Agenda rural, acte II : point d'étape, mots doux et plan de relance
Le deuxième comité interministériel aux ruralités, qui s’est tenu le 14 novembre à Matignon, a été l’occasion de dresser un premier bilan de la mise en œuvre de l’Agenda rural, lancé en septembre 2019. Le plan de relance doit servir d’accélérateur.
« Oui, revendiquons-le : la ruralité est une chance pour la France. Et elle n’est pas seulement le socle de son histoire; elle est une partie, j’en suis sûr, de son avenir. Si des générations de Français ont quitté un à un leur pays pour s’en aller gagner leur vie dans les villes et les zones urbaines, j’ai la conviction que les modes de vie, les aspirations de long terme vont conduire à un mouvement inverse, certes moins massif, mais inéluctable. » Samedi 14 novembre, le Premier ministre Jean Castex ouvrait ainsi l’assemblée générale de l’association des maires ruraux de France (AMRF) – dont Michel Fournier, maire de Les Voivres (Vosges) a pris la tête, après deux mandats de Vanik Berberian, maire de Gargilesse-Dampierre (Indre). Pour l’occasion, l’ancien maire de Prades (Pyrénées-Orientales) n’a pas manqué de rappeler son attachement à la cause rurale.
La ruralité, une opportunité
Réclamé de longue date par l’AMRF, l’Agenda rural – ambitieuse « politique de soutien aux campagnes et aux villages » – a été lancé le 20 septembre 2019 par Edouard Philippe, sur fond de crise des gilets jaunes. Au menu : 181 mesures à déployer d’ici 2022, afin d’améliorer le quotidien des habitants de ces territoires dans l’accès aux services publics (éducation, santé, etc.), au numérique, ou à la mobilité. Issu du rapport d’élus locaux – dont, côté AMF, Cécile Gallien, maire de Vorey-sur-Arzon (Haute-Loire) et Pierre Jarlier, alors maire de Saint-Flour (Cantal) –, ce plan d’actions vise à faire de la ruralité un sujet global et transverse à l’ensemble des politiques publiques. A la faveur du dernier remaniement, un secrétariat d’État à la ruralité est ainsi réapparu, incarné par Joël Giraud, ancien député des Hautes-Alpes. Active depuis le 1er janvier, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) consacre également un programme spécifique à la ruralité.
Couverture numérique : le point fort
Au-delà des grandes déclarations, Jean Castex a également distillé ce 14 novembre les quelques annonces du deuxième comité interministériel aux ruralités, qui venait de se tenir à Matignon, répondant ainsi aux engagements de l’Agenda rural. Sur la couverture numérique, la satisfaction domine. « À ce jour, 76 % du territoire est couvert (en 4G) par tous les opérateurs, contre 45 % seulement au 1er janvier 2018. Nous nous efforçons également d’améliorer la couverture mobile dans les zones blanches ou mal couvertes. Alors qu’au cours des 15 dernières années, seulement 600 nouveaux pylônes avaient été inaugurés, ce sont plus de 2 066 nouveaux pylônes qui vont être déployés en 2 ans. Parmi ceux-ci, 462 ont déjà été mis en service et le rythme des inaugurations est soutenu. ». Côté fibre, « le plan de relance nous permet de rajouter 240 millions d’euros au bénéfice de cette priorité politique pour en accélérer encore la mise en œuvre ».
Relance : un fléchage ruralité à surveiller
Au delà du numérique, ce sont 5 milliards d’euros, sur les 100 milliards du plan de relance, qui doivent revenir aux territoires ruraux, a rappelé Jean Castex. Un montant « plancher », a précisé son cabinet, résultant d’un « travail ligne à ligne » sur le plan de relance – intégrant notamment les crédits de la Dsil promis aux collectivités, ou ceux des volets « agricole » et « Territoires d’industrie », calculés au prorata de la population française habitant en zone rurale… Mais leur consommation effective en direction des territoires ruraux « sera contrôlée en temps réel », assure-t-on à Matignon. Toujours issu de France Relance, le fonds « tourisme durable », doté de 50 millions d’euros, pourra également servir les territoires ruraux, assure Jean Castex. Mille restaurants pourront être accompagnés dans ce cadre, en plus des exonérations fiscales, de l’attribution de nouvelles licences IV et de l’initiative « 1 000 cafés », qui ont fait grand bruit lors du premier CIR.
