Édition du vendredi 1er février 2019
Désertification médicale : des députés plaident pour davantage de « coercition », le gouvernement privilégie l'incitation
L’Assemblée nationale a examiné hier plusieurs propositions de loi du groupe socialiste, dont une consacrée à des « mesures d’urgence contre la désertification médicale ». Le texte a été adopté en fin de journée, mais après avoir été vidé de l’essentiel de son contenu en commission des affaires sociales et en séance : la majorité et le gouvernement ont en effet estimé que ce texte ne devait pas interférer avec le futur projet de loi santé.
Le texte porté notamment par Guillaume Garot (Mayenne) et Valérie Rabault (Tarn-et-Garonne) comprenait à l’origine cinq articles, avec l’objectif de répondre à une situation contradictoire : le nombre de médecins inscrits à l’Ordre n’a jamais été aussi élevé, mais « leur répartition sur le territoire n’a jamais été aussi inégale ». Dans la présentation de leur texte, ses auteurs prennent bonne note des mesures proposées par le gouvernement (suppression du numerus clausus, création des communautés professionnelles territoriales de santé ou CPTS) mais les estiment « insuffisantes » : « La plupart de ces dispositifs s’inscrivent dans une logique d’incitation, comme les dispositifs mis en place ces dix dernières années, sans résultat probant. » La mesure essentielle du texte proposé était donc de créer « un dispositif de régulation de l’installation » appelé « conventionnement territorial » : il prévoyait que dans les zones sur-dotées, un nouveau médecin ne puisse s’installer en étant conventionné que « lorsqu’un médecin libéral de la même zone cesse son activité », l’idée étant « de ne pas densifier davantage des zones déjà suffisamment pourvues alors que d’autres manquent cruellement de médecins ». Pour ce qui concerne les territoires sous-dotés, la proposition de loi prévoyait l’utilisation des crédits du FIR (fonds d’intervention régional) pour constituer des « territoires innovation santé », afin notamment de développer la télémédecine. L’article 3 prévoyait d’assouplir les conditions d’exercice des médecins ayant obtenu leur diplôme à l’étranger. Le texte suggérait enfin de permettre aux pharmaciens de pouvoir délivrer des ordonnances pour des pathologies précises définies par arrêté ministériel.
Les mesures coercitives jugées « contre-productives »
En commission des affaires sociales, le 24 janvier, le texte a été presque complètement détricoté (voire « dépecé », a déploré son rapporteur). La plupart des articles ont été supprimés, dont en premier lieu celui sur le « conventionnement territorial ». Un seul article (ou plutôt « demi-article », a déploré le rapporteur du texte) a été retenu en commission, assouplissant les conditions d’exercice des médecins remplaçants.
En séance publique, hier, l’examen de ce texte a été l’occasion d’un long débat lors duquel, notamment, plusieurs députés ont pu faire état de la situation très grave dans laquelle se trouve leur circonscription au regard de la démographie médicale. Des préoccupations qui rejoignent celles qu’avaient exposées les maires, la veille, lors de la réunion à l’AMF consacrée aux hôpitaux (lire Maire info d’hier). Avec des situations parfois ubuesques, comme ce député racontant que dans sa circonscription, des malades n’ont d’autre choix pour voir un médecin que de se rendre dans une ville éloignée, de prendre une chambre d’hôtel « au plus bas prix puis d’attendre le soir pour appeler SOS médecins et avoir la visite d’un médecin ». Plusieurs députés ont également « rendu hommage » aux élus locaux qui « prennent le problème à bras-le-corps » (Yannick Favennec Becot)… mais sans avoir pour autant les moyens ni les compétences pour le régler. Nombre de députés ont pointé « l’insuffisance » des mesures incitatives, certains, y compris du groupe LR, « assumant » de prôner « des mesures coercitives ». Les mesures incitatives ne créent « que des effets d’aubaine », ont pointé plusieurs députés : « Je rencontre des maires qui remuent ciel et terre pour installer des médecins, notamment des généralistes, dans des maisons de santé. (Ils) constatent que les médecins s’installent, restent quelques années puis partent pour s’installer dans une autre commune, où ils percevront à nouveau des aides à l’installation », a raconté Géraldine Bannier (Mayenne).
Ils n’ont pas convaincu la majorité ni le gouvernement. La ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn, s’est dite « fermement opposée » à toute mesure coercitive – y compris le « conventionnement territorial » – jugeant ces mesures « contre-productives ». « En les votant, nous réduirions l’attractivité de la médecine libérale et favoriserions les exercices salariés permettant aux médecins d’échapper à la coercition ». La logique du gouvernement, a détaillé la ministre, est au contraire de favoriser « les incitations financières à destination des collectifs, coopérations et organisations territoriales ».
Les députés ont adopté quelques amendements en séance publique : notamment l’intégration obligatoire de parlementaires dans les Conseils territoriaux de santé ; et la possibilité pour les assurés vivant dans les zones sous-dotées de « saisir le conciliateur » de la caisse d’assurance maladie pour « se voir proposer un médecin traitant disponible ».
