Maire-info
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Édition du lundi 22 avril 2024
Santé publique

Ehpad publics : la Fédération hospitalière de France alerte sur leur « situation budgétaire critique »

Subissant le coût de l'inflation et des revalorisations salariales, le nombre d'établissements accueillant des personnes âgées dépendantes qui ont plongé dans le rouge a atteint un niveau « record » en 2023. La FHF réclame « des mesures d'urgence ».

Par A.W.

Près de 85 % des Ehpad publics sondés ont fini l’année 2023 dans le rouge. « Un chiffre record alarmant », alerte la Fédération hospitalière de France (FHF) dans une enquête publiée jeudi et menée dans plus de 730 maisons de retraite médicalisées du secteur public, soit près 43 % des places d’Ehpad publics relevant de la fonction publique hospitalière.

Généralisation des situations déficitaires

« Malgré une activité qui continue à progresser, les Ehpad publics sont confrontés à une dégradation massive, rapide et profonde de leurs équilibres budgétaires », alerte la FHF qui constate une « généralisation des situations déficitaires alarmantes ».

Le nombre d’Ehpad publics déficitaires a ainsi explosé depuis 2019. Alors qu’ils n’étaient « que »  44 % il y a cinq ans, ils sont passés à 54 % en 2021, puis 75 % en 2022 et près de 85 % en 2023, selon la FHF. La proportion des établissements en situation déficitaire a donc presque doublé en cinq ans et à peine plus de 15 % d’entre eux restent désormais à l’équilibre budgétaire, contre plus de la moitié en 2019.

La fédaration s'inquiète du niveau de déficit moyen par place qui s’est nettement aggravé en un an, passant de 3 226 euros en 2022 à un niveau record de 3 850 euros en 2023 (+ 19 %). Appliqué à l’ensemble des Ehpad publics déficitaires, cela représenterait, par extrapolation, « un montant d’environ 800 millions d’euros en 2023, en hausse de 60 % sur un an ». Résultat, sur les deux derniers exercices, le déficit cumulé pourrait représenter « plus de 1,3 milliard d’euros ».

Pourtant, l’activité a continué à progresser puisque le taux d’occupation a été en moyenne de 94,4 % l’an passé, en hausse d’un point par rapport à 2022. Reste que, malgré ce redressement, le taux ne retrouve toutefois toujours pas celui enregistré avant la crise sanitaire (96,7 % en 2019). D’ailleurs, la généralisation des résultats déficitaires se confirme également pour les Ehpad qui ne rencontrent pas de difficulté particulière en termes d’activité, observe la Fédération.

Augmentation de 5 % du tarif hébergement demandée

À l'origine de cette situation, la flambée des coûts enregistrée par les Ehpad qui disent subir à la fois l’impact de l'inflation sur les charges d'exploitation (énergie, alimentation), la compensation « incomplète »  des revalorisations salariales, mais aussi « l’évolution insuffisante »  des tarifs hébergement. 

« La situation des Ehpad publics a dépassé le seuil d’alerte », estime ainsi le président de la FHF, Arnaud Robinet, dans un communiqué dans lequel il réclame « des mesures d’urgence ». « Plus on va réagir tard, plus on prend le risque de mettre nos aînés en danger, avec des problèmes de prise en charge », a également prévenu le maire de Reims dans Les Échos, avant d’assurer que, « parfois on peut considérer qu’il y a de la maltraitance qui n’est pas du fait des agents mais qui est dû à un manque de moyens ».

Face à cette « situation budgétaire critique », la Fédération demande donc, à court terme, une augmentation de 5 % sur les tarifs hébergement administrés par les conseils départementaux (tarifs à l’aide sociale), mais aussi sur le forfait soin des Ehpad.

L’objectif est d’assurer les 6 000 recrutements par an nécessaires afin d’« atteindre l’engagement gouvernemental de 50 000 postes supplémentaires d’ici 2030 ». En outre, elle réclame « l’engagement de la révision des règles socio-fiscales qui pénalisent les établissements et services médico-sociaux publics par rapport au secteur privé ».

Et « il y a urgence »  au regard de la « vague démographique du grand âge sans précédent »  à laquelle va être confronté le pays, met en garde la FHF qui souhaite également l’élaboration « au plus vite »  d’« une loi de programmation pour le grand âge »  dans le but d’avoir « des objectifs sur le moyen et le long terme ».

On peut rappeler qu'en décembre, la Fédération et six associations d'élus (AMF, APVF, France urbaine, Intercommunalités de France, Régions de France et Villes de France) exigeaient, ensemble, la création d'un « fonds d'urgence »  pour les hôpitaux publics et les Ehpad, composé d’un milliard d’euros pour les premiers et de 200 millions d’euros pour les seconds.

Une « réforme systémique »  réclamée

Les 100 millions d'euros dégagés, l’été dernier, pour soutenir les Ehpad et les sociétés de services à domicile en difficulté semblaient déjà bien insuffisants.

Un plan d'urgence qui avait été décidé après que la députée PS du Puy-de-Dôme, Christine Pires Beaune, a publié un rapport visant à « garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement [et] encadrer leur reste à charge »  dans lequel elle préconisait « une réforme systémique du financement »  des Ehpad.

Dans son rapport, elle constatait que, parmi les résidents en Ehpad, « les personnes âgées les plus pauvres, les plus fragiles et les plus isolées (...) sont confrontées à des taux d’effort considérables », tout en rappelant que « seule une petite partie (24 %) peut couvrir ses frais de séjour via ses revenus courants ». 

Alors que le séjour en établissement s’avère « parfaitement insoutenable pour les plus modestes », elle fustigeait le système actuel qu’elle jugeait « peu justifié »  puisque, « globalement, les plus modestes ne sont pas aidés à la hauteur de leurs besoins »  et que « les ménages modestes sont moins aidés que les plus aisés ». « L’argent public est donc mobilisé à mauvais escient », critiquait-elle notamment.

Parmi les différents scénarios de réforme présentés, la députée du Puy-de-Dôme recommandait ainsi de « fusionner les sections soins et dépendance et alléger le périmètre de la section hébergement »  et revoir la répartition des compétences : « Aux départements reviendrait la responsabilité exclusive de l’accompagnement et des services à domicile [et] à l’ARS reviendrait la responsabilité exclusive de la prise en charge en établissement ».

Elle proposait également de « réutiliser tous les financements publics actuels (APA, ASH, avantages fiscaux, aides au logement) pour déployer une prestation unique, universelle et prenant en compte les facultés contributives de chacun ».

À noter que, dans la foulée de ce rapport, le gouvernement a décidé de mettre en place, dans chaque département, une commission dédiée au suivi et à l’examen de la situation financière des structures médico-sociales en difficulté (qui réunit les financeurs et les créanciers publics). « Près d’un quart (23,2%) des Ehpad »  qui ont répondu à l’enquête de la FHF ont indiqué avoir sollicité leur commission départementale.

« Les maires regrettent le fait que les Ehpad gérés par un CCAS n’aient pas été reconnus comme prioritaires pour bénéficier d’un soutien financier exceptionnel alloué par les commissions départementales installées à cet effet et que les établissements associatifs sollicitent un soutien accru des communes », indique-t-on à l’AMF.

On peut, par ailleurs, rappeler que la loi Bien vieillir, qui vient d'être promulguée, ouvre à titre expérimental la possibilité pour dix départements de remplacer la tarification horaire des services d’autonomie à domicile par une tarification globale ou forfaitaire. Cette expérimentation qui doit avoir lieu de 2025 à fin 2026.

Consulter l'enquête de la FHF.

Consulter le rapport de Christine Pires Beaune.

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