Le Sénat interdit la vente aux mineurs de « gaz hilarant »
Les sénateurs ont voté, le 11 décembre, une proposition de loi visant à durcir la réglementation sur la vente des cartouches de protoxyde d’azote (gaz hilarant), afin de soutenir les maires souvent démunis face à l’explosion de l’usage de cette drogue.
« Il est temps d'en finir avec ce gaz dit hilarant, sans laisser les maires en première ligne. » Ces mots du sénateur LaREM du Nord, Frédéric Marchand, résument la tonalité du débat qui a eu lieu au Sénat, où la plus totale unanimité a régné sur ce sujet. Lors de la discussion générale, les sénateurs de tous les bancs ont soutenu la proposition de loi portée par Valérie Létard (Union centriste, Nord). C’est cette région en particulier qui est la plus touchée par ce phénomène : la vente (souvent sur internet) et la consommation de cartouches de protoxyde d’azote, improprement appelé « gaz hilarant » mais aux effets catastrophiques sur la santé lorsqu’il est consommé à haute dose. Ce gaz est en vente libre dans n’importe quel supermarché, en particulier sous sa forme la plus courante – les cartouches destinées aux siphons permettant de fabriquer de la crème Chantilly. Il a également une utilisation médicale, comme antidouleur.
D’abord utilisé dans le cadre de fêtes types « teknivals », l’usage de ce produit s’étend rapidement, eu égard notamment à son prix extrêmement modique (quelques dizaines de centimes d’euros la cartouche) et au fait qu’il est parfaitement légal. « Appelé à tort « gaz hilarant », ses effets n'ont pas de quoi faire rire, d'un point de vue physique comme psychique, a déploré Jocelyne Guidez (UC, Essonne) », avec en particulier des risques de brûlures, des « distorsions visuelles et auditives », et des effets pouvant aller jusqu’à « des atteintes graves à la moelle épinière, voire une sclérose précoce ».
Plusieurs sénateurs ont témoigné de l’ampleur du phénomène dans leur circonscription : « Dans une commune de la périphérie de Lille, a rapporté Valérie Létard, 300 kg de cartouches vides ont été retrouvées en trois mois. » « La commune de Loos récolte 100 kg de cartouches par mois ».
Face à cette situation, un certain nombre de maires (entre 43 et 49 selon les sources) ont pris des arrêtés pour en interdire la vente (dans le Nord en particulier, mais aussi dans l’Hérault ou la Seine-Saint-Denis). Mais, comme l’a fait remarquer Jocelyne Guidez, « ces arrêtés sont territorialisés, donc facilement contournables ». De plus, ces arrêtés ne peuvent s’appliquer que « si la force publique constate l’infraction », a noté Corinne Féret (PS, Calvados).
Difficultés légales
La proposition de loi vise à interdire la vente de ce produit aux mineurs et d’en réprimer l’incitation à la consommation, et de mettre en place des mesures de prévention (apposition d’un pictogramme sur les emballages). Le secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, Adrien Taquet, a dit au Sénat pleinement partager les ambitions de ce texte, tout en estimant que la seule interdiction de vente aux mineurs ne serait pas suffisante, les « jeunes majeurs » étant également très touchés. Reste un problème pour l’instant insoluble : le protoxyde d’azote n’est pas illégal et, comme l’a fait remarquer Adrien Taquet, « il n’y a pas de base légale à pénaliser l’incitation d’un produit qui lui-même n’est pas illégal ».
Valérie Létard a donc encouragé le ministre et le gouvernement, au fil de la navette, à « réglementer le protoxyde d’azote au même niveau » que d’autres drogues. En attendant, le texte a été adopté à l’unanimité. Il interdit la vente de ce produit aux mineurs, « dans tous commerces ou lieux publics » ; les commerçants seraient donc tenus de demander une preuve de la majorité du client. Le texte prévoit aussi d’interdire la vente de ce gaz dans les débits de boisson, y compris à des majeurs.
Le texte a été transmis à l’Assemblée nationale.
F.L.
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