Le texte va maintenant être transmis au Sénat. Quant au projet de loi santé du gouvernement, il sera présenté le mercredi 13 février en Conseil des ministres, pour un examen prévu, selon nos informations, au plus tard avant la fin mars et une adoption avant l’été.
Télécharger « l’Appel des territoires » pour la préservation des centres hospitaliers publics (AMF et France urbaine).
Le texte porté notamment par Guillaume Garot (Mayenne) et Valérie Rabault (Tarn-et-Garonne) comprenait à l’origine cinq articles, avec l’objectif de répondre à une situation contradictoire : le nombre de médecins inscrits à l’Ordre n’a jamais été aussi élevé, mais « leur répartition sur le territoire n’a jamais été aussi inégale ». Dans la présentation de leur texte, ses auteurs prennent bonne note des mesures proposées par le gouvernement (suppression du numerus clausus, création des communautés professionnelles territoriales de santé ou CPTS) mais les estiment « insuffisantes » : « La plupart de ces dispositifs s’inscrivent dans une logique d’incitation, comme les dispositifs mis en place ces dix dernières années, sans résultat probant. » La mesure essentielle du texte proposé était donc de créer « un dispositif de régulation de l’installation » appelé « conventionnement territorial » : il prévoyait que dans les zones sur-dotées, un nouveau médecin ne puisse s’installer en étant conventionné que « lorsqu’un médecin libéral de la même zone cesse son activité », l’idée étant « de ne pas densifier davantage des zones déjà suffisamment pourvues alors que d’autres manquent cruellement de médecins ». Pour ce qui concerne les territoires sous-dotés, la proposition de loi prévoyait l’utilisation des crédits du FIR (fonds d’intervention régional) pour constituer des « territoires innovation santé », afin notamment de développer la télémédecine. L’article 3 prévoyait d’assouplir les conditions d’exercice des médecins ayant obtenu leur diplôme à l’étranger. Le texte suggérait enfin de permettre aux pharmaciens de pouvoir délivrer des ordonnances pour des pathologies précises définies par arrêté ministériel.
Les mesures coercitives jugées « contre-productives »
En commission des affaires sociales, le 24 janvier, le texte a été presque complètement détricoté (voire « dépecé », a déploré son rapporteur). La plupart des articles ont été supprimés, dont en premier lieu celui sur le « conventionnement territorial ». Un seul article (ou plutôt « demi-article », a déploré le rapporteur du texte) a été retenu en commission, assouplissant les conditions d’exercice des médecins remplaçants.
En séance publique, hier, l’examen de ce texte a été l’occasion d’un long débat lors duquel, notamment, plusieurs députés ont pu faire état de la situation très grave dans laquelle se trouve leur circonscription au regard de la démographie médicale. Des préoccupations qui rejoignent celles qu’avaient exposées les maires, la veille, lors de la réunion à l’AMF consacrée aux hôpitaux (lire Maire info d’hier). Avec des situations parfois ubuesques, comme ce député racontant que dans sa circonscription, des malades n’ont d’autre choix pour voir un médecin que de se rendre dans une ville éloignée, de prendre une chambre d’hôtel « au plus bas prix puis d’attendre le soir pour appeler SOS médecins et avoir la visite d’un médecin ». Plusieurs députés ont également « rendu hommage » aux élus locaux qui « prennent le problème à bras-le-corps » (Yannick Favennec Becot)… mais sans avoir pour autant les moyens ni les compétences pour le régler. Nombre de députés ont pointé « l’insuffisance » des mesures incitatives, certains, y compris du groupe LR, « assumant » de prôner « des mesures coercitives ». Les mesures incitatives ne créent « que des effets d’aubaine », ont pointé plusieurs députés : « Je rencontre des maires qui remuent ciel et terre pour installer des médecins, notamment des généralistes, dans des maisons de santé. (Ils) constatent que les médecins s’installent, restent quelques années puis partent pour s’installer dans une autre commune, où ils percevront à nouveau des aides à l’installation », a raconté Géraldine Bannier (Mayenne).
Ils n’ont pas convaincu la majorité ni le gouvernement. La ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn, s’est dite « fermement opposée » à toute mesure coercitive – y compris le « conventionnement territorial » – jugeant ces mesures « contre-productives ». « En les votant, nous réduirions l’attractivité de la médecine libérale et favoriserions les exercices salariés permettant aux médecins d’échapper à la coercition ». La logique du gouvernement, a détaillé la ministre, est au contraire de favoriser « les incitations financières à destination des collectifs, coopérations et organisations territoriales ».
Les députés ont adopté quelques amendements en séance publique : notamment l’intégration obligatoire de parlementaires dans les Conseils territoriaux de santé ; et la possibilité pour les assurés vivant dans les zones sous-dotées de « saisir le conciliateur » de la caisse d’assurance maladie pour « se voir proposer un médecin traitant disponible ».
Le texte va maintenant être transmis au Sénat. Quant au projet de loi santé du gouvernement, il sera présenté le mercredi 13 février en Conseil des ministres, pour un examen prévu, selon nos informations, au plus tard avant la fin mars et une adoption avant l’été.
F.L.
Télécharger le texte adopté.Télécharger « l’Appel des territoires » pour la préservation des centres hospitaliers publics (AMF et France urbaine).
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