Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 31 janvier 2020
Ruralité

Conflits de voisinage : les députés adoptent un texte protégeant le « patrimoine sensoriel » des campagnes

Des plaintes contre les déjections d’abeilles à Pignols, des voisins incommodés par la cloche de l’église de Bondons, le maire du Beausset sommé d’éradiquer les cigales et leur craquettement, ou encore l’affaire du désormais célèbre coq Maurice de l'Île d'Oléron… qui s’est vu, cet été, finalement autorisé par la justice à continuer de chanter, dès l’aube. Ces derniers mois, de nombreuses actions en justice de ce type ont émaillé l’actualité nationale.

Dissuader de porter plaintes 
Afin de ne plus « porter atteinte à la vie rurale »  et de « dissuader ceux qui considèrent que lutter contre les bruits et les odeurs inhérents à nos territoires ruraux est un droit », l’Assemblée nationale a adopté, hier, une proposition de loi du député de la Lozère Pierre Morel-À-L'Huissier (UDI et Indépendants) qui entend protéger le « patrimoine sensoriel des campagnes »  en intégrant cette notion dans le droit français. 
Soutenu par le gouvernement, ce texte fait ainsi entrer dans le Code de l’environnement « les bruits et odeurs caractéristiques de la vie rurale », tels que le chant du coq, le meuglement de la vache, le tintement des cloches des églises ou les effluves du fumier. « Ces bruits et ces odeurs sont une part de notre identité, une part de notre pays. Il est donc important de le reconnaître », a défendu, la semaine passée en commission des affaires culturelles, le ministre de la Culture, Franck Riester.
Car ces conflits de voisinage ont d’autant plus heurté le monde rural que « les actions en justice sont souvent intentées par des vacanciers ou des néoruraux », qui ne supportent pas ce genre de nuisances. « Nous assistons à une intolérance croissante entre riverains [et] observons une montée de la conflictualité partout depuis trente ans, allant de pair avec la judiciarisation de la société », selon le député qui a recensé « 1 800 dépôts de plainte pour dommages liés à l’environnement ». 

Inventaire des terroirs
L’attente des élus locaux, et notamment des maires, était également particulièrement « forte »  puisque la multiplication de ces conflits ne concerne pas uniquement les particuliers. Elle « inquiète les maires ruraux qui se trouvent pris à partie, à tel point que de nombreuses communes ont apposé un panneau à l’entrée de leur village précisant que, si les vacanciers ou hôtes de passage n’étaient pas satisfaits, notamment de la présence d’animaux, ils pouvaient passer leur chemin… », a rappelé, la semaine dernière, Pierre Morel-À-L'Huissier, lors de l’examen de la proposition de loi en commission des affaires culturelles. Dans ce cadre, il espère que ce texte pourra « instaurer les bases solides d’un dialogue entre des personnes qui ont des modes de vie différents et qui ne se comprennent pas toujours ».
Le texte prévoit, par ailleurs, la création d’un inventaire des terroirs répertoriant tous les bruits et odeurs considérés comme constitutifs d’un patrimoine sensoriel. Celui-ci sera confié aux services régionaux de l’inventaire général du patrimoine culturel, déjà chargés d’étudier et de qualifier l’identité culturelle des territoires. Ils prendraient désormais en compte « les activités, pratiques et savoir-faire agricoles dans les territoires ruraux ».
Bien que ce texte vise à éviter les recours pour trouble de voisinage liés aux émissions sonores et olfactives rurales, le député de Lozère a précisé, toutefois, qu’il ne priverait pas les éventuels plaignants de toute possibilité de recours, puisque « le trouble anormal de voisinage reste caractérisable lorsqu’il a été délibérément produit, de façon régulière et ou par malice. Ainsi, si un voisin souhaite tondre sa pelouse à sept heures du matin ou qu’un autre qui utilise sa tronçonneuse à l’aube, la volonté de nuire est manifeste ».
Le député de Lozère a salué un véritable travail de coconstruction de ce texte, entre le Conseil d’État, sollicité en amont par « sécurité juridique », les ministères et les députés.


A.W.

Consulter le dossier législatif de la proposition de loi.

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