Pesticides près des écoles : 1,7 million d'enfants fortement exposés
Par Bénédicte Rallu
Après le domicile, les enfants passent l’essentiel de leur temps à l’école. Or, ils sont particulièrement sensibles à l’épandage de pesticides, notamment entre 3 et 6 ans. Partant de ce principe et de l’étude PestiRiv publiée le 15 septembre dernier par Santé publique France et l’Anses sur l’exposition aux pesticides des riverains de zones viticoles, le journal Le Monde et une dizaine de scientifiques ont publié ce 18 décembre une cartographie inédite d’exposition potentielle des écoles aux pesticides (pas seulement ceux utilisés dans les vignes) à l’échelle de la France entière.
« Intensité estimée des usages agricoles à proximité »
Le quotidien explique qu’une « pression pesticide » autour des établissements scolaires exprime « l’intensité estimée des usages agricoles à proximité ». « La carte ne doit pas être interprétée comme un indicateur de risque, précisent les experts du Joint Research Centre de la Commission européenne associés au projet, cités par le journal. Il s’agit d’un outil servant à repérer les établissements situés dans des contextes de pratiques agricoles plus ou moins intensives », afin d’objectiver des situations locales, d’alimenter le dialogue et, le cas échéant, de mettre en place des mesures de précaution, peut-on ainsi lire sur le site internet du Monde.
Ce baromètre révèle, selon le journal qui a coordonné les travaux, « qu’au moins 1,76 million d’élèves – environ 15 % des effectifs, hors outre-mer – sont scolarisés dans des établissements soumis à une pression forte dans un rayon de 1 000 mètres — comme si chacun des 314 hectares entourant l’école avait reçu au moins un traitement de pesticides à pleine dose par an. Un site scolaire sur quatre est concerné par une telle exposition potentielle ». En majorité les écoles maternelles et primaires, l’étude montrant que les collèges et lycées plus souvent situés en zone urbaine sont moins exposés. En bas de l’article du Monde, un espace permet une recherche par commune et établissement scolaire.
Céréales, fruits, vignes
Ce ne sont finalement pas les produits utilisés dans les vignes qui sont les plus contributeurs de pollution mais ceux utilisés pour les cultures de blé tendre d’hiver qui arrivent en tête (32 %). Les zones céréalières (blé tendre d’hiver, colza), d’arboriculture fruitière, viticoles sont les plus concernées par le phénomène.
« L’exposition potentielle des écoles aux pesticides n’est pas anecdotique, mais structurelle, liée à l’organisation de nos systèmes agricoles et de nos territoires », souligne l’écologue Karine Princé, chargée de recherche au Centre d’écologie et des sciences de la conservation du Muséum national d’histoire naturelle, citée par Le Monde.
Autre enseignement : l’exposition potentielle aux pesticides est moindre en zone urbaine où les établissements scolaires sont plus éloignés des cultures, mais « c’est aussi le cas dans des zones rurales où l’élevage de ruminants à l’herbe domine, comme le Massif central. Il n’y a pas “le monde rural”, mais bien “des ruralités”. », constate Matthieu Mancini, docteur en épidémiologie et ingénieur bio-informaticien, également cité dans l’article.
« Cela ne signifie pas que chaque enfant est en danger, précise Karine Princé, dans Le Monde. Mais cela montre que réduire l’usage des pesticides autour des écoles doit devenir une priorité, et que des politiques publiques plus ambitieuses sont nécessaires pour protéger les enfants là où ils vivent et apprennent. »
8 % de surfaces en agriculture biologique
Pour le moment, le baromètre révèle « qu’environ 8 % des surfaces autour des établissements scolaires étaient cultivées en agriculture biologique au cours de la période 2019-2022 [période à laquelle les relevés ont été effectués pour l’étude PestiRiv, ndlr]– une proportion équivalente à la moyenne nationale. »
Faut-il revoir la réglementation sur les distances de sécurité pour les traitements phytopharmaceutiques à proximité des habitations et des lieux abritant des personnes vulnérables et des travailleurs ?
C’est une option mais complexe car l’étendue et le calcul de ces zones de non-traitement sont sujettes à contestation. Les experts interrogés par le Monde évoquent d’autres pistes : épandage très tôt le matin ou très tard le soir, mesures individuelles (comme la fermeture de fenêtres et/ou garder les enfants à l’intérieur des bâtiments en période d’épandage), évolutions des pratiques agricoles moins dépendantes aux pesticides parallèlement à un accompagnement des agriculteurs, territorialisation de la stratégie Ecophyto 2030, qui vise à réduire de moitié l’usage des produits phytosanitaires.
Les maires sont régulièrement confrontés à la problématique. L’État pousse la mise en place de chartes locales après concertation sous l’égide des préfets.
La question de l’exposition aux pesticides se pose également par la nourriture. L’association Générations Futures a publié son rapport annuel sur les résidus de pesticides détectés dans les fruits et légumes non bio vendus en France, le 15 décembre. Le constat reste inquiétant : « L'analyse de 1912 échantillons de 29 types d'aliments différents montre que 61% des échantillons présentent au moins un résidu de pesticide détecté. Les fruits sont particulièrement touchés avec 78% d'échantillons concernés, contre 53% pour les légumes et 50% pour les céréales. Parmi les plus touchés : 98 % des cerises, 94 % des raisins et 93 % des fraises contiennent au moins un résidu détecté », révèle l’association.
La qualité de l’eau distribuée, elle, provoque des sueurs froides à un certain nombre d’élus dont les communes sont concernées par des pollutions aux polluants éternels, PFAS. Dans sa proposition de simplification sur la sécurité alimentaire et l’alimentation animale, la Commission européenne souhaitait toutefois alléger les contraintes sur l’emploi des pesticides. Le 16 décembre, elle a amendé un peu sa position, sans convaincre pour autant les anti-pesticides.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2






