Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 4 juillet 2022
Santé publique

Services d'urgence : pour l'AMF, les mesures annoncées ne seront pas suffisantes pour garantir un accès aux soins pour tous

À peine connues les propositions de la mission flash sur les services d'urgence, le gouvernement les a validées : l'ensemble des 41 propositions a été retenu, a indiqué la Première ministre vendredi dans un communiqué. Et ce sera au responsable de cette mission, l'urgentiste François Braun, de les appliquer lui-même, puisqu'il a été nommé ministre de la Santé.

Par Franck Lemarc

« Pallier les risques de l’été grâce à des propositions, conçues par des professionnels de santé, qui pourront être rapidement déployées. »  C’est la philosophie générale de ce plan, dont les conclusions ont été dévoilées vendredi (lire Maire info du 1er juillet) et aussitôt validées par Élisabeth Borne, dans un document synthétique intitulé Des réponses rapides et fortes pour l’été

Les mesures décidées

Ces mesures sont strictement limitées – pour l’instant du moins – à l’été, puisqu’elles sont « ciblées sur une durée de trois mois ». Mais le gouvernement indique dès maintenant qu’à l’issue de cette période, elles feront l’objet d’une « évaluation »  pour « envisager leur devenir dans le temps ». 

La principale mesure consiste, finalement, à essayer de désengorger les urgences en dissuadant les patients de s’y rendre, sauf véritable « urgence vitale ». « Avant de vous déplacer, appelez ! » : ce slogan proposé par la mission Braun a été repris par le gouvernement, qui demande donc aux patients d’appeler le 15 pour être « mieux orientés ». Pour cela, le gouvernement prévoit de « renforcer »  les équipes de régulation médicale en y adjoignant des médecins libéraux. 

Mais pour éviter que les personnes se rendent aux urgences, encore faut-il qu’ils puissent disposer d’un accueil suffisant en ville. Le gouvernement va « inciter »  les médecins généralistes à « prendre les patients qui leur sont adressés par le 15 », en autorisant « une majoration de 15 euros par consultation ». La télémédecine va être encouragée, et l’ouverture des maisons médicales de garde va être autorisée les samedis matins.

Dans les hôpitaux, les propositions de la mission Braun sont, là encore, validées : permettre aux médecins libéraux d’exercer « une partie de leur temps »  à l’hôpital et encourager le recours aux professionnels de santé retraités et étudiants. Pour tenter de pallier le manque de soignants pendant l’été, notamment la nuit, le week-end et au moment des jours fériés, le gouvernement a d’ores et déjà doublé les majorations de nuit et les majorations sur les heures supplémentaires, par décret. 

Au-delà de ces mesures immédiates, une nouvelle « grande concertation »  sera lancée (alors que l’on sort à peine de celle du Ségur de la santé), qui s’appuiera sur les « lignes de réflexion »  suivantes : « Regagner du temps médical disponible pour les médecins généralistes », s’appuyer sur la télémédecine, « fluidifier les parcours de soin » … Matignon indique que les solutions « ne seront pas forcément les mêmes sur tout le territoire », de la place devant « être laissée aux initiatives locales ». 

L’AMF « inquiète » 

Interrogé ce matin sur ces mesures par Maire info, Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission santé de l’AMF, ne fait pas montre d’un enthousiasme démesuré sur ces annonces – et se dit même « inquiet »  de certaines d’entre elles. « Ce qui importe réellement, c’est que les personnes, et en particulier les parents, qui ont besoin d’une solution d’urgence le soir ou la nuit, la trouvent. Aujourd’hui, on paye les prix des baisses d’effectifs et des fermetures de lits qui ont lieu depuis des années. »  Si Frédéric Chéreau estime que certaines solutions pourraient se montrer efficientes pour « passer l’été », il redoute qu’à terme, des solutions « présentées comme de court terme deviennent pérennes ». 

Si la régulation par téléphone ne lui paraît pas absurde, il pointe – comme l’ont fait les syndicats d’urgentistes dès vendredi – le « manque d’effectif dans les services de régulation ». Mais c’est surtout le développement de la télémédecine qui l’inquiète : « S’il s’agit simplement de traverser la crise de cet été, d’accord, mais en réalité, ce qui est engagé, c’est un développement à long terme de la médecine à distance qui, pour moi, ne doit rester qu’une solution palliative. Rien ne pourra remplacer le contact humain. Si l’on installe des cabines de téléconsultation, il faut au moins qu’une infirmière soit présente. »  Frédéric Chéreau craint, plus généralement, que le manque de médecins soit pallié par la mise en avant de solutions de remplacement : « Plutôt que d’avoir un médecin traitant pour chaque Français », il redoute que « soit développé, par exemple, le rôle du pharmacien comme professionnel de santé de premier contact ». 

Pour le maire de Douai, la vraie question est le développement de la médecine de ville : « C’est très bien de dissuader les gens d’aller aux urgences s’ils n’en ont pas besoin, mais ça ne marchera pas s’il n’y a pas de soupape de sécurité en ville. »  Le maire de Douai estime qu’il faut un système « à la fois attractif et coercitif ». Faut-il briser le tabou de l’installation forcée de médecins dans les territoires carencés ? « C’est une question à laquelle les maires de l’AMF réfléchissent, reconnaît Frédéric Chéreau. Si ces médecins sont bien payés, bien épaulés dans leurs tâches administratives, bien accueillis, pourquoi est-ce que l’on pourrait pas être capable d’assurer le service public de la santé partout sur le territoire ? Après tout, que je sache, il y a des policiers, des préfets, des enseignants, partout sur le territoire… ». 

Maisons médicales de garde

Frédéric Chéreau rappelle que l’AMF demande, depuis longtemps, que les maires puissent jouer tout leur rôle « d’ensembliers »  dans le système de santé, remarquant au passage que les élus locaux ne sont guère cités dans le document du gouvernement, si ce n’est pour être « avertis », après coup, par les ARS, des dispositions décidées par en haut. Dans la situation dramatique que connaissent nombre d’hôpitaux, il faut « commencer par sanctuariser les centres hospitaliers », martèle le maire de Douai, qui constate que la politique de réduction des lits « ne s’est jamais arrêtée et continue ». 

Il suggère enfin que le gouvernement aille plus loin sur les maisons médicales de garde, qui vont donc pouvoir ouvrir le samedi matin et plus seulement à partir de 14 heures. « Elles devraient pouvoir être ouvertes 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 », ce qui représenterait une réelle alternative aux services d’urgence, conclut Frédéric Chéreau. 

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