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Édition du jeudi 22 mai 2025
Sécurité

Agressions sexuelles et viols : le Sénat formule des propositions pour prévenir la récidive

Une mission de contrôle sénatoriale a présenté hier les conclusions d'un rapport sur la prévention de la récidive en matière de viol et d'agressions sexuelles. Cette réalité complexe nécessite une amélioration des dispositifs existants pour mieux l'endiguer, selon les rapporteures.

Par Lucile Bonnin

« Le viol et le meurtre de la jeune Philippine en septembre 2024, dont l’auteur présumé avait déjà été condamné pour viol, ont dramatiquement rappelé la gravité de la récidive en matière d’infractions à caractère sexuel » , a commencé par souligner hier Dominique Vérien, présidente de la délégation aux droits des femmes, à l’occasion de la présentation du rapport sénatorial sur la récidive en matière de viol et d’agressions sexuelles. 

C’est dans ce contexte que le Sénat a engagé ces travaux en créant une mission conjointe de contrôle de la commission des lois et de la délégation aux droits des femmes. Les six rapporteures ont présenté hier leurs recommandations sur le sujet des violences sexuelles qui, s’il est de plus en plus médiatisé, n’apparaît pas encore comme une véritable priorité politique. 

25 % des auteurs de violences à caractère sexuel sont mineurs 

Les taux officiels de récidive légale et de réitération pour ces infractions sont inférieurs à ceux des autres crimes et délits. Pour les viols, il est de 5,7 % contre 7,2 % pour l’ensemble des autres crimes et délits. Cependant, « ces chiffres ne doivent pas masquer l’ampleur réelle »  du phénomène, précise Muriel Jourda, présidente de la commission des lois.

En pratique, une minorité des auteurs de viol passe effectivement entre les mains de la justice. Selon un rapport du ministère de l’Intérieur, en 2021, seulement 6 % des femmes victimes des violences sexuelles ont porté plainte. « Dès lors que l'on travaille sur la récidive, on sait que l’on travaille sur un très faible segment des auteurs de viol », admet Laurence Rossignol, une des rapporteurs de la mission. De fait, « on ne peut pas travailler sur la récidive des viols si on n’a pas travaillé sur le premier passage à l’acte » , continue la sénatrice.

Il apparaît donc comme une priorité de « produire des statistiques en matière de récidive des délinquants sexuels en permettant les analyses croisées en fonction des profils des auteurs et des mesures, obligations et traitements auxquels ils ont été soumis. » 

Surtout, lors de leurs travaux, les rapporteures ont été interpellées par les spécialistes qui évaluent à 25 % le nombre de mineurs auteurs de violences sexuelles. « Les auteurs d’infractions sexuelles ont très souvent grandi dans un schéma familial dysfonctionnel », explique Muriel Jourdan qui souligne au passage la dangerosité de l’exposition des mineurs à la pornographie.

La prévention et l’identification 

Plusieurs propositions visent à renforcer la prévention primaire et la prise en charge des mineurs auteurs. En effet, pour les sénatrices, il faut mener un travail sur les victimes d’infractions seuxuelles pour « éviter la reproduction des actes ». « Selon les soignants, pour arriver à ne pas réitérer l’acte il faut avoir conscience de l’acte. La conscience de ce qu’on a vécu d’abord comme victime contribue à la conscience de ce qu’on a fait et qui contribue à ne pas recommencer », explique Laurence Rossignol. 

La mission appelle donc à suivre davantage et à accompagner tous les enfants au titre des violences sexuelles qu’ils ont subi et auxquelles ils ont été exposés. Cela doit passer notamment par la formation des magistrats et des autres professionnels (protection judiciaire de la jeunesse, police, gendarmerie…) et par le développement de programmes spécifiquement tournés vers les mineurs auteurs d’infractions à caractère sexuel (AICS) dans les centres éducatifs fermés et renforcés.

Une priorité politique 

La prise en charge des auteurs de violences sexuelles pâtit évidemment du manque de moyens que connaît le secteur médico-social et judicaire. C’est pourquoi les sénatrices proposent de rationnaliser les outils d’expertise en envisageant par exemple « la prise en charge des auteurs d’infractions à caractère sexuel (AICS) par des psychologues dès lors qu’ils ne sont pas atteints de pathologies relevant spécifiquement de la compétence des psychiatres afin de faire face au contexte de pénurie d’experts-psychiatres et à la saturation des services psychiatriques. »  Les sénatrices appellent aussi à revaloriser la rémunération des experts psychiatres et psychologues.

La mission veut aussi renforcer le suivi et contrôle des auteurs de violences. Les sénatrices proposent notamment de créer une véritable injonction de soins en détention pour les auteurs de violences sexuelles et généraliser les dispositifs d’accompagnement post-détention pluridisciplinaires afin de mieux accompagner la réinsertion sociale.

Surtout, la mission appelle le gouvernement à faire de la lutte contre les violences sexuelles une priorité. « Selon les magistrats, les politiques pénales fonctionnent par priorités successives, a détaillé Laurence Rossignol. Nous avons eu il y a dix ans une priorité donnée à la lutte contre le terrorisme, à juste titre, puis une priorité donnée aux violences intrafamiliales – mais pendant ce temps-là les stocks sur les affaires de violences sexuelles montaient. Maintenant c’est le narcotrafic. On se demande à quel moment les violences sexuelles vont être la priorité. » 

Rappelons qu’aujourd’hui 150 000 viols sont recensés par an, ce qui constitue, sans aucun doute, « un sujet d’ordre public »  qui nécessite des moyens. 
 

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