« En France, chez les enfants âgés de 5 à 19 ans, 16,7 % (soit 1,9 million) présentent un surpoids et, parmi eux, 4 % souffrent d’obésité », détaille le rapport qui, au-delà de dresser cet état des lieux inquiétant, analyse comment l’alimentation des enfants n’est désormais plus simplement façonnée par des choix personnels mais s’inscrit dans un système plus global et insidieux. 

Le poids des environnements alimentaires « malsains » 

« Les aliments ultra transformés remplacent de plus en plus les fruits, les légumes et les protéines à une période de la vie de l’enfant où la nutrition joue un rôle de premier plan dans la croissance, le développement cognitif et la santé mentale », explique Catherine Russell, directrice générale de l’Unicef.

Depuis 2000, le nombre d’enfants et d’adolescents âgés de 5 à 19 ans en surpoids est passé de de 194 millions à 391 millions. Contrairement aux idées reçues, l’obésité et le surpoids ne sont pas l’apanage des pays les plus riches. Selon l’agence de l’ONU, il paraît clair que plus les pays accèdent au statut de pays à revenu intermédiaire, plus « les boissons et aliments ultra transformés deviennent plus largement disponibles et plus abordables, ce qui contribue à augmenter la prévalence du surpoids chez les enfants, quel que soit le niveau de revenu du ménage ».

Face à ce constat inquiétant, les auteurs du rapport dénoncent une industrie qui, « dans sa quête de profits », « tire parti de ses ressources financières et de son influence politique considérables pour s’opposer aux politiques visant à créer des environnements alimentaires plus sains et plus équitables ».

Cet argument fait écho à une autre enquête publiée ce jour par le magazine 60 millions de consommateurs. Sur 43 produits alimentaires à destination des enfants dont plusieurs sont destinés aux nourrissons, 80 % sont ultra transformés. Bien souvent, ces produits sont pourtant « dotés de visuels rassurants (épi de blé, ourson…) »   et « donnent l’illusion d’être sains ». Par exemple, les « Blédidej céréales (dès 6 mois) »  contiennent pas moins de sept ingrédients typiques de l’ultra transformation. Problème : une étude de l'Institut national de santé américain a montré qu'un régime composé d'aliments ultra transformés entraîne une consommation de 500 calories de plus par jour en moyenne. Si la surconsommation bénéficie aux industriels, elle fait peser un risque sur la santé des enfants et ce dès le berceau. 

Le marketing comme catalyseur 

En plus de cette surexposition à une nourriture de qualité médiocre, notamment dans les grandes surfaces, les enfants et adolescents sont exposés au marketing de ces aliments ultra transformés. Si les enfants des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure sont les plus exposés aux publicités pour des boissons sucrées ou de la restauration rapide par exemple (90 %), « les niveaux d’exposition sont également inacceptables dans les pays à revenu faible (65 %) et même dans les pays touchés par un conflit (68 %) », estime l’Unicef.

Le marketing numérique apparaît d’autant plus comme une arme redoutable car « l’industrie des produits alimentaires et des boissons dispose d’un pouvoir de ciblage des jeunes sans précédent ». Publicités personnalisée, interactives, attrayantes, omniprésentes : le marketing numérique « brouille les frontières entre le contenu et la publicité pour des produits alimentaires, estiment les auteurs ; il est mal réglementé et largement invisible aux yeux des parents et des décideurs ». 

Sur TikTok par exemple, réseau social plébiscité par les jeunes, la publicité pour la nourriture passe par des collaborations avec des influenceurs qui font des dégustations. TikTok permet aussi des « filtres »  (animations visuelles qui s'ajoutent aux vidéos) faisant la publicité pour des produits ultra transformés, proposés par exemple par la marque de chips Doritos ou encore la chaîne de restauration rapide Chipotle. 

L’Unicef avoue sans détour que de nombreux pays sont pieds et poings liés face au pouvoir de l’industrie alimentaire : 70 % des responsables gouvernementaux et des représentants de la société civile considèrent son influence comme un obstacle majeur à la mise en place de contrôles gouvernementaux sur le marketing alimentaire.

Sortir de la malbouffe 

Des recommandations sont néanmoins formulées par l’agence de l’Onu pour tenter d’inverser cette tendance inquiétante. L’Unicef appelle les « gouvernements, la société civile et les partenaires »  à imposer des politiques complètes régissant notamment l’étiquetage des produits alimentaires ou encore les restrictions en matière de marketing alimentaire. Elle encourage aussi d’interdire la distribution ou la vente d’aliments ultra transformés et néfastes pour la santé ainsi que le marketing et le parrainage alimentaires dans les écoles. L’Unicef insiste aussi sur l’urgence de lutter contre toute ingérence de l’industrie des aliments ultra transformés.

En France, plusieurs politiques publiques se sont attaquées au sujet avec par exemple la stratégie nationale sport santé qui vise à lutter contre la sédentarité, le lancement récent des chantiers « Agriculture »  et « Alimentation »  qui déclinent la thématique « Mieux se nourrir »  de la Planification écologique, ou encore l’adoption de la loi Egalim qui impose aux services de restauration collective de proposer 50 % de produits dits de qualité et durables, dont 20 % de produits bios. 

Au niveau local, les collectivités, et notamment les communes, s'engagent de plus en plus à transformer leurs territoires par l'alimentation (lire Maire info du 6 février). Le bio est de plus en plus présent dans les cantines et, selon l’association Un Plus Bio, les collectivités territoriales s’emploient à relocaliser leurs approvisionnements en fonction des ressources disponibles sur leurs territoires. Une dynamique encourageante qui s’ajoute aux liens qu’entretiennent de plus en plus étroitement les collectivités avec le monde agricole.

Consulter le rapport de l'Unicef. 

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