Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 30 juin 2025
Santé publique

Périmètre, signalisation, coût pour les communes : tout comprendre au nouveau décret étendant les espaces sans tabac

Le décret « relatif aux espaces sans tabac » a été publié samedi, et est entré en application dimanche 29 juin. Il est désormais interdit de fumer sur les plages, dans les parcs et jardins publics ou aux alentours des établissements scolaires et équipements sportifs. D'après nos informations, le périmètre envisagé sera de 10 mètres. 

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© Ministère de la Santé

Ce devait être le 1er juin, mais c’est finalement le 29 juin que sont entrées en application les nouvelles interdictions de fumer annoncées depuis des mois. Le 7 mai dernier, un projet de décret était présenté aux associations d’élus dans le cadre du Conseil national d’évaluation des normes (lire Maire info du 26 mai), avec l’objectif d’une entrée en vigueur le 1er juin. Peu réaliste, cette date a été reportée à fin juin. 

Finalement, le décret a été publié au Journal officiel du samedi 28 juin. 

Périmètre des nouvelles interdictions

L’essentiel du décret porte sur l’extension des espaces sans tabac. Il est toutefois à noter qu’il contient aussi un considérable durcissement des sanctions à l’encontre des buralistes qui vendraient du tabac ou des dispositifs de vapotage aux mineurs : l’amende passe de 135 à 1 500 euros, voire de 750 à 3 000 euros en récidive. 

En dehors de cela, le décret modifie l’article R3512-2 du Code de la santé publique qui réglemente « l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif ». Jusqu’à présent, cet article limitait l’interdiction stricte de fumer aux « lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou constituent des lieux de travail », aux transports collectifs, aux « espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l'accueil, à la formation ou à l'hébergement des mineurs »  et aux aires collectives de jeux. 

Le décret étend cette interdiction à de nombreux autres lieux : 

  • les « zones affectées à l’attente des voyageurs, pendant les heures de service », dans les transports collectifs – c’est-à-dire non seulement les abribus mais également les zones d'attente non couvertes ; 
  • « un périmètre déterminé »  autour des écoles, collèges et lycées, publics et privés, aux heures d’ouverture ;
  • « un périmètre déterminé »  autour des établissements destinés à l’accueil, la formation ou l’hébergement de mineurs, aux heures d’ouverture ;
  • « un périmètre déterminé »  autour des espaces non couverts des bibliothèques et des équipements sportifs, aux heures d’ouverture ;
  • sur les plages « bordant les eaux de baignade » 
  • dans les parcs et jardins publics.

Rappelons que les « eaux de baignade »  sont « toute partie des eaux de surface dans laquelle la commune s'attend à ce qu'un grand nombre de personnes se baignent et dans laquelle l'autorité compétente n'a pas interdit la baignade de façon permanente ». Autrement dit, l’interdiction s’étend aux plages de bord de mer, de rivières, de lacs, de plans d’eau, etc., fortement fréquentées. 

Quant aux équipements sportifs concernés, il s’agit de ceux qui sont « mentionnés à l’article R312-2 du Code du sport », soit « tout bien immobilier appartenant à une personne publique ou privée, spécialement aménagé ou utilisé, de manière permanente ou temporaire, en vue d'une pratique sportive et ouvert aux pratiquants à titre gratuit ou onéreux ». 

Concernant les parcs et jardins, notons que le gouvernement a hésité à limiter l’interdiction aux seuls lieux clôturés, mais a finalement choisi de l’étendre à tous les espaces. 

Le décret précise enfin que « les périmètres et les plages horaires »  où la cigarette est interdite aux abords des établissements scolaires, des établissements d’accueil de mineurs, des bibliothèques et des équipements sportifs peuvent faire l’objet d’une « extension »  par arrêté du maire. Une « extension »  seulement, évidemment : le maire ne peut diminuer ni le périmètre ni les plages horaires, seulement les augmenter.

