Le maire face aux conduites addictives : une nouvelle version du guide pour aider les élus
Par Lucile Bonnin
Alcool, tabac, drogues, écrans, jeux : les conduites addictives représentent un vrai défi pour les maires qui peuvent avoir un rôle à jouer dans la prévention de ces comportements à risque et faire respecter les règles en la matière. De nombreux Français ont un usage quotidien de ces produits : 13 millions de personnes ayant entre 18 et 64 ans consomment du tabac, 5 millions de l’alcool chaque jour et 900 000 du cannabis.
Ce type de comportement n’est donc pas rare et les pratiques sont de plus en plus variées. Les expérimentations de cocaïne, par exemple, ont été multipliées par 4 en 20 ans pour atteindre 5,6 % en 2017. Aujourd’hui, de nouveaux enjeux apparaissent comme l’usage du protoxyde d’azote – aussi appelé gaz hilarant – ou encore le GHB/GBL, la MDMA, les jeux d’argent et de hasard ou encore les jeux-vidéos.
Ainsi, face à cette recrudescence des comportements addictifs, il était primordial pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), en partenariat avec l’AMF, de remettre à jour un guide qui avait été publié en 2019. Cette nouvelle version actualisée va permettre aux maires de trouver des ressources juridiques et législatives en vigueur, des exemples d’actions à mener ou encore des pistes pour concevoir « un plan d’actions, adapté à leur commune en direction de leurs administrés, et aussi en tant qu’employeur. »
Lutter contre les conduites addictives
Le maire est confronté au quotidien à ces consommations excessives qui ont des conséquences sur les individus mais aussi sur le territoire. Ces comportements représentent un risque pour la personne concernée mais aussi pour l’entourage. La consommation excessive d’alcool, par exemple, est très présente dans les cas de violences : l’alcool a un rôle dans 30 % des condamnations pour violences, 40 % des violences familiales et 30 % des viols et agressions.
C’est aussi une menace pour la vie du territoire car les addictions représentent un coût social élevé (la consommation de tabac est estimée à 120 milliards d’euros), une menace pour la tranquillité des espaces publics, un véritable problème de santé publique et aussi une menace environnementale dommageable pour les communes et pour la planète.
« Bien que la prévention des conduites addictives ne fasse pas partie en tant que telle des compétences du maire, ce dernier a pourtant vocation à l’intégrer dans plusieurs de ses champs d’intervention » , est-il rappelé dans le guide. Le maire peut faire de la prévention par exemple et doit aussi appliquer « la loi dans le cadre, par exemple, d’événements festifs, de tranquillité publique ou bien encore, de règles relatives à l’implantation de débits de boissons. »
En la matière, il est indiqué dans le guide que des soutiens financiers existent pour mener des actions territoriales de lutte contre les conduites addictives, qu’il est possible de construire avec les acteurs locaux une politique de prévention, que former les agents à ces sujets est primordial et qu’une commune peut très bien mettre en place un dispositif pour lutter contre le tabagisme avec des lieux sans tabac par exemple. (lire Maire info du 31 mai)
Des responsabilités en tant qu'employeur
L’environnement professionnel joue un grand rôle sur ces consommations excessives. Le maire, en tant qu’employeur, se doit de faire de la prévention auprès des agents pour protéger leur santé. « Quelle que soit la dimension de la collectivité, il est important que le maire et les élus portent, par leur implication personnelle, une politique de prévention envers les agents. Les objectifs en interne doivent être, autant que possible, en cohérence avec la politique menée vers les habitants. »
Les auteurs du guide alertent par exemple sur l’hyper-connexion professionnelle qui peut entraîner des conséquences sur la santé mentale des agents qui ressentent le besoin irrépressible de répondre aux mails reçus dans un souci de réactivité (appelé aussi phénomène de télépression). Un usage raisonnable du numérique est donc à promouvoir au sein de la collectivité.
Pour répondre à la nécessité d’accompagner les employeurs sur cette question, il existe notamment le dispositif ESPER (les Entreprises et les Services Publics s’Engagent Résolument) qui se structure autour d’une charte et prévoit l’animation et la valorisation du réseau des signataires ainsi que la mise à disposition de tous les outils pour mettre en place une démarche cohérente de prévention collective et individuelle.
Faire respecter les règles, assurer le bon ordre
Les conséquences néfastes des conduites addictives nécessitent l’intervention des pouvoirs publics. Ainsi, le maire joue un rôle par rapport à l’ouverture des débits de boisson ou de tabac, contribue à faire respecter les interdits protecteurs en matière de stupéfiants, d’alcool, de tabac et de jeux d’argent, peut avoir recours aux pouvoir de police administrative face aux troubles à l’ordre public liés aux substances psychoactives, etc.
Des questions pratiques sont listées dans le guide afin d’aider le maire à agir au mieux dans des cas particuliers comme lorsque des seringues usagées sont trouvées dans l’espace public ou encore en cas de diffusion publicitaire sur la commune de produits en faveur du tabac par exemple.
Pour faire respecter ces règles, le maire doit aussi veiller à prévenir les conduites addictives chez les jeunes dans les établissements scolaires. Le développement de l’usage récréatif du protoxyde d’azotechez les plus jeunes par exemple est un vrai problème actuellement. En la matière, il faut rappeler que « la loi 2021-695 du 1er juin 2021 interdit la vente ou l’offre à un mineur de protoxyde d’azote ainsi que l’offre ou la vente de ce produit dans les débits de boissons à consommer sur place, les débits temporaires et les débits de tabac. »
La Mildeca explique que, par exemple, face à ce problème spécifique qui touche aussi bien les territoires urbains que les ruraux, « le maire peut, au titre de ses pouvoirs de police générale, édicter certaines mesures en cas de troubles au bon ordre, à la sûreté, la sécurité et la tranquillité publiques, le trouble doit être démontré localement et justifié par des éléments matériels inscrits dans les considérants (comportements récurrents et déjà constatés par l’autorité de police, comportements agressifs ou dangereux pour la circulation...) »
Beaucoup d’autres conseils à destination des élus sont à retrouver dans ce guide téléchargeable directement via ce lien.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Burkini : le Conseil d'État confirme l'annulation de la « dérogation » décidée à Grenoble
Second tour des législatives : les enseignements de l'analyse des résultats par commune
Sécurité routière : une recrudescence inquiétante de la mortalité sur les routes