Déserts médicaux et situation critique dans les hôpitaux : les élus réagissent
Par Lucile Bonnin
Le sujet des déserts médicaux a, une nouvelle fois, fait l’objet de plusieurs questions au gouvernement mardi dernier à l’Assemblée nationale. Nombreux encore sont les élus qui alertent sur cette problématique qui est loin d’être réglée et qui inquiète de plus en plus notamment parce qu’elle touche aussi l’organisation des soins hospitaliers, mettant ainsi en péril le parcours de santé des Français en général.
C’est le député mayennais Yannick Favennec-Bécot qui a interpellé le gouvernement cette semaine à ce sujet. Il rappelle la gravité de la situation : « 8 millions de nos compatriotes vivent dans un désert médical à la ville comme à la campagne » et plaide pour « éviter la mort programmée de l’hôpital public dans toute la France ».
Guillaume Chiche, député des Deux-Sèvres, partage ces inquiétudes et redoute particulièrement l’avenir pour les territoires ruraux et péri-urbains. Les chiffres sont, selon lui, plus que préoccupants puisque « plus de 70 % des Français renoncent à des soins par impossibilité d’accéder à un professionnel de santé. »
Une grande dépression du système sanitaire est pointée du doigt par les élus locaux qui – plus encore depuis l’arrivée du covid-19 – ont plus que jamais cette volonté de s’impliquer dans ces thématiques de santé.
Une double problématique sanitaire
Dans le cadre d’une commission d’enquête sénatoriale sur l’hôpital, des associations d’élus ont été auditionnées mardi 18 janvier. L’AMF était représentée par Frédéric Chéreau, maire de Douai et coprésident de la commission santé de l’association.
L’élu a commencé par dresser deux constats corrélés : la désertification médicale est indéniable et les services d’urgence des hôpitaux explosent. Il explique alors que le manque de médecin fait que « le recours aux urgences explose ».
« Dans mon hôpital, les urgences ont été conçues au début de ce siècle pour pouvoir accueillir 40 000 entrées annuelles, ce qui paraissait large à une époque où elles en totalisaient 24 000. Mais la permanence des soins en ville était alors assurée, raconte le maire. Aujourd'hui, nous comptons 70 000 entrées annuelles aux urgences, dont, en réalité, 70 % ne font l'objet d'aucune hospitalisation dans les services, tandis que 90 % sont hors régulation. Il existe aujourd'hui en France une vraie préoccupation autour de la permanence des soins, organisée en dépit du bon sens, avec une solution qui coûte cher et qui est stressante pour les soignants et pour les patients. »
Le constat est sans appel pour l’élu : le pays a besoin d’un système de santé fondé avant tout sur le principe du maintien en bonne santé. Frédéric Chéreau précise que l’objectif est de repenser le système de santé sur une approche globale : « Il s'agira de mettre davantage l'accent sur la prévention et sur l'éducation à la santé, plutôt que d'investir toujours davantage d'argent dans les urgences, les soins lourds, l'hôpital. Certes, des moyens sont nécessaires pour les hôpitaux. Ils sont néanmoins nécessaires en repensant le système. »
Une gouvernance « au plus près du terrain »
Concrètement, l’AMF propose, pour répondre à ces problématiques, que la gouvernance soit repensée au niveau local et notamment « autour du maire, qui a la main sur les déterminants de santé non sanitaires » et « peut souvent assumer un rôle de catalyseur entre la médecine de ville et la médecine hospitalière. »
Ce thème est devenu une revendication permanente des associations d’élus depuis que les maires ont perdu leur rôle de président au sein des conseils d’administrations des hôpitaux, devenus de simples conseils de surveillance, sans aucun pouvoir financier. Lors de son discours de clôture du 103eme Congrès des maires, le président de l’association, David Lisnard, a d’ailleurs répété cette revendication.
Frédéric Chéreau insiste sur le fait qu’il est nécessaire de trouver « un outil » pour organiser cette gouvernance locale. Il précise que cette « gouvernance doit probablement croiser l'hôpital et la médecine de ville au même endroit, en présence des élus locaux et des maires. Elle doit également croiser le sanitaire et le social. » Et de rappeler que les maires « occupent un strapontin dans les GHT » (groupements hospitaliers de territoire) et que, donc, le conseil des élus du GHT pourrait être ouvert à la médecine de ville et au secteur sanitaire et social. Mais le conseil des élus d'un GHT n'étant pas un lieu décisionnel, il faut, pour l’AMF, créer un lieu adéquat.
Rendre la permanence des soins à la ville
La logique est la suivante : il faut une meilleure organisation de la permanence pour permettre aux citoyens d’avoir une continuité dans leurs suivis médicaux. Ainsi, un autre point a été abordé lors de cette audition autour de la situation hospitalière en France : rendre la permanence des soins à la ville. « L'AMF est unanime sur les moyens à donner à la ville. Elle l'est moins sur les contraintes fixées à la médecine de ville. La question est néanmoins à se poser, tout comme la question de s'appuyer davantage sur les infirmiers et infirmières, (…) qui peuvent peut-être suppléer les médecins sur quelques tâches. »
La question du nombre de médecins généralistes dans les territoires est incontournable lorsque l’on parle de continuité en matière de soins. Pour Frédéric Chéreau, une chose est certaine : malgré la suppression du numerus clausus, il y aura des pénuries de médecins généralistes « encore pendant au moins 5 à 10 ans » . Si le représentant de l’AMF insiste sur le fait qu’il faille « encourager les internes à sortir du cadre hospitalier universitaire » , d’autres, comme le député Guillaume Chiche, plaident pour supprimer la libre installation des médecins. Il a d’ailleurs déposé une proposition de loi à ce sujet récemment.
Financements et participation des collectivités
L’association propose aussi de « revoir le financement de l'hôpital en sortant au moins en partie de la tarification à l'activité (T2A) » , - issue de la réforme hospitalière du plan Hôpital 2007. Selon l’AMF, elle « favorise une course à l'activité et parfois une activité auto suscitée. Les financements, en l'occurrence, seraient liés aux indicateurs de santé du territoire, avec la possibilité de garder le bénéfice de certaines économies comme celles liée à la réduction de l'activité hospitalière, notamment le moindre recours aux urgences. »
Enfin, Frédéric Chéreau rappelle que l’AMF est favorable à ce que les collectivités participent aux investissements hospitaliers à condition que cela se traduise par un transfert de compétences compensé financièrement.
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