Petites lignes, grandes études
Dans le champ des mobilités, deux conventions sur les petites lignes ferroviaires ont déjà été signées avec les régions Grand Est et Centre-Val-de-Loire en février dernier. « Une troisième a été conclue avec la région AURA pour la partie Auvergne, le 5 octobre dernier, et des conventions vont être finalisées dans les prochaines semaines avec les régions PACA et Pays-de-la-Loire. », a annoncé le Premier ministre
Autre axe central de l’Agenda rural, la jeunesse : Jean Castex promet de faire passer à 20 000 le nombre de bénéficiaires des « cordées de la réussite » dans les collèges et les lycées ruraux. Par ailleurs, 800 jeunes diplômés sont en cours de recrutement en tant que « volontaires territoriaux », afin de soutenir les collectivités en ingénierie et les aider à bénéficier du plan de relance.
Accès à la santé : le point noir
Certaines mesures de l’Agenda rural peinent à se concrétiser, notamment dans le champ de la santé. Le recrutement de médecins internes reste une difficulté importante, tout comme la création des comités territoriaux de santé prévus par le plan « Ma Santé 2022 », reconnaît Laurent Carrié, conseiller technique politiques contractuelles territoriales à Matignon, pour qui ce volet de l’Agenda rural « mériterait un coup d’accélérateur ». Néanmoins, l’objectif reste de doubler le nombre de maisons médicales « grâce aux financements du Ségur de la Santé ».
Dans son discours, Jean Castex dresse néanmoins un premier bilan encourageant : en un an, 50 médecins sur les 200 annoncés d’ici à 2022 – et les 400 prévus par l’Agenda rural – ont été recrutés. 450 postes d’assistants médicaux ont également été créés pour les épauler. Autre point de satisfaction, le développement de la télémédecine : le nombre de téléconsultations par mois est passé de 50 000 en 2019 à un million au cours du premier confinement. « Nous avons décidé qu’elles seront désormais remboursées à 100 % », a précisé Jean Castex.
170 « petites villes de demain »
Ce rendez-vous d’étape a également permis de rappeler aux élus ruraux certaines avancées récemment actées, avec en tête, la prorogation des zones de revitalisation rurale jusqu’au 31 décembre 2022, mais aussi la création de 323 nouvelles maisons France services – portant à 826 le nombre total de ces guichets uniques destinés à centraliser la réalisation de démarches administratives essentielles, à moins de 30 minutes de son domicile. Le 2e CIR a également été l’occasion d’annoncer une nouvelle forme de contractualisation destinée à accompagner les collectivités dans leur projet de territoire. Première concrétisation des « contrats de cohérence territoriale » prévus par la loi de 2019 portant création de l’ANCT, ces « contrats de relance et de transition écologique » seront copilotés par l’Agence, et par les ministères de la Cohésion des territoires et de la Transition écologique.
Enfin, dernière véritable annonce de ce deuxième CIR : la labellisation des 170 premières communes (réparties entre les régions Centre-Val de Loire, PACA et La Réunion) au titre du programme de l’ANCT « Petites villes de demain » lancé le 1er octobre. Dans ce cadre, une convention a été signée avec la Fondation du patrimoine pour créer 100 labels ouvrant droit à des exonérations fiscales. Les heureuses élues peuvent d’ores et déjà bénéficier d’un soutien d’urgence, en particulier pour le commerce.
Caroline Saint-André
Accéder au discours de Jean Castex.
Accéder au rapport « Ruralités : une ambition à partager ».
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