Sangliers : le gouvernement renonce à faciliter la pratique de la chasse dès le 1er juin
Par Franck Lemarc
Il aura donc fallu plus de deux ans pour que le gouvernement publie le décret qui avait été soumis à consultation publique entre février et mars 2020.
Ce texte a pour but de modifier un certain nombre de règles du Code de l’environnement pour tenter de limiter la prolifération du grand gibier – notamment le sanglier – et les dégâts qu’il occasionne sur les cultures.
Progression exponentielle
C’est un nouvel épisode du débat souvent houleux qui oppose chasseurs et agriculteurs, d’un côté, et associations de défense de la nature, de l’autre. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics cherchent une solution pour essayer de contrecarrer la prolifération catastrophique des sangliers et les dégâts « désastreux », selon les termes d’un rapport parlementaire, qu’elle occasionne, sans s’attirer les foudres du milieu très actif des militants anti-chasse et des défenseurs de la biodiversité.
En mars 2019, un rapport signé du député Alain Perea (Aude) et du sénateur Jean-Noël Cardoux (Loiret) posait un certain nombre de pistes pour « la maîtrise des populations de grand gibier et de leurs dégâts ». En partant d’un constat évident : la population de grand gibier, et en particulier de sanglier, s’accroît de façon exponentielle, et avec elle les dégâts sur les cultures. Cette tendance, engagée depuis plusieurs dizaines d’années pour des raisons multiples analysées dans le rapport, s’aggrave fortement ces derniers temps à cause du réchauffement climatique et du caractère très doux des hivers.
Résultat : la population de sangliers en France est estimée aujourd’hui à 2 millions d’individus, selon, plusieurs études, elle a été multipliée par 25 en cinquante ans. Ces animaux occasionnent des dégâts considérables dans les cultures dont le coût (pris en charge par les fédérations de chasse) s’échelonne entre 30 et 45 millions d’euros par an.
Pour tenter de lutter contre cette prolifération, les « prélèvements » sont en augmentation elle aussi exponentielle : on est passé de moins de 40 000 sangliers tués par an, en 1973, à près de 800 000 en 2019, soit une multiplication par vingt.
Levée de boucliers
C’est pour tenter de « trouver des solutions viables » à ce problème que le gouvernement, dans la foulée du rapport Perea-Cardoux et après la création de l’Office français de la biodiversité, a présenté un projet de décret proposant « de nouvelles modalités d’incitation à la maîtrise des populations de grand gibier et à la prévention des dégâts agricoles ».
Ce projet de décret, approuvé par le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage en février 2020, a été soumis à consultation publique dans la foulée, et a soulevé d’innombrables protestations (plus de 28 000 contributions ont été déposées, ce qui est exceptionnel).
En cause : une des dispositions du projet de décret, qui prévoyait de faciliter la pratique de la chasse avant l’ouverture officielle le 15 août, en supprimant l’autorisation préfectorale individuelle de chasse pour le sanglier et le chevreuil.
Les milieux anti-chasse ont aussitôt dénoncé une volonté du gouvernement d’avancer l’ouverture de la chasse au 1er juin. En réalité, les choses sont plus compliquées : comme l’expliquait le ministère dans une réponse à une question parlementaire, en juin 2020, la possibilité de commencer la chasse au sanglier en juin « existe déjà actuellement ». Mais elle est soumise à une autorisation préfectorale, relativement souple au demeurant, puisque le silence de l’administration à réception de la demande d’autorisation vaut autorisation… en cinq jours seulement !
Afin de « maintenir une pression de chasse forte dans un contexte de surpopulation de chevreuils et de sangliers », expliquait le gouvernement, le projet de décret contenait bien la suppression de cette autorisation préfectorale individuelle.
Quoi qu’il en soit, la levée de boucliers a été telle que le gouvernement a finalement décidé de reculer : cette disposition a disparu du décret publié ce matin.
Associations agréées
Les mesures qui subsistent dans le décret sont nettement moins polémiques.
Les mesures relatives aux associations communales de chasse agréées (Acca) ont également été simplifiées. Le décret prévoit néanmoins que désormais, l’avis des Centres régionaux de la propriété forestière sera sollicité par le ministre pour établir qu’un département doit obligatoirement comporter des Acca.
Le reste du décret est consacré à la réglementation des « enclos de chasse » prévus par la loi du 24 juillet 2019, dont la gestion doit être soumise à un « plan ». Le décret détaille les modalités de ce plan de gestion.
Le décret interdit les « lâchers de sangliers », sauf « au sein des terrains clos des établissements professionnels de chasse à caractère commercial ». Est également interdit, désormais, le « nourrissage en vue de concentrer des sangliers sur un territoire ».
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