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Édition du jeudi 16 mai 2024
Santé publique

Santé mentale : une hausse inquiétante des hospitalisations chez les jeunes femmes

Depuis fin 2020, la santé mentale des jeunes femmes s'est fortement dégradée. C'est ce que montre une étude de la Drees publiée ce jour en collaboration avec Santé publique France. Les habitantes des communes les moins favorisées sont surreprésentées dans les effectifs de patients hospitalisés pour « geste auto-infligé ».

Par Lucile Bonnin

« En psychiatrie, le taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé de la patientèle féminine âgée de 10 à 19 ans double entre 2012 et 2020 puis double de nouveau entre 2020 et 2022 », indique la Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) dans le communiqué de sa nouvelle étude. Cette dernière porte sur les hospitalisations en lien avec un geste auto-infligé, c’est-à-dire une tentative de suicide ou une automutilation non suicidaire (scarifications, brûlures, coups contre un mur, etc.).

Hausse inquiétante des hospitalisations depuis 2020 

Les résultats pointent « une progression inédite »  des hospitalisations pour suicide ou automutilation chez les adolescentes et les jeunes femmes en 2021 et 2022. La situation est inquiétante. Concrètement, les taux d’hospitalisation dans services de médecine et chirurgie et dans ceux de psychiatrie augmentent drastiquement à partir de 2021. 

Uniquement sur l’année 2022, près de 85 000 personnes ont été hospitalisées au moins une fois, en médecine et chirurgie ou en psychiatrie, en lien avec un geste auto-infligé. 64 % de ces personnes étaient de sexe féminin. 

« Concernant les taux d’hospitalisation en médecine-chirurgie, comparé à la période 2010-2019, leur moyenne en 2021-2022 progresse ainsi de 71 % chez les filles de 10-14 ans, 44 % pour les 15-19 ans et 21 % chez les 20-24 ans, peut-on lire dans l’étude. La progression observée des taux d’hospitalisation en psychiatrie est encore plus importante : + 246 % pour les 10-14 ans, + 163 % pour les 15-19 ans et + 106 % pour les 20-24 ans. » 

L’étude précise que les adolescentes et les jeunes femmes sont le plus souvent hospitalisées pour « des intoxications médicamenteuses volontaires, qui représentent les deux tiers de leurs hospitalisations » , des lésions infligées par un objet tranchant ou encore des gestes plus violents (pendaisons, sauts d’une hauteur etc.). 

Contexte social et territorial 

Les différents territoires de résidence des patientes, ruraux, urbains ou banlieue, favorisés ou défavorisés, sont tous concernés par cette hausse inquiétante d’hospitalisation qui alerte sur la santé mentale des jeunes femmes. « L’augmentation observée est toutefois plus marquée parmi les patientes résidant dans les communes les plus favorisées, bien que celles-ci restent moins représentées que celles des jeunes habitantes des communes les plus défavorisées », peut-on lire dans l’étude.

Ainsi, les hospitalisations pour geste auto-infligé sont plus fréquentes dans les communes défavorisées : « Selon les classes d’âge, les 20 % des habitants résidant dans les communes les plus défavorisées sont 1,2 à 2,2 fois plus nombreux à avoir été hospitalisés pour geste auto-infligé que les 20 % résidant dans les communes les plus favorisées. » 

Les auteurs précisent qu’un récent travail réalisé dans le cadre de l’Observatoire national du suicide a également « identifié des variations beaucoup plus importantes du taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé selon le niveau de vie mesuré au niveau individuel » . Concrètement, « au cours de la période 2015-2017, le taux d’hospitalisations pour ce type de geste était globalement trois fois supérieur parmi les 25 % des personnes les plus défavorisées financièrement que chez les 25 % les plus aisées ». 

De fortes variations régionales entre les taux d’hospitalisation pour geste auto-infligé existent également. Par exemple, les Hauts-de-France, la Bretagne et la Bourgogne Franche-Comté ont des taux d’hospitalisation « bien supérieurs à la moyenne nationale qui est de 113 pour 100 000 habitants, à l’inverse des départements d’Outre-Mer et d’Île de France qui présentent des taux inférieurs ». Ces différences peuvent s’expliquer par « la diversité territoriale des rapports culturels au geste suicidaire – fortement influencé notamment par la religiosité, les structures familiales, l’emploi ou encore l’accès aux soins psychologiques ». 

Les jeunes femmes davantage touchées 

Cette envolée des hospitalisations pour tentatives de suicide ou automutilations chez les jeunes femmes ne concerne pas les adultes de plus de trente ans ni les garçons ou les jeunes hommes. La tendance est plutôt stable pour les jeunes hommes : « de 10 à 24 ans, la stabilité sur 16 ans des taux à des niveaux bien en deçà de ceux des jeunes filles ». 

L’étude soulève par conséquent l’existence « d’expressions différenciées de la souffrance psychique »  entre les jeunes femmes et les jeunes hommes. Comment l’expliquer ? D’abord, « les enquêtes épidémiologiques montrent que la hausse des syndromes dépressifs chez les 15-24 ans entre 2014 et 2021 a beaucoup plus concerné les femmes que les hommes » . Ensuite, « les différences d’expression du mal-être psychique selon les sexes sont cliniquement reconnues » . En effet, d’un côté les jeunes hommes externaliseraient davantage leur mal-être à travers le développement d’addictions ou de comportements violents ou à risque. Les femmes seraient elles davantage sujettes aux dépressions et angoisses, qui sont des formes dites « intériorisées »  du mal-être. La Drees évoque aussi la possibilité « qu’une hausse des violences et victimations soit un des éléments explicatifs de la dégradation de la santé mentale des adolescentes et des jeunes filles ».

Dans un article du Point, Olivier Bonnot, pédopsychiatre à l'hôpital Barthélemy-Durand dans l'Essonne, rappelle l’importance de la prévention auprès de ces jeunes femmes : « Lorsqu'elles sont rapides, les prises en charge avec des thérapies structurées, avec des médicaments lorsqu'ils sont nécessaires, montrent des résultats spectaculaires. De 70 à 80 % d'efficacité pour certains troubles. » 

Rappelons qu’un numéro national de prévention du suicide existe et est ouvert à tous au 31 14.  « Un professionnel de soins (infirmier ou psychologue), spécifiquement formé à la prévention du suicide, sera à votre écoute afin d’évaluer votre situation et vous proposer des ressources adaptées à vos besoins ou à ceux de vos proches » .

Consulter l'étude de la Drees. 

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