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Édition du mardi 16 septembre 2025
Santé publique

Pesticides dans les vignes : une étude démontre la surexposition des riverains, en particulier les enfants

Dans une vaste étude, Santé publique France et l'Agence nationale de sécurité sanitaire montrent que le niveau de contamination dans les urines des riverains des vignes est jusqu'à 60 % plus élevé que celui du reste de la population. Les deux agences recommandent de réduire les traitements au « strict nécessaire » et d'informer en amont les habitants pour qu'ils se protègent.

Par A.W.

Les riverains des vignes, et en particulier les enfants, sont plus exposés aux produits phytosanitaires que les autres. C’est la conclusion inflammable d’une étude très attendue sur l’exposition aux pesticides des personnes vivant en zone viticole (PestiRiv). Soit environ 4 % de la population française pour les habitants qui résident à moins de 200 mètres de parcelles de vignes.

Menée par Santé publique France (SPF) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), cette vaste enquête se garde, toutefois, de faire un lien entre cette exposition à différentes molécules et un éventuel risque pour la santé, le champ de l’étude ne portant pas sur la toxicité associée.

Ampleur « inédite » 

Alors que ces résultats risquent de relancer le débat explosif sur l’exposition aux pesticides des riverains des zones agricoles, pourquoi avoir fait le choix des zones viticoles ? Les vignes sont, en fait, une « culture prioritaire »  pour mesurer l’exposition aux pesticides car elles sont « souvent situées près des habitations, elles sont en général fréquemment traitées pour lutter contre les risques de maladies et les ravageurs, et leur implantation évolue peu d’une année à l’autre », rappellent les deux agences. Si les 780 000 hectares de vignes ne représentent que quelque 3 % de la surface agricole du pays, la viticulture fait, en effet, partie des cultures qui recourent le plus aux pesticides.

D’ampleur « inédite », l’étude a ainsi été réalisée en 2021-2022 dans 265 zones viticoles et non viticoles appartenant à six régions : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

En tout, ce sont 56 substances qui ont été mesurées dans l'urine et les cheveux des 1 946 adultes et 742 enfants participants (dont une partie vivait à moins de 500 mètres de vignes, et l’autre à plus de 1 000 mètres de toute culture), mais aussi dans l'air extérieur, l'air et les poussières à l'intérieur des habitations.

Les résultats permettent donc de « disposer pour la première fois à une telle échelle d'une description détaillée de la contamination de l'environnement et de l'imprégnation des riverains de zones viticoles », indiquent les deux agences sanitaires, alors qu’il existe à ce jour que peu de données, notamment en France, sur l’exposition des personnes vivant à proximité des cultures traitées.

Plus on est proche, plus on est contaminé

« Cohérents avec [les] quelques études réalisées aux États-Unis et aux Pays-Bas », les résultats de PestiRiv montrent que les riverains des zones viticoles sont « plus exposés aux produits phytopharmaceutiques appliqués sur ces cultures que les personnes éloignées de toute culture ». Que ce soit chez les adultes ou chez les enfants. 

Quels que soient le contexte et les conditions, « une proximité inférieure à 50 mètres entraîne une sur-imprégnation »  et « l’impact des traitements sur la sur-imprégnation est observé, pour la majorité des substances, jusqu’à plusieurs centaines de mètres », constatent les auteurs de l’enquête.

Concrètement, les niveaux de contamination dans les urines des riverains augmentent jusqu’à « 45 % »  par rapport aux habitants de zones non exposées, sont « 12 fois »  plus importants dans l'air ambiant, et peuvent aller jusqu’à « plus de 1 000 % »  s’agissant des poussières.

En outre, ces expositions sont « influencées par les quantités de produits utilisés »  et sont « plus importantes »  en période de traitement des vignes, qui ont lieu de mars à août. Dans ce cas, l’imprégnation des urines peut augmenter de « 60 % », jusqu’à « 700 % »  pour la contamination des poussières et être jusqu’à « 45 fois »  plus importantes dans l'air ambiant. 

Des niveaux d’exposition qui « pourraient être plus élevés »  en cas de temps pluvieux puisque le printemps et l’été 2022 ont connu des pluies particulièrement faibles et des températures élevées. Des conditions météorologiques qui ont pu « limiter les besoins de traitement », précisent les auteurs de l’étude.

Ils démontrent, par ailleurs, une surexposition des enfants de 3 à 6 ans lors de la période des traitements. Ceux-ci étant « davantage en contact avec le sol »  ou portant les mains à leur bouche, « par leur apport alimentaire aussi », a fait savoir Santé publique France.

Relancer Ecophyto 2030

La majorité des substances très spécifiques à la vigne – comme le folpel ou le métirame - ou celles qui le sont moins – comme le glyphosate, le fosétyl-aluminium ou la spiroxamine - ont ainsi été retrouvées près des vignes. Tous sont utilisés pour lutter contre les champignons pathogènes, les herbes concurrentes à la vigne ou bien les insectes ravageurs.

Étant donné que les quantités de produits utilisés et la proximité des habitations avec les vignes sont les deux principaux facteurs d’exposition, il y a « la nécessité d’agir sur la source d’émission pour limiter les expositions des personnes vivant le plus près des cultures », plaident les deux agences sanitaires. 

Pour cela, elles recommandent donc de réduire les traitements au « strict nécessaire »  en s'appuyant notamment sur « une mise en œuvre ambitieuse »  de la stratégie Ecophyto 2030, qui prévoit de diminuer par deux l'usage des pesticides d'ici 2030 mais qui a été mise en pause depuis plus d’un an par Gabriel Attal lorsqu’il était à Matignon. Pour cela, elles suggèrent d’utiliser les « alternatives aux pesticides », d’utiliser des quantités « au plus bas techniquement possible »  ou encore de prendre en compte le vent. 

Elles demandent également « d’informer des riverains avant les traitements »  afin qu’ils puissent adopter les mesures de protection appropriées : se déchausser en rentrant chez soi, nettoyer le sol, sécher le linge à l'intérieur... Des préconisations qui sont « extrapolables à d’autres cultures », font valoir les deux agences qui réclament, au passage, la mise en place d’une « base de données »  sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Pour connaître le lien entre les niveaux d’exposition et d’imprégnation avec d’éventuels risques pour la santé, il faudra lancer des « travaux complémentaires », expliquent les deux agences qui rappellent aussi que PestiRiv n’a pas non plus pour objectif d’apporter des informations pour fixer des distances de sécurité.

Dans la foulée de la parution de l’étude, l'association Générations futures a appelé à « un plan de protection des riverains »  en élargissant notamment les zones de non-traitement, tout en regrettant « le peu d'empressement [de la part de l’État] à relancer le plan Ecophyto de réduction des pesticides en agriculture ».

De son côté, le Comité national des interprofessions des vins (CNIV) a défendu les efforts faits par le secteur depuis dix ans pour améliorer ses pratiques. Mais « nous ne réussirons pas seuls, a prévenu le président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB), Thiébault Huber. Les firmes qui fabriquent les pesticides doivent faire évoluer leurs produits (...) L’État a aussi un rôle à jouer en améliorant les procédures d'homologation de substances, en particulier de biocontrôle ».

Consulter l’étude.
 

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