Ruralité : un guide pour faire de la nature le facteur d'attractivité d'une commune
Par Lucile Bonnin
Awala-Yalimapo (Guyane), Bard (Loire), Beurey-sur-Saulx (Meuse) et Gornac (Gironde). Ces quatre communes rurales ont mené pendant une année des réflexions autour de la construction d’un projet territorial fondé sur la nature. La crise sanitaire a démontré que la proximité avec la nature est importante « pour assurer le bien-être physique et psychologique et ainsi le fonctionnement de nos sociétés. » Les campagnes auraient alors une nouvelle carte à jouer pour rendre davantage attractives certaines petites communes.
C’est l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui a lancé ce travail en octobre 2020, avec l’Association des maires de France (AMF), la Direction générale des Outre-mer (DGOM), l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’université Jean-Moulin Lyon 3. L’expérience baptisée « une Fabrique Prospective » sur le thème « La nature comme atout pour l’attractivité et la résilience des territoires ruraux » a permis aux élus d’être accompagnés pour faire de la nature et de la biodiversité des atouts majeurs de ces territoires. Les résultats viennent d'être publiés dans un document de quarante pages.
Ces travaux « ouvrent des pistes d’accompagnement des territoires ruraux pour qu’ils puissent décrypter les atouts naturels qui font leur force et qui varient d’une commune à l’autre, en fonction des situations géographiques, culturelles, du contexte social et des attentes des habitants, comme l’explique Cécile Gallien, maire de Vorey, co-présidente de la Commission des communes et territoires ruraux de l’AMF. Il s’agit là d’une nouvelle démonstration de la nécessité de valoriser l’attractivité des espaces ruraux. »
Six enjeux pour les territoires ruraux
Le croisement des travaux des quatre communes – qui ont des caractéristiques différentes – « a permis d’identifier six enjeux partagés, illustratifs de ceux rencontrés par un grand nombre de communes rurales françaises. »
Ainsi, la gestion du foncier rural respectueuse de la nature est un enjeu de premier plan. Certaines communes qui ont une attractivité résidentielle grandissante doivent trouver un équilibre entre l’accroissement des capacités d’accueil dans une commune et la lutte contre l’artificialisation des sols. La reconquête du foncier vacant pour le réhabiliter est une solution pour ces communes rurales (lire Maire info du 6 mai 2021).
La gestion de la ressource en eau apparaît également comme une priorité selon les élus. D’ailleurs, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, organise cet après-midi une réunion de crise autour de la sécheresse qui frappe en ce moment durement le pays. Les risques d’inondations doivent aussi pris en compte. Pour rappel, en 2020, 17 millions d’habitants étaient exposés aux inondations par débordement de cours d’eau et 1,4 million au risque de submersion marine.
Les activités agricoles sont aussi au cœur du développement de ces communes et « la production et la consommation de produits locaux étaient un enjeu pour les territoires ruraux en vue de recréer du lien avec la nature. » En matière de dynamisme, l’écotourisme a été identifié par les élus et les groupes de travail locaux « comme un facteur d’attractivité pour les territoires ruraux. »
Enfin, les communes et les intercommunalités peuvent largement agir en faveur de la nature : élaboration des documents de planification territoriale (PLU(i), réalisation des inventaires locaux de protection du patrimoine nature… Les capacités d’action sont variées et la coopération entre plusieurs acteurs est de mise.
Il est aussi pointé dans le guide l’existence d’aides et de dispositifs d’appui à destination des communes rurales. Les élus attendent une simplification dans les aides proposées par l’État et ses opérateurs, qui restent accrochés à cette logique d’appels à projets ou d’appels à manifestation d’intérêt, difficile d’accès pour les communes rurales.
Prendre en compte les spécificités
Dans le guide, les quatre feuilles de route de ces communes sont détaillées, ce qui permet de comprendre que chaque spécificité doit être prise en compte pour construire un projet. Pour la commune d’Awala-Yalimapo, par exemple, la priorité est de construire une politique d’adaptation « face à l’érosion côtière, au retrait du trait de côte et au risque d’inondation » car elle est particulièrement exposée à ces risques.
Pour la commune de Bard, qui compte 669 habitants et 50 % de couvert forestier, le « maintien d’une activité agricole qui soit résiliente face au changement climatique, au manque d’eau, et au vieillissement de la population d’agriculteurs, mais également intégrée au paysage et source de biodiversité » a été défini comme une priorité par le comité consultatif de la commune. Parmi les actions qui vont être déployées, le groupe de travail a proposé la révision du règlement de boisements pour favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs, et les espaces habités.
Dans la Meuse, les élus de Beurey-sur-Saulx ont identifié le besoin de « mettre la nature au cœur de l’urbanisme ». Construire un cadre naturel accueillant pour cette commune pourra passer par le développement d’un « réseau de sentiers de promenade valorisant le patrimoine historique et naturel de la commune » ou par des actions plus précises comme « désimperméabiliser et végétaliser la cour d’école et y créer un potager. »
Enfin, à Gornac – commune composée d’un bourg, d’un vignoble et d’une plaine cultivée – le groupe de travail local a « mis en avant l’enjeu de la préservation de la quantité et la qualité de l’eau » en imaginant une gestion raisonnée de l’eau dans la commune. Des études ont été faites pour recenser les sources d’eau souterraine de la commune et leur qualité, et pour connaître les besoins précis des cultures en eau. C’est une démarche qui peut inspirer de nombreuses communes actuellement.
Actions nationales
Quatorze pistes d’action d’envergure nationales ont également été formulées collectivement dans le cadre de cette Fabrique prospective pour répondre à ces enjeux. Parmi ces dernières, la question du foncier a une place importante. La plus grande inquiétude concerne évidemment l’objectif Zan fixé par la loi Climat et résilience du 22 août 2021. « Les élus (...) ont exprimé des inquiétudes quant à la possibilité de concilier l’atteinte de cet objectif avec le maintien de l’attractivité et de la capacité de développement de leurs territoires. Dans cette perspective, ils ont indiqué que l’État, en lien avec ses opérateurs, pourrait communiquer sur les solutions alternatives à l’artificialisation des sols auprès des communes rurales, voire proposer un accompagnement pour la recherche de solutions adaptées. »
Les enjeux autour de l’eau sont aussi nombreux. L’information concernant l’état de la ressource en eau sur un territoire devrait être communiquée plus systématiquement aux maires ruraux. Ces derniers demandent aussi un accompagnement pour développer des actions de communication au plus près des habitants et des agriculteurs pour une gestion raisonnée de l’eau.
« Le soutien à la commercialisation et à la consommation de produits locaux respectueux de l’environnement a été mis en avant comme une priorité pour les territoires ruraux. » L’agriculture joue donc un rôle important pour l’avenir de ces territoires. Renforcer le dialogue entre les élus des communes rurales et les acteurs du monde agricole (agriculteurs, sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, chambre d’agriculture, syndicats agricoles…) apparaît comme une solution.
La préservation de la faune et de la flore est aussi un axe incontournable pour les communes rurales et quatre priorités ont été dégagées par les participants à la Fabrique prospective. Les infrastructures naturelles (comme les haies) doivent être renforcées, les communes rurales qui sont engagées dans une gestion durable des espaces verts doivent être valorisées à l’échelle nationale, le soutien aux agences régionales de biodiversité doit être renforcé et la sensibilisation des enfants à la biodiversité devrait être davantage développée en lien avec les territoires.
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