Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 16 juillet 2021
Santé publique

Santé : la non-publication d'un décret empêche l'implantation de pharmacies dans les communes de moins de 2500 habitants

Lorsque le décret sera paru, les directeurs des ARS pourront fixer par arrêté la liste des territoires concernés dans leur région, sur lesquels pourront être prises « des mesures destinées à favoriser ou maintenir une offre pharmaceutique ». La situation devrait rester insoluble au moins jusqu'en 2022.

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Trois ans et demi après la publication d’une ordonnance censée assouplir les règles d’implantation des pharmacies dans les territoires ruraux*, aucune croix verte ne scintille encore dans les rues de la commune de Vézac (Cantal). Le sénateur Bernard Delcros (Cantal, Union centriste) a relayé, hier lors de la séance des questions au gouvernement, l’incompréhension de l’exécutif communal lorsque ce dernier a appris que « l’autorisation d’ouverture d’une officine lui a été refusée ». Ce, alors même « qu'un pharmacien est prêt à rejoindre »  le pôle santé de la commune.

« Ce petit bourg [de presque 1200 habitants] a su mettre en œuvre, avec efficacité, une politique de développement qui porte ses fruits et il veut compléter son offre de services en créant un pôle santé. Il a déjà réussi à installer un cabinet d'infirmiers, de kinésithérapeutes et des discussions sont en cours en vue de l'installation d'un médecin », décrit le sénateur.

Comme le maire, Bernard Delcros s’est enquis du motif de ce refus auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes. « Dans sa réponse, cette dernière motive son refus par la non-parution du décret d'application de l'ordonnance »  du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie. « Comment peut-on empêcher des professionnels de santé de s'installer dans des territoires ruraux, alors même que ces territoires doivent relever le défi de leur attractivité et d'une offre de soins qui s'est considérablement dégradée ? », s’indigne le sénateur.

Des mesures spécifiques aux territoires ruraux qui se font attendre

Dans l’ordonnance en question, le gouvernement estime qu’une commune doit compter plus de 2 500 habitants pour bénéficier d’une autorisation, sauf dans quatre départements, la Guyane, la Moselle, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin, où le seuil est fixé à 3 500 habitants. Dans les communes de plus de 2 500 habitants où existe déjà une officine, une autorisation supplémentaire peut être accordée à chaque tranche supplémentaire de 4 500 habitants dans la commune (lire Maire info du 8 janvier 2018). 

Certes, Vézac n’entre pas dans le champ de l’application de ces deux premières dispositions. Mais l’ordonnance a établi aussi des mesures spécifiques à certains territoires, notamment les territoires ruraux, pour y préserver le réseau de pharmacies. Les territoires en question sont ceux « au sein desquels l'accès au médicament pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante », est-il écrit sans autre précision dans l’ordonnance. Leurs caractéristiques (« démographiques, sanitaires et sociales » ) devaient être définies « ultérieurement par décret ». C’est ce décret d’application qui manque aujourd’hui à l’appel. 

En effet, lorsque le décret sera paru, les directeurs des ARS pourront fixer par arrêté la liste des territoires concernés dans leur région, sur lesquels pourront être prises « des mesures destinées à favoriser ou maintenir une offre pharmaceutique ». Le directeur de l’ARS pourra ainsi dresser « la liste des communes contiguës dépourvues d’officine, dont une recense au moins 2000 habitants », de façon à ce que le total de la population de ces communes atteigne le seuil des 2 500 habitants requis pour l'ouverture d'une officine. L’ordonnance ouvre par ailleurs, dans ces territoires toujours, la possibilité de créer une officine sans condition de seuil de population « auprès d'un centre commercial, d'une maison de santé ou d'un centre de santé ».

Débat sur le choix d’un seuil de 2000 habitants

Pour Bernard Delcros, la première question était donc toute trouvée : « Quand paraîtra »  ce décret ? Dans sa réponse, Brigitte Bourguignon s’est bien gardée de communiquer une date précise : « L'évolution de la situation sanitaire devrait permettre de finaliser ces travaux réglementaires dans le courant de l'année 2022 [et donc vraisemblablement après les élections présidentielle et législatives, ndlr] avec l'ensemble des acteurs mobilisés », s’est contentée d’indiquer la ministre déléguée chargée de l’Autonomie après avoir justifié le choix d’un seuil de 2 000 habitants pour au moins l’une des communes. Ce seuil empêche là encore la commune de Vézac d’accueillir une pharmacie.

Ce seuil « a pour objectif d'assurer une offre pharmaceutique qui, d'une part, réponde aux besoins d'une population, et, d'autre part, garantisse les conditions de survie économique de l'officine sur ce territoire. D'ores et déjà, une première version de la méthodologie de zonage a été partagée et testée auprès de quatre ARS, a fait savoir la ministre. La méthodologie nationale envisagée tient compte du rapport IGAS-IGF de 2016, confirmé par un rapport de la Cour des comptes, qui ont constaté un maillage officinal satisfaisant, avec 97 % de la population vivant à moins de dix minutes en voiture d'une officine et 99,5 % à moins de quinze minutes ».

« La réalité nous impose de déroger à la règle des 2 000 habitants, lui a rétorqué Bernard Delcros. Mon département compte aujourd'hui 25 pharmacies installées dans de petits bourgs ruraux et apportant une offre de services à un bassin de vie composé de 10 à 15 communes rurales autour de ce bourg-centre. Ces pharmacies sont installées dans des communes de moins de 2 000 habitants, voire, pour certaines d'entre elles, de moins de 1 000 habitants. Elles ont fait la démonstration de leur utilité et de leur viabilité économique. Avec les critères en vigueur aujourd'hui, ces pharmacies seraient interdites d'installation. » 

3 500 communes seraient dans cette même configuration, selon Philippe Besset, président de la Fédération des pharmacies d’officine (FSPF), qui alertait de concert avec l’AMF en février 2020, sur le danger de voir disparaître les pharmacies dans les plus petites communes (lire Maire info du 7 février 2020).

*Télécharger l’ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie.

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