Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 4 avril 2023
Administration

S'assurer a priori de la légalité d'un acte : mode d'emploi

La DGCL a récemment demandé aux préfets de faire mieux connaître aux élus locaux la procédure de « rescrit ».». Il s'agit de la possibilité offerte aux élus de demander au préfet de prendre position sur une question de droit portant sur un projet d'acte. 

Par Franck Lemarc

C’est une mesure fort utile, mais très peu connue des élus : selon une enquête menée par le Sénat, la procédure de rescrit (demande de prise de position formelle) est inconnue pour plus de 63 % des élus locaux. Pourtant, cette procédure de contrôle a priori (et volontaire), issue de la loi Engagement et proximité, peut éviter bien des déboires. 

Sécurisation

L’idée est simple : plutôt que de voir un arrêté municipal retoqué au contrôle de légalité, a posteriori, les élus peuvent, par précaution, demander en amont aux préfets si la mesure qu’ils envisagent de prendre est bien conforme au droit. 

C’est l’article 74 de la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 qui a introduit cette possibilité dans le CGCT :  « Avant d'adopter un acte susceptible d'être déféré au tribunal administratif, les collectivités territoriales ou leurs groupements ainsi que leurs établissements publics peuvent saisir le représentant de l'État chargé de contrôler la légalité de leurs actes d'une demande de prise de position formelle relative à la mise en œuvre d'une disposition législative ou réglementaire régissant l'exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif. »  Avantage : si le préfet a pris position formellement pour reconnaître que l’acte est légal, il ne pourra pas, par la suite, le déférer au tribunal administratif (sauf « changement de circonstances », précise la loi). Il s’agit donc d’un dispositif qui permet de sécuriser les décisions des collectivités, et ce exclusivement sur des questions « techniquement complexes sur le plan du droit », explique la DGCL, ou l’interprétation d’une norme nouvelle.

Le dispositif peut aussi avoir pour avantage d’accélérer le contrôle de légalité a posteriori, puisque les services de la préfecture auront déjà examiné la question en amont. 

Questions « précises » 

Les actes qui peuvent faire l’objet d’un rescrit sont « ceux susceptibles d'être déférés par le représentant de l'Etat au titre du contrôle de légalité, qu'ils soient ou non soumis à l'obligation de transmission ».

Le dispositif a été précisé dans un décret du 25 mai 2020. Il suffit au demandeur de transmettre au préfet le projet d’acte, ainsi que « la présentation claire et précise de la ou des questions de droit portant sur l'interprétation d'une disposition législative ou réglementaire directement liée au projet d'acte ». Attention, la DGCL précise qu’il ne suffit pas de « demander si un acte est légal ou non », ce qui serait insuffisamment précis.

Seuls les préfets de région ou de département peuvent répondre à ces demandes, et non les sous-préfets. La demande peut être envoyée par mail ou par courrier recommandé avec accusé de réception. Il n’est pas possible, en revanche, de la transmettre via l’application @CTES. 

Le préfet peut, si nécessaire, demander des précisions ou des éléments complémentaires avant de se prononcer. 

Problème d’effectifs

À réception de la demande, le préfet a trois mois pour se prononcer (le délai ne commence à courir que lorsque toutes les pièces complémentaires ont été reçues, le cas échéant). Mais attention, le préfet n’a pas d’obligation de répondre à une demande de rescrit : si, au bout de trois mois, aucune réponse n’a été transmise au demandeur, il y a alors « absence de prise de position formelle »  – ce qui ne signifie pas que le projet de décision est illégal, mais que le préfet ne se prononce pas. 

Si le préfet répond, en revanche, et que sa réponse est positive, la collectivité concernée devra joindre cette réponse à l’acte lors de la transmission au contrôle de légalité. 

La DGCL précise enfin que le dispositif est applicable outre-mer, y compris en Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, à l’exception de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, et de Wallis-et-Futuna, où il n’y a ni communes ni intercommunalités.

Les élus ont donc tout intérêt à utiliser cette faculté nouvelle… en espérant qu’ils obtiendront une réponse. Parce qu’il faut hélas rappeler que les coupes claires dans les effectifs des préfectures a conduit, comme le soulignait la Cour des comptes dans un récent rapport (lire Maire info du 30 novembre 2022), à « atrophier »  les services chargés du contrôle de légalité. Résultat : selon la Cour des comptes, à peine 20 % des actes sont effectivement contrôlés a posteriori (voire 15 % dans certains départements). Sans un renforcement sérieux de ces services (il n’y a aujourd’hui plus que 841 agents dévolus à cette tâche dans tout le pays), le surcroît de travail que pourrait apporter une multiplication des rescrits ne risque pas d’améliorer la situation. 

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