Coûts de la signalisation

Pour pouvoir appliquer ces nouvelles dispositions, il reste évidemment à connaître le « périmètre déterminé »  dans lequel elles s’appliqueront. Le décret précise que ce périmètre sera défini par arrêté ministériel, et l’on ne peut que s’étonner du fait que cet arrêté n’ait pas été publié en même temps que le décret, puisque celui-ci est d’application immédiate. On demande donc aux maires de faire appliquer une réglementation … dont ils ne connaissent pas les contours précis.

L’arrêté est prêt, et il va être présenté devant le Conseil national d’évaluation des normes le 3 juillet. Maire info a pu prendre connaissance de son contenu : le gouvernement souhaite fixer ce périmètre à « 10 mètres à partir des accès publics des lieux concernés ». Il s’agit donc d’une distance minimum, que les maires pourront augmenter s’ils le souhaitent.

L’arrêté fixe également l'obligation d’apposer, sur tous les lieux concernés par l’interdiction, une « signalisation apparente ». Le projet d’arrêté qui va être présenté au Cnen fixe le modèle de ces affichettes, déclinées par lieux (« Plage sans tabac », « Parc et jardin sans tabac », « École sans tabac », etc.), avec un logo montrant une cigarette barrée de rouge et la mention « Fumer ici vous expose à une amende forfaitaire de 135 euros ou à des poursuites judiciaires », et le numéro de Tabac-info service.

L’arrêté prévoit que si une signalisation a déjà été apposée à la date de publication du texte, elle restera valide pendant 6 mois (à condition qu’elles mentionnent le message sanitaire de prévention, le numéro national d’aide à l’arrêt Tabac-info-service, la référence aux dispositions du Code de la santé publique et les sanctions prévues en cas d’infraction). 

La nouvelle signalisation est mise à disposition sur le site de la Direction générale de la santé, prête à imprimer. Mais le gouvernement n’a pas choisi, il faut le remarquer, de fournir les affichettes déjà imprimées – ce qui veut dire que l’impression, sur tout support, de cette signalisation, sera aux frais des collectivités. Avec un certain aplomb, le gouvernement explique dans la fiche d’impact qui accompagne le projet d’arrêté qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle norme mais « de l’extension d’une norme réglementaire existante ». Sous-entendu : il n’y a donc pas besoin que l’État compense cette dépense… pourtant imposée.

Même s’il reconnaît qu’il est très difficile d’estimer le coût réel de la dépense pour les collectivités, ce qui supposerait de déterminer le nombre exact de plages, écoles, bibliothèques, parcs, jardins, équipements sportifs, et le nombre d’affichettes à apposer pour chacun d’entre eux, le gouvernement se livre à une estimation probablement très sous-estimée : le coût pour les collectivités serait de 150 000 euros pour les deux années à venir. Il plaide également qu’en regard du coût de la signalisation, il faut placer les économies que feront les communes en matière de ramassage des mégots.

Rappelons que lors de l’examen du texte devant le Cnen, l’AMF avait émis des réserves quant à l’impact financier de la mesure lié à la signalétique ainsi qu’à l’affichage. Elle avait également déploré les délais très courts de mise en œuvre.

Qui va contrôler ?

Au-delà de la signalisation, il reste enfin la question des difficultés d’application de ces dispositions, et de leur contrôle. L’AMF avait insisté, en amont de la publication du décret, pour que les polices municipales ne soient pas chargées de faire appliquer cette interdiction, mais que le contrôle revienne aux seules forces de l’ordre nationales. Cette distinction ne figure pas dans le décret. 

Sera-t-il possible, dans un contexte marqué par une hausse des incivilités, d’interdire par exemple à des parents de fumer une cigarette au bord du terrain de football où a lieu le match du dimanche, sous un abribus ou sur la totalité des plages ? Il est certain en tout cas que les maires risquent d’avoir bien des difficultés à faire appliquer ces nouvelles règles. 

Sans attendre la publication de l’arrêté, le ministère de la Santé a en tout cas rendu publics différents outils à destination des collectivités : webinaires, supports d’accompagnement et de communication, ainsi qu'une foire aux questions qui a vocation à être enrichie en fonction des questions qui remonteront… 

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